Lorsqu'il reçoit au siège de campagne de sa candidate, au 64 boulevard Malesherbes, à Paris, David Rachline, secrétaire national à la communication numérique du Front national, répond en spécialiste de la Toile «bleu marine». C'est à cet apparatchik de 24 ans, qui s'est découvert dans le Var un engagement à l'extrême-droite le 21 avril 2002 (il avait 15 ans), que revient le soin de dépoussiérer la campagne du FN.
Ton posé et courtois, tel un vieux routier de la politique, il parle de "Marine" et, plus rarement, du "président Le Pen" auquel il voue une grande admiration, même s'il pense que sa fille a bien fait de "clarifier les choses" sur l'antisémitisme. Internet, selon lui, doit permettre aux Français de se saisir du projet de la candidate.
Il sait l'importance de son rôle: un sondage CSA de janvier indique que le quart des internautes les plus actifs politiquement sont des électeurs potentiels du Front national. "Nombre de Français sont d'accord avec nous, et ils seraient encore bien plus nombreux s'il n'y avait d'intermédiaires entre eux et nous", estime-t-il.
Quid alors des journalistes? «La plupart font bien leur travail et la personnalité de Marine est parvenue à briser un peu la glace, estime David Rachline, mais il y a parfois de la caricature. Les journalistes n'ont pas à sélectionner les idées. Ils doivent retranscrire de la façon la plus loyale les idées des candidats à l'élection présidentielle.» Une conception, somme toute, assez singulière de la liberté de la presse.
Sur Internet, il revendique de petites animations sur le site «des jeunes avec Marine» ( au look vintage) ou l'idée de proposer sur Facebook des avatars en forme de cartons rouges. Aux sites Marinelepen2012 ou Ruralité2012, il vient d'associer «La toile Bleu Marine», un agrégateur de contenus permettant aux blogs de se connecter à la "dynamique" de la campagne.
La modération? "Je ne la veux pas trop stricte. Nous n'exigeons pas que chaque blogueur soit en phase", dit-il. De son côté, le Comité de soutien présidé par Gilbert Collard sert de base à un véritable "réseau social" avec des forums et des regroupements par région. Une application Iphone a été inaugurée en février, après un premier refus d'Apple.
Sur Internet, David Racline mesure aussi les réactions aux interventions télévisées de sa candidate. Lorsqu'elle est mise en difficulté par Anne-Sophie Lapix sur Canal+ ou quand elle refuse de débattre avec Jean-Luc Mélanchon sur France 2, il assure que les avis sont partagés et que la mobilisation de ses partisans sur la Toile n'en est que plus vive. Mais il reconnaît que le "résultat net" peut être négatif.
Une raison supplémentaire d'être offensif sur le Web, cet "espace de liberté". Mais pas au point de se montrer hyper-réactif, comme en témoigne une photo de SDF, censée témoigner de la précarisation des Français, et restée longtemps sur le site après avoir été identifiée par Canal + comme venant de Floride.
Suivie par 43000 personnes quand elle envoie un SMS, la candidate est moins à l'aise s'agissant de Twitter où elle délègue le suivi de son compte. Mais l'ancienne avocate serait très sensible à l'environnement juridique du Web. Elle est opposée à l'accord international ACTA toute comme à Hadopi. "Nous avons des positions libertaires sur Internet", ne craint pas de dire David Rachline. Quand le site est attaqué en février, l'homme doute d'ailleurs qu'il s'agisse des Anonymous: "On est plutôt bien perçu par eux".
Cette stratégie numérique participe, bien sûr, de la volonté de dédiabolisation du FN. "Le grand truc de Marine, c'est d'avoir ajouté au nom de Le Pen du crédit sur les questions économiques et sociales, assure-t-il, il y a plus de gens qui nous rejoignent sur ces questions que sur l'insécurité." Une webinterview sur le recrutement, comme celle donnée à David Abiker pour Cadre Emploi, est ainsi vue comme une aubaine: "C'est hyper positif pour nous, je l'ai mise en avant sur nos réseaux sociaux...".