Fin avril, le Wave Festival reprenait ses quartiers au Copacabana Palace, célèbre hôtel de Rio de Janeiro, au Brésil. Organisé à la suite du Festival ibéro-américain de publicité, en Argentine, le Wave s'est imposé depuis quatre ans comme le lieu de rendez-vous de la création publicitaire sud-américaine et comme un tour de chauffe avant les Cannes Lions.
Cette année, c'est aussi l'occasion pour Publicis d'y organiser deux jours de séminaire. Une réunion importante puisque le groupe de communication a réalisé quatre acquisitions au Brésil depuis l'été 2010. D'abord, en août, le rachat d'une des plus importantes agences digitales brésiliennes, AG2 (170 salariés). En mars dernier, le groupe a pris coup sur coup une participation majoritaire dans Talent (260 salariés) et racheté GP7 et Tailor Made, toutes basées à Sāo Paulo, la capitale économique du pays. «L'Amérique latine devient une région importante pour Publicis et le boom économique que connaît actuellement le Brésil n'y est pas étranger», explique Olivier Altmann, directeur de la création monde de Publicis Worldwide, présent au Wave Festival.
Contrairement à son voisin argentin, le Brésil n'a en effet pas souffert de la crise économique. Dopé par la croissance et une baisse de la violence engagée par le président Lula, le Brésil intéresse les investisseurs. Résultat, le pays est toujours considéré comme l'un des marchés publicitaires les plus prometteurs du monde. Et les grands événements sportifs à venir, comme la Coupe du monde de football de 2014 et les Jeux olympiques de 2016, devraient renforcer le phénomène. Le groupe Havas Media a d'ailleurs ouvert, depuis novembre, un bureau à Sāo Paulo. À sa tête, Eduardo Corch, ancien patron du marketing sport d'Adidas Brésil.
En raison de ce contexte économique favorable, la création publicitaire brésilienne est également dans une phase ascendante. Les jeunes créatifs prometteurs, comme Octavio Maron, directeur de création chez AG2, se disent que ce n'est pas le moment de quitter le pays: «Le Web et la communication digitale explosent en ce moment au Brésil. C'est une période très intéressante.»
Un discours nouveau chez des créatifs généralement assez vite tentés par l'aventure new-yorkaise ou londonienne. De même, Gustavo Sousa, originaire de Rio, directeur de création au sein de l'agence londonienne Mother, avoue «regarder de très près ce qui se passe en ce moment dans la publicité brésilienne».
Le film à la traîne
Du côté des annonceurs, l'objectif commercial prime sur les envolées créatives. «Ils ont raison, remarque Octavio Maron, c'est quand même le premier rôle d'une publicité.» Mais Mario d'Andrea, président en charge de la création au sein de JWT Brésil, regrette un peu le manque d'audace de certaines marques brésiliennes. «C'est parfois dur d'être créatif dans un contexte aussi conservateur», estime-il.
Certains budgets lui permettent toutefois de s'amuser, comme celui du luxueux hôtel Emiliano, à Sāo Paulo. En duo avec le directeur de création Roberto Fernandez, Mario d'Andrea a eu l'idée de réaliser des visuels «print» truffés de petites histoires relatant des rêves de clients de l'hôtel réalisés grâce au personnel du palace. Un mélange d'illustrations et de collages très original et en rupture avec les codes locaux. Une création que Mario d'Andrea espère voir émerger à Cannes, en juin, un Lion restant plus que jamais la consécration suprême dans ce pays.
Autre création marquante, celle réalisée de l'agence F Nazca (Saatchi & Saatchi) pour le café Suplicy, qui a d'ailleurs obtenu le Grand Prix en catégorie Presse au Wave Festival. L'idée: mélanger des photographies et de l'illustration pour symboliser deux mondes, celui d'une réalité ennuyeuse et celui des rêves. «Entre les deux, le “fort” café Suplicy, agissant comme un “héros”, ramène les consommateurs à la réalité», s'amuse Eduardo Lima, directeur de la création chez F Nazca. Une campagne «print» très emblématique de la création brésilienne, baignée par une culture de l'écrit. «Le manque de moyens financiers nous a aussi appris très vite à développer une forte créativité et des concepts malins», ajoute Eduardo Lima.
De fait, le film reste la discipline à la traîne au Brésil. Les budgets serrés se font fortement sentir lors des tournages et de la postproduction. «Ce n'est pas qu'un problème d'argent, estime toutefois Mario d'Andrea, de JWT Brésil. Nos programmes TV sont aussi très “locaux”, tels les telenovelas [feuilletons latinos]. Du coup, nous réalisons aussi des spots publicitaires dont le contenu et l'humour sont peu exportables.»
Deux spots réalisés par Talent ont cependant retenu l'attention des publicitaires, qu'ils soient locaux ou étrangers. Il s'agit d'une campagne réalisée pour la marque de vêtements sportifs Topper, sponsor du rugby au Brésil et qui œuvre pour son développement. Un pari qui semble ambitieux dans un pays où le football est roi mais qui, justement, s'en amuse. Néanmoins, en film, les Brésiliens n'arrivent pas encore à la cheville de leurs talentueux voisins argentins, imprégnés d'une culture cinématographique.
Une création digitale florissante
Depuis quatre ans, la création digitale est devenue le second atout de la publicité brésilienne. Selon Zenith-Optimedia, le marché publicitaire sur Internet a d'ailleurs crû d'au moins 40% chaque année au Brésil entre 2004 et 2008. Si, depuis, la croissance a légèrement ralenti, les stratégies digitales s'intensifient chez les annonceurs.
À tel point que l'agence brésilienne Moma Propaganda a décidé d'en prendre le contre-pied le temps d'une campagne «print» réalisée pour Maxi Midia, un forum international de communication et de marketing qui a eu lieu en octobre au Brésil. «Sur le thème du “Tout vieillit vite”, nous voulions rappeler que ce qui est nouveau aujourd'hui sera déjà passé demain», explique Rodolfo Sampaio, directeur de création de Moma. Du coup, cette campagne «rétrofuturiste» s'est amusée à donner un coup de vieux aux nouveaux médias sociaux de Facebook à You Tube. Effet buzz garanti.
«La créativité pour la créativité n'a plus sa place dans le monde compétitif d'aujourd'hui. C'est ce que démontre cette campagne pour Maxi Midia: du buzz, de la notoriété et des résultats, voilà ce qui importe désormais», ajoute Rodolfo Sampaio.