Dossier Communication santé
Morcellement des budgets, transformation du modèle marketing, essor de la communication patient…, les lignes bougent dans le conseil en communication santé.

La compétition est rude. Les agences conseil en santé sont quasi-unanimes: en 2016, les laboratoires pharmaceutiques – le gros de leur clientèle – ont continué d’atomiser les budgets. De plus en plus, les agences sont consultées sur des projets et non plus sur la gestion d’une marque. «Cette industrie connaît des plans sociaux récurents depuis sept ans, ce qui exerce une pression sur la rentabilité et affecte donc les investissements en communication», constate Pascal Douek, président de DDB Health Paris. Dans ce climat, il est devenu «difficile de défendre la juste rémunération des agences», déplore Alain Sivan, président de TBWA Adelphi. Autrefois, les agences signaient pour trois à cinq ans, maintenant, l’échelle s’est raccourcie à un an. Le strict minimum. Alors, on s’adapte. «Il faut être capable de séduire sur les lancements, recommande Pascal Douek. Ce sont des moments clés dans la vie des laboratoires où les agences sont clairement partenaires, mais tout se joue avant…» Il n’empêche, pour Alain Sivan, «la tendance est aux enveloppes plus petites et donc aux opérations moins rentables». Pour l’instant, le volume de «new business» compense le phénomène.

Transformation

Les agences ne restent pas bras ballants. C’est le cas de Publicis Health France, qui se définit de plus en plus comme un cabinet de conseil, en plus d’une agence («consultagency»), ce métier mobilise près de 20% de ses effectifs. «Nos budgets évoluent vers des besoins bien plus intégrés, avec du conseil en marketing, de la communication de marque, une expertise digitale, du conseil en stratégie et du management d’entreprise», fait valoir Florence Bernard, directrice générale adjointe de Publicis Health France. Entre les Gafa et les cabinets de consulting, l’agence se fraye un chemin sur le créneau de la transformation du modèle marketing. «On réinvente le métier. Dans la communication, on a le nez dans le guidon, donc il faut pouvoir reprendre de la hauteur pour accompagner les entreprises dans l’analyse des nouveaux enjeux et des opportunités», poursuit Florence Bernard. Chez DDB Health Paris, le changement est synonyme de turn-over. «Les équipes “produit” des laboratoires ont la trentaine et fonctionnent de manière agile, donc je recherche des profils le plus en phase avec cela», précise le président de l’agence, dont le directeur général depuis octobre dernier, Loris Repellin, est justement âgé de trente ans. L’agilité induit de nouvelles interactions des laboratoires: assureurs, opérateurs et Gafa.

Lame de fond

Très contraints sur le plan réglementaire, les acteurs de la pharmacie ne peuvent pas communiquer auprès des patients sur les produits délivrés sous ordonnance. «La logique du marketing de masse purement produit et promotionnel est morte, lance Florence Bernard, de Publicis Health France. J’exagère en disant cela, mais il faut aller vers une logique complémentaire d’e-service répondant à une médecine plus personnalisée et de connaissance client.» Un point de vue que ne partage pas forcément Frédéric Maillart, directeur général de FMAD: «On aura toujours besoin de communication produit, à condition de la rendre intéressante.» Son secret est de recruter des créatifs étrangers au monde de la santé… et ses «réflexes conservateurs». La petite agence s’est d’ailleurs fixée comme objectif d’avoir 80% de campagnes primées. Mais ces efforts ne freinent pas la lame de fond des services. Communautés en ligne pour les professionnels de santé, plateformes d’accompagnement à la prise en charge d’affections de longue durée, bref, des projets qui engagent les clients sur le long terme. Avec, en filigrane, de vrais enjeux de santé publique. Florence Bernard constate que «la pharmacie produit beaucoup de contenus, qu’il convient désormais de mieux valoriser. C’est l’enjeu du brand content».

Réticences

La particularité des services est de toucher aussi bien les professionnels, tels que les médecins ou les visiteurs médicaux, que les patients. C’est le cas du laboratoire Roche, qui a réalisé une campagne de communication pendant l’opération «Octobre rose», le mois de sensibilisation au dépistage du cancer du sein. «C’est rare de parler directement au public», observe Alain Sivan, de TBWA Adelphi, qui note en parallèle un effort des laboratoires de sensibiliser leurs collaborateurs aux critiques à leur encontre. «Il faut dire qu’ils partent de rien», relève Frédéric Maillart, de FMAD. «Avant, les laboratoires ne voyaient pas l’intérêt de la communication patient. Or, ces derniers s’informent de plus en plus sur internet, même pour les maladies les plus graves, en quête du meilleur rapport bénéfice/risque. Il faut être là où se trouve le patient afin de le rassurer ou d’établir des programmes favorisant l’observance, mais sans citer le produit», détaille le communicant. Aujourd’hui encore, les laboratoires sont rétifs au digital, trop contraint et mal utilisé jusqu’alors. Certains le rayent même des briefs. Son moindre coût, son principal atout à leurs yeux, pourrait les faire changer d’avis.

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