Retail responsable
Local, circuits courts, seconde main, réduction d’impact environnemental… Les commerçants ne peuvent plus vendre comme avant et de nouveaux modèles se dessinent, avec un enjeu : faire de la RSE un levier de croissance et d’utilité pour tous. Focus sur sept démarches marquantes.

Plus de 90 % des consommateurs se disent prêts à acheter davantage de produits locaux. C’est ce que montre une étude sur les tendances retail de Havas Paris et du salon Paris Retail Week, réalisée en avril et mai 2020. Autres tendances accentuées par la crise, une exigence pour que les produits soient disponibles rapidement, une sensibilité à la question du « consommer moins mais mieux » et une appétence pour le discount, liée au pouvoir d’achat et à une volonté de se faire plaisir. En parallèle, le Covid a fait bouger le regard des Français sur la grande distribution. D’après un sondage OpinionWay pour Rosapark rendu public en mai, ils sont 41% à estimer que l’image qu’ils ont de ce secteur est plus positive depuis le début du confinement. Son utilité est davantage reconnue, de même que son rôle de proximité, d’approvisionnement et de lien. Si les attentes se transforment, les retailers ont déjà commencé à faire bouger les lignes. Retour sur sept enseignes qui se sont démarquées en 2020 par leurs initiatives RSE.

  • La Ruche qui dit oui ! - Priorité aux produits locaux

Ce début d’année s’annonce en fanfare pour La Ruche qui dit oui !, spécialisée dans les circuits courts et la vente de produits locaux. Proposant aujourd’hui trois circuits de distribution, à savoir la commande en ligne avec récupération dans des « ruches » (des points de distribution ponctuels au nombre de 800 en France), la livraison à domicile et la vente dans un « marché ruche », un lieu unique ouvert en octobre près de Toulouse, où il est possible à la fois de venir chercher une commande et d’acheter sur place, l'enseigne se lance un nouveau défi : le lancement de boutiques physiques. Une première ouverture est prévue en ce mois de février à Sceaux, près de Paris. Quatre à neuf autres devraient suivre en 2021. « 80-90 % de la vente alimentaire se faisant en physique, nous souhaitions aussi nous positionner sur ce créneau », explique Clémence Fernet, responsable communication externe de l’entreprise. En parallèle, la marque se donne de la visibilité à travers une campagne imaginée avec l’agence The Good Company. « En 2020, nous avons atteint un point de maturité. Nous avons été confortés dans notre vision. Nous souhaitons désormais nous adresser à un plus large public », précise Clémence Fernet. Cette campagne entamée fin 2020 sera déployée en télévision en mars.  

  • Carmila - La seconde main investit les centres commerciaux

Avec 128 centres commerciaux en France, tous attenants à un Carrefour, de taille moyenne et implantés dans différents territoires, la société immobilière Carmila revendique un ancrage local fort. Son programme RSE, baptisé « Ici on agit » et lancé en 2019, a connu, durant la crise, de nouveaux développements. « Nous avons eu deux priorités en 2020 : offre raisonnée (transparence, pouvoir d’achat, écologie, solidarité…) et emploi », dépeint Corinne Teste, directrice RSE. Cela s’est traduit en particulier par la volonté de faciliter l’implantation de boutiques de seconde main, via la signature, ces derniers mois, de partenariats avec des enseignes spécialisées comme Emmaüs, Patatam (friperie) ou Vidipi (vide-dressing), six au total - dont un antérieur à 2020 -, pour accueillir des points de vente dans les centres. « Nous sommes en phase de test and learn, nous regarderons comment cela mobilise, nous voyons un intérêt de la part des clients », assure Corinne Teste. Carmila entend donc poursuivre dans cette voie en 2021. Tandis que les négociations se passaient jusqu’alors plutôt en local, « nous allons amorcer des discussions avec des acteurs nationaux », dévoile-t-elle.

  • Comptoir de campagne - Des commerces multiservices en zone rurale

Revitaliser les zones rurales, c’est l’objectif de l’enseigne Comptoir de campagne, lancée en 2016, et dont les confinements ont rappelé le bien-fondé du projet, comme créer du lien social ou valoriser les circuits courts. Ces commerces multiservices, implantés dans des villages, proposent, en plus de la vente, des services (pressing, colis, presse, billets de train…) et des espaces de rendez-vous avec des professionnels locaux (ostéopathe, coiffeur, banquier…) « Nous souhaitions additionner les modèles économiques et créer un modèle viable pour les commerçants et amener des services au cœur des villages », détaille Virginie Hils, sa présidente fondatrice. Le modèle est basé sur des commissions (pour La Poste…), la sous-location d’espaces et la facturation de prestations (communication…) pour les professionnels. Il en existe onze aujourd’hui, dont deux ouverts en juin 2020, tous situés en région Auvergne-Rhône-Alpes. L’enseigne, qui compte une trentaine de salariés et travaille avec 200 producteurs, souhaite désormais se développer en franchise, tout en misant sur une croissance régionale, basée sur des « grappes » de magasins permettant de valoriser son réseau de fournisseurs locaux. Quatre Comptoirs devraient ouvrir en 2021.

  • Monoprix - Les fruits et légumes de Rungis s'invitent en ville

Avec la crise, la volonté de consommer local s’est accélérée chez de nombreux Français. Monoprix ne s’y est pas trompé en annonçant, en mai 2020, la signature d’un partenariat avec le marché de Rungis. « Nous réaffirmons notre volonté de soutenir l’approvisionnement local et national au service d’une alimentation toujours plus responsable », déclare dans un communiqué Jean-Paul Mochet, président de l’enseigne. Une façon aussi de soutenir la filière agricole tricolore. Les clients peuvent désormais retrouver en rayon des fruits et légumes issus de Rungis, identifiés par une signalétique dédiée, tandis que l’enseigne a également accentué son sourcing auprès des grossistes de ce marché géant, pour les fruits, les légumes, les poissons, les viandes et les fromages. Aujourd’hui, une trentaine de magasins et 19 grossistes sont concernés par l’initiative. Dix magasins de plus devraient rejoindre le projet d’ici à la fin de l’année. « Cette offre séduit nos clients, assure l’enseigne. Nous avons également fait évoluer notre offre avec des produits d'exception qui ont été proposés pour les fêtes de fin d'année et proposons également des cagettes de fruits et légumes pour le e-commerce ».

  • Bocage - Donner une nouvelle vie à ses chaussures

L’équipe de Bocage, marque de chaussures du groupe Eram, était dans les starting-blocks ces dernières semaines pour déployer le site web Comme Neuves by Bocage. Décalé pour cause de Covid, le lancement de celui-ci devait intervenir fin janvier ou début février. Ce site entend mettre en avant une offre de chaussures de seconde main, louées par des clientes dans le cadre d’un service lancé en 2019, qui sont ensuite récupérées, reconditionnées dans une usine du Maine-et-Loire et revendues à prix réduit. Depuis août 2020, ce service a été mis en avant dans quatre corners éphémères, au BHV Le Marais et aux Galeries Lafayette à Paris, à Patatam à Anglet et à Slowmod à Lille. Trois boutiques Bocage accueillent également des espaces dédiés à cette offre, cette fois de façon permanente, à Paris, Nantes et Angers. Pour renforcer la visibilité du concept, deux ouvertures sont prévues à Nice et Montpellier à partir de ce mois de février. « Nous souhaiterions développer davantage de corners physiques », indique-t-on à la communication de Bocage. Il n’est pas exclu non plus que l’initiative soit étendue à d’autres marques du groupe.

  • Klépierre - Les énergies renouvelables prennent leur essor

« 2020 a marqué une continuité dans notre démarche RSE, avec une stratégie, Act for good, enclenchée au niveau du groupe dès 2018, entame Clémentine Pacitti, responsable du développement durable chez Klépierre, qui gère 46 centres commerciaux en France. Pour autant, deux thématiques ont été prioritaires cette année : l’énergie et la stratégie climatique et, sur le plan sociétal, le soutien aux communautés locales en lien avec les acteurs du territoire. » Sur le premier volet, la foncière a notamment compté sur un outil de pilotage énergétique des bâtiments, particulièrement sollicité cette année alors que les besoins d’aération des centres ont été amplifiés par le Covid. Si une ferme solaire a vu le jour dans l’un de ses centres en Belgique, le groupe entend de plus en plus miser sur les énergies renouvelables pour s’approvisionner. Sur le volet social, crise sanitaire oblige, l’accent a été mis sur les démarches de solidarité, à travers des collectes alimentaires et de biens de première nécessité. Dans une vingtaine de centres, des salles ont été mises à disposition pour accueillir les femmes victimes de violence. « En 2021, nous aurons un focus sociétal fort sur l’emploi des jeunes », indique Clémentine Pacitti.

  • Bonobo - L’impact environnemental s'affiche

Ça va mieux en le disant, ou plutôt en l’affichant. Bonobo, enseigne de prêt-à-porter qui compte 375 magasins, donne depuis novembre à une série de ses produits une note de A à E, censée refléter l’impact environnemental de chaque vêtement selon les matières premières utilisées, la fabrication, le transport... « L’Europe travaille à une législation sur ce sujet pour 2022, nous anticipons sur cette norme », confie Xavier Prudhomme, dirigeant de la marque, qui s’est notamment appuyée sur une méthodologie développée avec l’Ademe et qui a aussi avancé sur le sujet avec Decathlon et Okaïdi, deux autres « pionniers » dans cette démarche à propos de laquelle la Convention citoyenne sur le climat s’était prononcée favorablement. « L’idée est de permettre aux consommateurs de faire un choix éclairé », poursuit le dirigeant. L’affichage est pour l’heure réservé aux produits vendus en ligne, 400 au 21 janvier, et devrait être étendu aux magasins l’année prochaine, directement sur les étiquettes des produits - ce qui impliquera de donner des informations aux usines dès avril ou mai cette année. En boutique, les étiquettes d’une partie des jeans affichent déjà un score environnemental, basé sur le délavage. Le prochain affichage englobera davantage d’aspects de la vie du vêtement.

Quatre start-up à la rescousse

 

Ces entreprises peuvent aider les retailers à améliorer leur feuille de route en matière de RSE.

 

Smartway

Que faire d’un produit bientôt impropre à la vente ? C’est à ce problème que Smartway - qui s'appelait encore Zéro-Gâchis il y a quelques semaines - aide les grandes enseignes (Intermarché, Auchan, Système U…) à répondre. Cette PME de 55 personnes, née en 2012, propose des outils gérant la détection des produits concernés, la décision (réduction ou don à des associations), l’étiquetage d’étiquettes promotionnelles et la donation. De quoi réduire de 80 % le gaspillage alimentaire tout en augmentant de 51 % le résultat net après impôt d’un magasin.

 

Shopopop

À rebours des grands acteurs de la livraison parfois pointés du doigt pour leurs pratiques sociales, Shopopop (quatre ans et demi d’existence, 60 personnes et 6 millions de chiffres d’affaires en 2020, bientôt une quatrième levée de fonds) propose un modèle de livraison collaborative, opérée par des particuliers, aujourd’hui essentiellement plébiscitée par la grande distribution alimentaire. Autre avantage RSE : économiser du CO2 puisque le particulier mutualise son transport (en voiture, en vélo…) pour effectuer la livraison.

 

Lizee

Réutiliser plutôt que jeter, éviter la surproduction et la surconsommation : la location, en termes de RSE, multiplie les atouts. Née en 2019, Lizee aide les retailers, via une solution logicielle dédiée, à mettre en place une offre en la matière, du lancement de site web au pilotage de l’activité, en passant par le contrôle de la remise à neuf des produits. Decathlon l’utilise par exemple pour louer sa tente Quechua. Petit plus responsable : la start-up a, durant le confinement, planché sur un module autour de la seconde main. 

 

Magic Pallet

Avec Magic Pallet, fini les trajets en camion pour rapatrier des palettes vides sur une plateforme logistique. Cette start-up montpelliéraine née en 2019 a imaginé un système pour permettre aux entreprises ayant besoin de se débarrasser ou de trouver des palettes, de le faire localement, auprès d’autres sociétés référencées. Les retailers (Leroy Merlin…) représentent un tiers de son chiffre d’affaires. Son modèle favorise aussi la cooptation entre concurrents (une enseigne de distribution peut aller récupérer des palettes chez une autre).

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