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Le jeu officiel du Vendée Globe connaît un succès phénoménal. Près d’un million de navigateurs virtuels y disputent le trophée avec les « vrais » skippers en mer.

Diffusé en direct sur France 3, dimanche 8 novembre, le départ du Vendée Globe a soufflé un vent vivifiant sur 1,64 million de téléspectateurs, dans un contexte de morosité nationale. Alors que 33 marins chevronnés levaient l’ancre des Sables d’Olonne pour un tour du monde en solitaire, sans public sur la rive pour les encourager (une première dans l’histoire de la compétition), plus de 200 000 personnes en mal de grand air se sont ruées sur le jeu officiel de la course nautique, édité tous les quatre ans depuis 2008 par la société française Virtual Regatta. La société d’eSailing s’était préparée à cette forte affluence de connexions en confiant à Gekko, filiale d’Accenture, la migration de son logiciel sur le cloud d’Amazon.

 

956 287 bateaux

Depuis son top départ sans fausse note, la course virtuelle n’a cessé d’attirer les joueurs puisque les retardataires ont la possibilité de rejoindre la course en cours de route. Ainsi le jeu, qui compte désormais 950 000 e-skippers, devrait atteindre prochainement le million. Un record absolu quand on sait que l’édition de 2016 avait déjà réussi à réunir 450 000 joueurs. Cet engouement du public dépasse les espérances de Philippe Guigné, le fondateur du jeu. «Nous sommes désormais le média sur la voile le plus puissant au monde», affirme ce champion du Tour de France à la voile de l’année 1997. Interrogé sur le profil type du joueur, il répond qu’il s’agit principalement de «fans de voile», pas forcément pratiquants mais intéressés par les grandes courses. Les CSP+, voire CSP++, représenteraient une grande partie de l’audience et, en moyenne, un joueur se rendrait quatre fois par jour sur l’interface, pour une totalité de 40 minutes.

Une audience qui n’est pas dûe au hasard : l’accessibilité est le concept gagnant du jeu. Sous son apparente complexité, il est pédagogique et arrive ainsi à embarquer professionnels de la voile et néophytes. Chacun y trouve son compte. Certains par goût de la gagne, prêts à se lever la nuit pour surveiller les avancées de la flotte, d’autres sans enjeu de compétition, simplement pour suivre de manière ludique le Vendée Globe. Aussi, prendre le large est possible sur mobile, tablette et ordinateur sans le moindre coût puisque le jeu est gratuit. Son modèle économique repose sur l’achat de « packs » pour équiper son bateau de telle manière à lui donner des avantages techniques. Plusieurs types de voiles peuvent être ainsi achetés, de même qu’il est possible d’équiper son voilier de «foils», ces appendices qui permettent de gagner en vitesse.

Pour les plus accros, il est possible de devenir membre VIP de Virtual Regatta via un abonnement qui offre des avantages de navigation et l’assurance d’une expérience utilisateur sans interstitiel publicitaire. Bien que la politique de la maison est le «saupoudrage» : un interstitiel publicitaire n’est présenté, au maximum, que deux fois par jour à un joueur non-payant. La société ne dispose d’ailleurs pas de régie publicitaire et travaille en gré à gré avec des annonceurs qu’elle trie sur le volet.

L’autre point fort du jeu est son côté réseau social : il est possible de créer des groupes pour jouer avec ses amis. France Bleu s’est emparé de cette fonctionnalité pour créer une équipe avec ses auditeurs, dont les exploits sont relatés sous forme de journal de bord. Il est également possible de «tchater» avec les autres joueurs, y compris avec les skippers professionnels. Virtual Regatta vend même aux entreprises un service de course privée, une sorte de «course dans la course», pour faire jouer entre eux des collaborateurs avec des voiliers aux couleurs de leur entreprise. 



Conditions réelles

Empruntant aux jeux de simulation, la course du Vendée Globe sur Virtual Regatta reproduit en temps réel les conditions météorologiques et les vents. Ainsi, les gamers ont l’impression d’être immergés dans l’univers des skippers. Concrètement, le jeu se compose de deux écrans interactifs et le joueur «switche» de l’un à l’autre. Le premier écran est une vision 3D du bateau qui fend les vagues, avec un graphisme et un design sonore aux pouvoirs hypnotiques. Dans le jeu, le réalisme est assez poussé : le compas pour fixer le cap a été développé par B&G, une société qui produit des outils de navigation, et un service de routage a été produit par l’horloger suisse Ulysse Nardin, chronométreur officiel du Vendée Globe. Le deuxième écran est une carte du monde, avec les positions des bateaux : ceux des joueurs bien sûr, mais aussi les bateaux des vrais skippers, ceux qui participent au Vendée Globe 2020 et les «certifiés», ceux qui ne participent pas à cette édition mais qui ont une notoriété. C’est le cas du navigateur-vedette François Gabart, qui a remporté le Vendée Globe 2012, et dont le voilier virtuel, sponsorisé par la marque de location de bateaux Click&Boat, est piloté par son équipe de MerConcept. 

On peut également citer Loïck Peyron, star de la voile et vainqueur (entre autres) de la Route du Rhum 2014. Ce dernier est un mordu du jeu qu’il dit avoir « toujours à portée de main ». Seul à la barre de son voilier virtuel, il est rémunéré pour sa participation : ses voiles arborent les couleurs de la société Polarys et de l’association OSE qui lutte contre la neurofibromatose, une maladie génétique rare. « Si l’effort physique n’est pas présent, il y a tout de même un aspect stratégie qui est très prenant », explique ce grand navigateur, actuellement classé 3496ème dans le jeu.

 

Sponsoring hybride

Tout un écosystème de marques a réussi à s’intégrer à Virtual Regatta. On y compte les sponsors 100% digitaux et les sponsors «hybrides», dont les logos sont présents sur les voiliers réels et leurs avatars informatiques. C’est la magie du «phygital», comme le souligne Matthieu Masquelier, responsable de la communication et du sponsoring de Corum L’Épargne, société de placement immobilier. «Née sur Internet, sans agence physique, Corum L’Épargne avait besoin de se faire connaître, explique-t-il, le sponsoring sportif nous a semblé être l’axe à suivre pour cet enjeu de notoriété. La voile, par ses valeurs de gestion du risque et de dépassement de soi, nous a parlé.» Sponsor du skipper Nicolas Troussel (qui a dû abandonner la course pour cause de démâtage), la campagne de visibilité de la marque se poursuit dans le jeu. Elle est notamment partenaire de l’équipe d’e-sport professionnelle MCES. 

«La voile bénéficie d’une bonne image avec un bon esprit qui met à l’honneur l’écologie ou encore l’entraide», détaille Philippe Guigné. Des valeurs qui redonnent de l’espoir en temps de crise sanitaire, comme le récent sauvetage de la noyade de Kevin Escoffier par Jean Le Cam. Bon vent aux gamers !

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