A priori, travailler dans une agence de publicité n’était pas l’objectif premier de Mathilde Fallot, 30 ans, et Gullit Baku, de quatre ans son cadet. Ils ont bien fait d'embrasser cette profession: la rédaction de Stratégies a fait d'eux les Jeunes créatifs 2015, récompensant leur travail et détectant chez ces deux jeunes gens un vrai potentiel. Leurs noms s'ajoutent à une liste où ils ne seront pas en mauvaise compagnie... (lire l'encadré)
«Pendant mon DUT en marketing-communication, j’ai effectué un stage dans une société de street marketing, c’est à ce moment que j’ai eu le déclic et l’envie de travailler dans la publicité», se rappelle le jeune homme, également passé par une école d'art en Angleterre. Ce fan de hip-hop, qui intègre en 2010 Fred & Farid comme concepteur-rédacteur junior, découvre alors de fortes similitudes entre ce courant musical et la publicité. «La base du hip-hop, c’est le sample. C’est-à-dire reprendre des classiques d’autres courants musicaux pour faire un morceau. En publicité, c’est la même chose car nous nous inspirons de films, d’expositions, de musique… Nous sommes des sampleurs», glisse-t-il.
Éponges cosmopolites
«Nous sommes des éponges», confirme Mathilde Fallot, qui se destinait pour sa part à une carrière dans le dessin d’animation. Après l’Esag Penninghen, Les Gobelins et un passage chez Intuit Lab, la jeune femme s’intéresse finalement à l’illustration de manière globale «sans savoir vers quel métier [se] diriger». C’est «par pur hasard», dit-elle, qu’elle se retrouve en contrat professionnel chez Ogilvy & Mather Paris, puis en CDI chez Fred & Farid en 2010, comme directrice artistique.
«Comme dans le dessin d’animation, j’ai apprécié l’idée de raconter des histoires et de créer un univers. Mais cette expérience m’a surtout plu car j’y ai apprécié l’ambiance internationale. J’aime travailler avec des personnes de cultures différentes», raconte celle qui a étudié six mois aux Beaux-Arts de Varsovie.
L’une est plus tournée vers les arts visuels, l’autre vers la musique. Mais Mathilde Fallot et Gullit Baku finissent par se rencontrer chez Fred & Farid. Tous deux au «pôle banking» de l’agence où ils réalisent un projet ensemble («La tribu du XV» pour la Société générale), ils profitent des pauses pour se découvrir, discuter et finalement... postuler chez BETC. «Au fil de nos discussions, nous nous sommes rendu compte tous les deux que c'était pour nous la meilleure agence française. Sur un coup de tête, nous avons donc postulé à l’adresse [email protected], en mettant "À l’ordre de Rémi Babinet", car nous n’avions aucun contact.» L’audace paie: ils sont embauchés en septembre 2011.
100% clips
Eux qui n’avaient jamais véritablement travaillé ensemble précédemment ont tout découvert ensemble chez BETC. Ils ont commencé en œuvrant sur des projets pour Sodebo et Blédina, ont partagé la joie de réaliser leur première comédie («Le cadeau de Noël» pour Décathlon, en décembre 2014), mais ont aussi découvert les déceptions inhérentes aux projets avortés. «Lorsqu’une publicité ne sort pas, ça nous fait mal mais avec le temps, nous avons pris conscience que ça faisait partie du métier», glisse Gullit Baku.
Sans trop savoir expliquer pourquoi, les deux jeunes gens se disent convaincus qu’«être en team mixte est une de [leurs] forces, notamment sur des sujets qui pourraient être plus féminins comme la mode ou plus masculins comme le football». S’ils ont des sensibilités différentes, ils partagent en revanche plusieurs points communs, et notamment un goût immodéré pour les clips musicaux. «On s’envoie des liens pour compléter nos références», explique Gullit Baku. D’ailleurs, ils aimeraient un jour réaliser un clip.
Toujours plus loin
Ce binôme créatif partage également l’envie de proposer et de concevoir des insights réalistes. Gullit Baku cite en exemple les publicités de Dove. Mais surtout, ils sont tous deux attirés par des marques qui sont «prêtes à aller loin publicitairement parlant, comme Lacoste chez BETC». Mathilde Fallot, qui admire les campagnes Nike ou Adidas, donne en exemple la publicité «Le Gorille» de Cadbury (2009).
Ils ont déjà eu l’opportunité de travailler pour une marque qu'ils jugent audacieuse, en l’occurrence pour Aigle. «Nous avons réussi à sortir la campagne "It’s wild out there", qui reste mode tout en racontant une histoire.» S’ils sont fiers de cette campagne, ils apprécient également la façon dont ils travaillent avec leur client. «Pour cette saga, nous avons certes fait la création, mais nous avons aussi été impliqués dans l’aspect commercial. Nous avons apprécié de pouvoir construire une relation en direct avec le client, mais aussi de travailler en équipe avec les commerciaux pour défendre une idée.»
C’est d’ailleurs un des points qu’apprécie chez eux Filip Nilsson, directeur de création chez BETC depuis 2013 [qui vient de quitter l'agence]. «Dès le premier projet que nous avons fait ensemble, en l’occurrence du packaging pour Evian, j’ai remarqué qu’ils n’avaient pas un esprit de compétition mais qu’ils étaient plus dans le partage d’idées et dans les discussions collectives. Ils sont curieux, ouverts et positifs», raconte-t-il.
Multi médias
Selon lui, leur ouverture d’esprit se retrouve également dans leurs choix de supports publicitaires. «Ils sont complètement intégrés et sont aussi intéressés par le digital que par le print.» «Nous n’avons pas de média de prédilection», confirme Gullit Baku. Pour preuve, lors de la sortie de «Baby & Me 2» d’Evian, ils ont réalisé un teaser autour du spot publicitaire, des RP, du digital et de l’événementiel. Toujours pour Evian, ils ont travaillé cette année sur plusieurs activations.
Depuis quatre ans dans la même agence, ce jeune team créatif n’envisage pas pour l’instant d’en changer. «En France, on veut rester chez BETC qui est toujours pour nous la meilleure agence française», glisse Gullit Baku. Mais vu leur formation, l’envie d’ailleurs pourrait se faire ressentir... «Si nous partions à l’étranger, nous voudrions intégrer des agences qui sont constantes dans leur travail et qui ont des budgets qui font rêver, comme BETC. En tête de liste arrivent par exemple Wieden+Kennedy Amsterdam ou 72 and Sunny.»
Mais avant de rêver d’international, le duo souhaite «faire une campagne 360 degrés et aussi un grand film». «Ils n’ont pas encore beaucoup d’expérience au niveau des films. Ils doivent encore en faire pour apprendre comment ça marche», glisse Filip Nilsson, qui conclut, fier de ses «élèves»: «Ils ont compris que pour bien faire ce métier, il fallait aussi s’amuser!»