Le 9 février 2012, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar condamnait le groupe E.Leclerc à verser 260 000 euros de dommages et intérêts à l'Union des groupements de pharmaciens d'officine et 200 000 euros à l'un de ses membres, le groupement Univers Pharmacie. Motif de la discorde: une campagne publicitaire parue dans la presse et sur Internet fin 2011, dans laquelle l'enseigne de grande distribution affirmait vendre ses produits de parapharmacie moins chers que les pharmaciens.
Ce litige n'est que la manifestation la plus récente d'une guerre larvée que se livrent depuis plusieurs années les pharmaciens et Leclerc, accusé de vouloir investir le marché du médicament par tous les moyens. Surtout, il cristallise parfaitement les tensions d'un secteur de la pharmacie en pleine mutation.
En 2010, 100 à 200 officines (sur 22 500) ont été mises en liquidation, redressement ou procédure de sauvegarde. C'est deux fois plus qu'en 2009. Depuis vingt ans, pour faire face à une marge qui s'érode, les pharmaciens cherchent à optimiser leurs conditions d'achats en se fédérant sous des formes diverses. Alphega Pharmacie, Alrheas, Apsara, Ceido, Cofisante, Europharmacie, Evolu Pharm, Forum Santé, Giphar, Giropharm, Optipharm, Pharmactiv, Pharmodel Group, Plus Pharmacie, Reseau Santé: au total, une vingtaine de groupements, enseignes, chaînes intégrées.
Quel est aujourd'hui leur poids réel ? «Il ne faut pas confondre pharmacies en groupement et pharmacies véritablement sous enseigne. Celles-ci ne doivent pas représenter plus de 11% des officines et 12% à 13% du chiffre d'affaires de la profession», affirme Lucien Bennatan, patron de PHR. Créé il y a vingt ans, pionnier en matière de groupement d'officines, ce groupement compte 2 280 pharmacies adhérentes et 590 sous enseignes Viadys et Pharmaréférence.
Avec la loi «Hôpital, patient, santé, territoire» (HPST) de 2009, le pharmacien est appelé à devenir un acteur central dans la coordination des soins. Il va donc devoir multiplier les services. Et surtout les faire connaître. Les stratégies de communication misent massivement sur la proximité. Les applis mobiles se multiplient, permettant aux patients d'envoyer à leur pharmacien une photo de leur ordonnance, de recevoir des alertes de prise et de posologie, de trouver la pharmacie ouverte la plus proche.
«L'officine est le centre de gravité de la communication», confirme Anne de Warren, directrice de la communication Alliance Heathcare France et de son enseigne Alphega. Lancé il y a dix ans en France, le réseau compte aujourd'hui 1 200 pharmacies. L'enseigne mise sur une signalétique forte, des campagnes de prévention et de dépistage, un magazine.
Certains acteurs continuent pourtant d'investir frontalement le créneau du low cost. En 2011, Evolu Pharm rebondit sur sa promesse publicitaire («L'enseigne des pharmaciens au prix le plus juste») en étant le premier à afficher les prix de ses produits au fil de trois vagues de spots télé.
En 2011, Welcoop, enseigne lancée en 2008, a signé de sa marque quatre insertions dans les pages du Figaro. Davantage pour parler aux pharmaciens qu'au grand public, reconnaît Olivier Morlot, directeur de la communication : «Avant de cibler les consommateurs, il faut en passer par une communication B to B.» L'enseigne mise sur une politique événementielle, au travers de ses «Welcoop Days» (près de quatre-vingts jours de rencontres professionnelles programmés pour 2012) et de son «Welcoop Forum» (1 000 mètres carrés d'exposition au Palais des congrès de Paris le 24 mars prochain). Budget global de communication: un gros million d'euros.
Malgré les efforts déployés pour se faire connaître, les enseignes peinent encore à trouver de la notoriété. En 2010, une étude OMD créditait Giphar, groupement créé en 1968 et sous enseigne depuis 2001, d'une notoriété spontanée de 8% et d'une notoriété assistée de 38%. PHR, qui consacre entre 8 et 9 millions d'euros à la promotion de ses deux enseignes, ne parvient pas à dépasser les 9% de reconnaissance spontanée et les 27% de reconnaissance assistée. «Ce n'est pas assez, reconnaît Lucien Bennatan. Mais tant que le marché ne sera pas plus lisible, même les enseignes solidement positionnées auront du mal à émerger.»