«La télévision connectée, c'est un tsunami qui se prépare», a lâché Frédéric Mitterrand le 8 avril dernier au cours du MIP TV, à Cannes. Le ministre de la Communication, qui avance le chiffre de 70% de téléviseurs connectés sur l'ensemble des ventes en 2013, prend acte d'un phénomène qui risque de prendre de court bien des opérateurs. Car la «connected TV», comme on dit outre-Atlantique, précipite le petit écran de salon dans une jungle ouverte aux géants du Web.
Comme le disait Nicolas de Tavernost, le président de M6, au cours d'un colloque du CSA le 28 avril, bienvenue alors dans le monde de «l'hyperchoix» démultipliant le risque de piratage avec des milliers de vidéos accessibles.
Pour les diffuseurs, il s'agira alors non seulement de défendre des «marques fortes», comme dit Rémy Pflimlin, le patron de France Télévisions, mais aussi de leur donner une nouvelle vie avec des «widgets» ou des contenus enrichis. «Le service public doit jouer le rôle de porte-drapeau de la création française», proclame Rémy Pflimlin, en espérant, comme Bertrand Meheut, le patron de Canal+, que le consommateur sera toujours sensible aux lignes éditoriales. Une ligne qui sera d'autant plus suivie que les programmes proposés ne reposeront pas sur l'acquisition de droits internationaux que peuvent convoiter les Google, Yahoo ou Apple mais sur des contenus «distinctifs, exclusifs et locaux». Entendez le sport et la fiction française ou européenne.
Une charte entre diffuseurs et constructeurs ?
Bien sûr, les opérateurs historiques attendent aussi un coup de pouce pour obtenir une neutralité fiscale et réglementaire en Europe devant ces «pure players» sans toit ni loi. Face à Google TV ou Apple TV, dont le siège social européen est établi en Irlande ou au Luxembourg, le patron de TF1 Nonce Paolini réclame que l'on mette «les acteurs sur un pied d'égalité».
Michel Boyon, président du CSA, ne peut que constater son impuissance en se proposant d'être une institution de dernière instance n'intervenant qu'en cas de manquement ou de conflit professionnel: «C'est le marché qui décidera.» Autrement dit, les divers acteurs sont invités à s'autoréguler. À travers une charte, les diffuseurs se proposent d'édifier des règles de comportement avec les constructeurs. Pas question pour TF1 d'accepter, par exemple, que l'alliance entre Yahoo et Samsung aboutisse à imposer des widgets du portail Internet en surimpression d'un programme de la Une.
Frédéric Miterrand a nommé une mission pour y voir plus clair, d'ici à l'été. Même si le tsunami annoncé se mue au final en lente montée des eaux, cela peut toujours aider à mieux appréhender la délinéarisation de la consommation TV.