En 2010, les agences de communication santé ont souffert: disparition d'agences (Scorpion), changement de direction (McCann, DDB Ciel & Terre), compression des budgets, sans parler de la baisse du nombre des visiteurs médicaux – 18 400 contre 24 000 en 2005, selon Les Entreprises du médicament (Leem) –. «Presque la moitié des dirigeants des agences santé appartenant à un groupe ont quitté leur enseigne, et une agence mythique indépendante a hélas disparu. De plus, le rythme et la saisonnalité des compétitions sont devenus imprévisibles», analyse Odile Finck, présidente de la délégation santé de l'AACC et de l'agence Action d'éclat.
Pourtant, certains notent des signes de reprise. Pour Pascal Douek, nouveau PDG de DDB Ciel & Terre Health, «nous sommes plus souvent interrogés qu'auparavant, mais pour des budgets inférieurs. Il nous faut donc plus de clients pour réaliser le même chiffre d'affaires».
Certains, comme , PDG d'Euro RSCG Life, misent sur la diversification pour résister aux turbulences: «Nous nous sommes positionnés sur deux grands secteurs, les médicaments de prescription et la santé grand public. Les marques OTC (1) et les campagnes de sensibilisation permettent d'amortir les chocs.» L'international, qui génère la moitié des revenus de la filiale d'Euro RSCG (Havas), est un second atout. «Nous servons de “hub” à de gros clients comme Sanofi Aventis Monde. D'ailleurs, malgré la crise, trois laboratoires figurent parmi les cinq premiers clients du groupe Havas», précise-t-il.
Qu'elles soient affiliées à un réseau publicitaire ou indépendantes, les agences santé doivent résoudre la même équation: comment compenser la baisse du nombre des «blockbusters» (médicaments générant plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires)? Le numérique est l'un des nouveaux outils que développent les agences pour leurs clients. Les visiteurs médicaux se voient équipés de PC portables ou de tablettes numériques pour développer leurs argumentaires commerciaux auprès des médecins (c'est l'e-detailing ou l'e-ADV – aide à la vente –). «Le digital commence à faire partie de l'offre classique des agences, que ce soit en Web, e-detailing, self-detailing, e-ADV, i-PADV, e-mailings, etc. », énumère Odile Finck. «Nous avons un client pour qui nous ne faisons que du digital. Et nous sommes partenaires de plates-formes logicielles mondiales comme Exploria et Proscape», ajoute Michel Nakache.
L'onde de choc créée par le Mediator
L'Ipad d'Apple a fait une entrée remarquée dans l'univers de la santé. «Depuis septembre, trois laboratoires ont fourni un Ipad à leurs visiteurs médicaux, puis tous ont suivi. Et les médecins sont de plus en plus adeptes de cet outil», explique Pascal Douek. En revanche, les réseaux sociaux ne sont pas encore utilisés par les laboratoires, la réglementation française les empêchant de s'adresser directement aux patients. Impossible pour les industriels de sponsoriser un Facebook de la santé sans s'imposer une modération drastique qui ôterait toute pertinence à un tel projet. Mais les choses bougent, comme le prouve le récent lancement de My Psink, site communautaire des psychiatres français financé par Astra Zeneca (www.mypsynk.com/communaute/accueil).
Pour les agences santé, le prochain chantier est tout tracé: s'adapter à l'onde de choc créée par le Mediator. Les agences santé, fortes de leur expertise en matière de communication, sont bien placées pour aider l'industrie à reprendre la parole. À condition que celle-ci y soit bien disposée, ce qui n'est pas encore le cas: «Il y a deux ans, nous avons proposé au Leem de travailler bénévolement pour eux sur l'image des laboratoires auprès du grand public. On nous a répondu que ce n'était pas la priorité», regrette Odile Finck. L'affaire Servier pourrait bien forcer l'industrie à revoir sa position.