Cet outil est très utilisé dans les entreprises pour former les équipes aux enjeux des rapports du GIEC. Mais il doit s’accompagner d’autres mesures pour permettre le passage à l’action.
Qu’est-ce que la Fresque du climat?
La Fresque du climat est la création de l’ingénieur Cédric Ringenbach, directeur du Shift Project, le think tank spécialisé dans les questions climatiques et énergétiques, de 2010 à 2016. En épluchant les rapports du GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, il constate que peu de personnes les lisent, car ils sont très arides malgré leurs richesses d’enseignements. Il a l’idée de les synthétiser sous la forme d’un jeu de cartes, testé en 2018 auprès de 900 élèves de l’école de management Léonard de Vinci. L’association La Fresque du climat est fondée la même année pour permettre sa diffusion auprès d’un large public. Chacun peut adhérer pour monter des ateliers à destination du grand public ou dans un cadre professionnel. EDF, L’Oréal, Suez, la Ville de Paris, HEC, Fabernovel font partie des organisations qui ont testé ce format. D’ici fin 2022, 2 millions de personnes devraient être formées pour animer des fresques.
Comment fonctionne un atelier?
Il ne faut pas trop en dire pour garder l’effet de surprise. Disons qu’un atelier rassemble plusieurs groupes de 5 à 7 personnes auxquelles l’animateur distribue un jeu de cartes à placer sur une feuille. Le but est d’identifier les causes et les conséquences du réchauffement climatique, en autonomie dans un premier temps, puis sous le guidage de l’animateur. D’autres cartes viennent s’ajouter, apportant de nouvelles informations et de nouvelles interactions. Au bout d’une heure, les participants sont invités à dessiner sur la feuille, à ajouter des flèches pour visualiser les liens de causes à effets et à donner un titre à leur fresque. Un tour de table permet ensuite à chacun d’exprimer son ressenti. L’animateur peut demander aux participants de résumer l’expérience en un mot, ou de donner un message d’espoir. Le format en petits groupes favorise les conversations, confronte les visions et permet de s’approprier les informations.
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Comment ne pas déprimer?
Tous les « fresqueurs » le disent, l’expérience est assez déprimante. Le constat de l’impact de l’activité humaine sur le climat et la biodiversité est vertigineux. Pour être réussi, il est important que l’atelier s’accompagne d’autres actions afin de ne pas laisser les participants découragés. La régie publicitaire de TF1 l’a inscrit dans le cadre d’un parcours global de formation confié à la société Youmatter qui comprend aussi des modules de e-learning, des conférences, une journée avec le consultant en communication responsable Mathieu Jahnich, qui aide à identifier les pièges du greenwashing. « Youmatter a répondu à notre appel d’offres avec ce format de fresque qui correspond bien au secteur de la publicité où les interactions entre les acteurs sont nombreuses, explique Victoire Giacomini, chargée de mission auprès de la directrice générale de TF1 Pub Sylvia Tassan Toffola. Notre objectif est de former tous nos collaborateurs ainsi que l'interprofession et les annonceurs. »
Une autre condition est que l’entreprise ait défini sa stratégie RSE au préalable, afin d’éviter une dissonance cognitive. A-t-elle développé une politique de télétravail? Propose-t-elle des plats végétariens à la cantine? Ce sont des questions qui se posent quand on constate que les transport et l’élevage sont les deux activités à plus fort impact sur l’environnement. Comme le confie une attachée de presse dans le secteur de la décoration : « On a fait la fresque dans notre agence, mais je dois encore promouvoir des marques qui n’ont aucune démarche écologique. Je me retrouve en contradiction. » D'où l'intérêt de former tout l’écosystème, clients, fournisseurs, consommateurs. L’enseigne Nature & Découvertes va proposer des ateliers pour le grand public dans ses magasins à partir d’octobre, après l’avoir fait au niveau du comité de direction et des salariés.
Comment l’appliquer à son métier?
La Fresque du climat a l’avantage de fournir un socle de connaissances mais ne propose pas de solutions. On peut rester sur sa fin si elle reste un exercice isolé. De plus c’est un format très général qui ne tient pas compte de la diversité des métiers. Conçue pour être diffusée le plus largement possible, elle connaît de nombreuses déclinaisons : fresque du numérique, du bâtiment, de la biodiversité, de la mode, de la finance, de l’événementiel… En septembre, TF1 Pub et Youmatter vont lancer une Fresque de la publicité, testée pendant plusieurs mois auprès d’acteurs du secteur : agences, médias, annonceurs, y compris l’Ademe, l’agence de la transition écologique. « Il faut envisager tous les leviers dans le secteur de la communication : le fond des messages, la nature des annonceurs, mais aussi l’empreinte de la diffusion en digital, en print, en télévision… », souligne Pierre-Yves Sanchis, directeur général de Youmatter. La publicité qui encourage la consommation génératrice de pollution peut-elle faire passer des messages de sobriété? Les médias qui vivent de la publicité peuvent-ils envisager d’autres sources de financement? De bons sujets de rentrée pour les publicitaires.
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