Alors que les grandes entreprises ont structuré des services RSE depuis plusieurs années, les ETI et PME s’interrogent sur la pertinence d’internaliser ces fonctions.
Déclaration de performance extrafinancière pour les grandes entreprises depuis 2017, création du statut d’entreprise à mission dans la loi Pacte de 2019 et, depuis le 5 janvier 2023, renforcement des obligations de transparence des entreprises avec la directive européenne Corporate sustainability reporting (CSRD) : la réglementation accompagne les attentes des citoyens pour un engagement plus clair des entreprises à assumer leurs responsabilités sociales et environnementales. Les organisations sont donc de plus en plus nombreuses à intégrer des enjeux RSE dans leur quotidien. Et, en conséquence, à recruter des experts de ces questions.
Tous les secteurs sont concernés : l’agroalimentaire, directement impacté par les questions environnementales bien sûr, mais aussi l’immobilier, le luxe, les services… Les profils spécialisés, rares, sont très demandés, créant une tension sur l’emploi. D’autant que les levées de fonds massives réalisées ces dernières années par les start-up leur ont donné d’importants moyens financiers pour recruter en priorité ces profils.
Lire aussi : Ces Français qui font bouger les lignes de la RSE
Pour autant, faut-il nécessairement internaliser la fonction RSE au sein de l’entreprise ? Si la question est moins pertinente pour les grandes entreprises soumises à des obligations légales et dont la très grande majorité a développé de véritables directions RSE, elle se pose légitimement pour les ETI et les PME.
Externaliser la RSE ? « Il n’en a pas été question un seul instant ! La responsabilité sociale et environnementale, cela fait partie de l’ADN de Greenweez », réagit sa directrice RSE Stéphanie Leonor, soulignant que ce supermarché bio en ligne créé en 2008 est devenu une entreprise à mission en 2021. « Cela nous a obligés à formaliser notre démarche. C’est d’ailleurs l’un des objectifs pour lesquels nous avons opté pour ce statut ; nous avions besoin de ce cadre pour challenger nos enjeux RSE », dévoile-t-elle.
L’entreprise, qui compte 250 salariés, dont 90 en France (les autres travaillant en Espagne et en Italie), a choisi de ne pas créer de service dédié. « Nous ne voulons pas que la RSE soit un sujet “à côté” des priorités de nos équipes, il faut qu’elles s’en imprègnent totalement. », précise la directrice RSE. Chaque salarié doit définir un « objectif de mission » en phase avec ceux de Greenweez, qui est évalué avec le chef de service lors de l’entretien annuel. Pour accompagner cette diffusion des enjeux de responsabilité de l’entreprise et faire de la pédagogie, Stéphanie Leonor organise à un rythme mensuel un « déjeuner de l’impact » regroupant une quinzaine de collaborateurs qui souhaitent échanger autour d’un sujet d’actualité ; l’occasion pour la directrice RSE de mettre à niveau certaines de leurs connaissances.
Lire aussi : Les promesses du dividende sociétal et environnemental
À l’initiative de son fondateur, Édouard Provenzani, l’agence de design Pixelis est engagée de longue date dans la démarche : charte RSE en 2012, labellisation B Corp en 2015… « Pixelis, société à mission, agence de design et de conseil B Corp, accompagne les entreprises dans leur transformation vers une activité plus soutenable, répondant aux enjeux de demain, rappelle Loïc Quénault, directeur de la communication. Travailler avec les codirs et les directions RSE, c’est bien, mais il est surtout primordial d’embarquer les équipes, d’identifier des ambassadeurs, de mobiliser et d’incarner les enjeux RSE », explique-t-il.
Partageant avec Pixelis ses locaux du Centvingtsept, conçus comme un outil d’expérimentation et de collaboration, Lakaa propose une plateforme de pilotage des enjeux RSE dédiée tout particulièrement aux entreprises multisites. Celle-ci est essentiellement construite autour des actions de terrain menées par les différents sites d’une entreprise (Leroy Merlin par exemple). « Notre plateforme propose des leviers d’action pour que chaque collaborateur soit véritablement un acteur impliqué de la politique RSE de l’entreprise, explique Baptiste Frelot, fondateur de Lakaa. C’est un outil pour permettre de diffuser concrètement la démarche, qu’elle ne reste pas qu’un sujet du siège social. »
À l’inverse, la plateforme peut aussi devenir un outil de ressources humaines. C’est l’utilisation qui en a été faite pour un client du secteur de la vente de matériaux de construction souhaitant structurer sa démarche RSE : un état des lieux des actions de terrain a tout d’abord été enregistré dans Lakaa et ces remontées ont servi à définir le profil du futur responsable RSE. La RSE, c’est aussi une question d’adaptation…
Qu’est-ce qui fait qu’une entreprise va se doter d’un service RSE ?
Le premier levier de transformation est la réglementation. Et la réglementation européenne est l’une des plus en pointe au monde sur le sujet.
Quels sont les profils recherchés ?
Il y a une vraie pénurie de compétences en RSE, notamment de profils matures sur le sujet. Aujourd’hui, de plus en plus de directeurs financiers ou marketing veulent ajouter une brique RSE à leurs compétences, car cela leur ouvre des perspectives d’évolution. On va aussi avoir besoin de communicants avec une vraie expertise en RSE. Ils ont un rôle essentiel à jouer pour raconter un imaginaire de sobriété heureuse qui fasse rêver.
Toutes les entreprises ont-elles les moyens d’internaliser la RSE ?
Il faut au préalable que le dirigeant de l’entreprise s’implique pleinement dans les enjeux RSE. Aujourd’hui, il est indispensable d’avoir au moins une personne experte. Les sujets sont complexes, la bonne volonté et l’engagement ne suffisent plus. Il faut quelqu’un qui ait suffisamment de franc-parler pour dire les choses clairement au dirigeant et qui ait une grande capacité d’adaptation, car on navigue en permanence entre des enjeux RSE à long terme et des impératifs business à court terme. Mais, pour les PME ou TPE, cette fonction RSE peut très bien être assurée en temps partagé.