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Face à une crise très importante, certaines plateformes sont à deux doigts de la faillite. Alors que certains s'interrogent sur ses origines, outre-Atlantique, la régulation avance. 

Elles voulaient jouer sur le terrain des banques en prêtant de l'argent et en rémunérant des dépôts, mais faute de garanties suffisantes, plusieurs plateformes de cryptomonnaies se retrouvent dans la tourmente et risquent la faillite. Des taux d'intérêt à plus de 18% pour les épargnants, mais à 0,1% pour les emprunteurs, voilà ce que proposait Celsius Network avant de devoir, le 12 juin, suspendre tout retrait faute de liquidités suffisantes.

Trois semaines plus tard, les fonds, qui atteignaient 11,8 milliards de dollars mi-mai, sont toujours bloqués. « Je pense que Celsius va faire faillite », prévoit Omid Malekan, professeur à l'université Columbia. « L'essentiel de la confiance (des clients) s'est envolé ».

Depuis, d'autres noms ont rejoint Celsius, de CoinFlex à Babel Finance, qui s'étaient eux aussi essayé au crédit et ont dû geler les retraits, tandis que Voyager Digital a dû les limiter. Sur ces plateformes, après avoir déposé des cryptomonnaies, un utilisateur peut soit recevoir des intérêts, soit emprunter des devises numériques, son dépôt servant de garantie. « C'est vraiment dommage qu'on en soit arrivé là », se désole un utilisateur contacté via Reddit et qui assure avoir laissé sur Celsius plus de 350 000 dollars. « Celsius aurait dû prévoir ce genre de scénario ».

La séquence a démarré avec la forte baisse des cryptomonnaies, et un bitcoin amputé de la moitié de sa valeur en moins de deux mois. Cela a entraîné une réaction en chaîne et forcé des emprunteurs à apporter de nouvelles garanties financières ou à rembourser immédiatement l'argent emprunté.

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Certains, telle la société d'investissement singapourienne Three Arrows Capital, aujourd'hui en liquidation, n'ont pu faire face et ont ainsi privé les plateformes de liquidités, ce qui les a contraintes à geler les fonds. « La majorité de ces sociétés ont fait des prêts sans garantie ou avec des garanties insuffisantes », explique Antoni Trenchev, cofondateur de Nexo, une autre plateforme crypto qui, selon lui, s'en est tiré grâce à une politique de prêt plus stricte et une « gestion prudente du risque ».

Pas moins de cinq Etats américains ont ouvert ou étendu des enquêtes sur Celsius. Certains, dont l'Alabama, avaient déjà ordonné à la plateforme de cesser ses activités de prêt auprès des clients domiciliés dans leur Etat depuis l'an dernier.

Répression

« Je m'attends à une répression très dure », avance Omid Malekan. Malgré les turbulences, la plupart des observateurs ne croient pas à une déstabilisation prolongée du secteur, ni même à l'extinction du crédit sur ce marché. « Ce n'est pas la pire crise qu'aient connue les cryptos », tempère Charles Jansen, de Standard and Poor's.

« Dans un marché en correction, vous découvrez quels sont les projets qui avaient une vraie valeur » et « les chimères qui vivaient sur l'argent facile », décrit Omid Malekan. « Nous nous attendons à voir une consolidation massive du secteur des cryptos », annonce Antoni Trenchev, les acteurs solvables mettant la main sur ceux qui sont en difficulté.

L'épisode a sensibilisé aux limites d'un univers dépourvu de supervision. « Il y a grand besoin de régulation », souligne Charles Jansen. « C'est un point sur lequel tout le monde s'accorde dans le secteur ». Faute d'un cadre réglementaire ad hoc, c'est jusqu'ici le gendarme américain des marchés, la SEC, qui a pris la main sur le dossier, mais sous un angle essentiellement répressif.

Des «matières premières»

Plusieurs dizaines de propositions de loi ont été déposées au Congrès américain ces derniers mois, mais l'une d'entre elles a plus particulièrement le vent en poupe. C'est le premier texte à être soutenu par des membres des deux partis, présenté par la sénatrice républicaine Cynthia Lummis et la démocrate Kirsten Gillibrand. Il a été bien accueilli par le milieu, en particulier parce qu'il propose de traiter les cryptomonnaies comme les matières premières, et non des titres financiers, comme le voudrait la SEC.

Certains critiques y ont vu un texte trop conciliant. « Il donne à l'industrie crypto ce qu'elle veut », a notamment écrit, sur Twitter, Hilary Allen, professeure de droit à l'American University. Il propose notamment de confier la supervision à un autre régulateur, la CFTC, « qui n'a pas de mandat de protection des investisseurs et bien moins de ressources que la SEC », a insisté l'universitaire.

L'Union européenne a pris de l'avance jeudi, en parvenant à un accord sur une réglementation des cryptomonnaies, qui renforcera notamment les garanties pour les investisseurs et la supervision. L'agence Standard & Poor's voit dans les récents événements une fenêtre pour se positionner en référent, comme dans le monde de la finance traditionnelle. Pour Charles Jansen, « le sentiment général est que s'il y avait eu une évaluation plus fiable du risque, peut-être que moins de gens auraient été touchés. »

Par Thomas URBAIN

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