Malgré tous les efforts pour sensibiliser l'opinion, nous reculons, paraît-il, plus que nous avançons sur le plan du réchauffement climatique. Les alertes mondiales, depuis Kyoto, les interventions de Nicolas Hulot, de Daniel Cohn-Bendit, de l'infatigable ministre Jean-Louis Borloo – et pardon d'en oublier – sont pourtant exemplaires et nombreuses. Pas un seul journal télévisé où l'on ne parle pas de ce sujet crucial pour notre futur.
La communication du développement durable peine à convaincre, semble-t-il. Elle paraît refroidir et perdre de son efficacité au même rythme que le climat se réchauffe. La prise de conscience existe, incontestablement, mais le passage aux actes est très compliqué. Où est le bug? Où sont les bugs? Je suis un citoyen, je suis un homme de communication, je suis impliqué dans le développement durable, c'est avec ces trois expertises que j'émets un avis sur la communication du développement durable.
Questions qui fâchent
Quelques constats factuels liés à la communication. En premier lieu, certains experts de communication (dont je suis) savent qu'il a toujours été difficile d'enrôler les populations dans un mouvement, un comportement, des actes, en leur parlant systématiquement de catastrophes, en employant des mots qui «inquiètent» (réchauffement climatique, taxe carbone, etc. – lire à ce sujet l'étude Médiascopie).
Ensuite, mettons-nous à la place des citoyens: «Je continue à vivre dans l'ancien monde dont je connais les défauts ou je rentre dans un nouveau monde, un monde vert, dont on ne sait pas encore exactement comment il marche?» Telle est la question. Comment prendre partie avec conviction, sérénité?
En troisième lieu, les citoyens comprennent-ils tout ce qu'on leur communique sur ce sujet? Savent-ils ce que signifie «séquestration du carbone»? Qu'est-ce qu'un oxyde nitreux? Qu'est-ce que le méthane rejeté par les animaux dans l'atmosphère? Faut-il donc être expert pour parler et comprendre le développement durable?
Enfin, le citoyen se pose aussi les questions qui fâchent: «Et si les experts se trompaient?» Car certaines personnes éminentes ne sont, semble-t-il, pas toutes d'accord, jetant ainsi le trouble dans les esprits. Du coup, le «qui a tort? qui a raison?» plane.
Il faut aujourd'hui inverser le pilier du marketing «Think Global, Act Local» et passer à «Think Local, Act Global». La prise de conscience planétaire a été incontestablement utile, mais maintenant la place est au local, à ceux qui peuvent imaginer des mises en œuvre dans leurs villages, dans leurs villes. C'est de cette mobilisation locale que viendront les idées inattendues (comme celle de faire du combustible avec des noix de coco sur une île du Pacifique).
Laisser le local agir
Le territoire français est menacé par une diversité de dangers localisés. Paris par des étés caniculaires, dit-on, et Marseille par les incendies. Saint-Malo par une montée des eaux. Les stations de ski auront-elles encore de la neige? Nous vivons dans un pays infesté de menaces climatiques, il faut des réponses ciblées, localisées.
La communication du développement durable doit donc se rapprocher de là où vivent les citoyens pour mieux s'insérer dans leurs vies, être mieux comprise et mieux se déployer, trouver des idées adaptées à leurs problèmes. Il faudra sans doute que l'État donne des moyens de communication aux régions pour que les comportements s'enclenchent, car les décideurs d'une région sont les mieux à même de savoir ce qu'il faut faire pour déclencher la mobilisation locale.
Le combat global se gagnera par la somme des initiatives locales. À la fin de son livre, Nicolas Hulot dit la même chose à sa manière, avec beaucoup d'élégance et de nuance: «Chacun doit partir à la recherche de sa musique personnelle et ainsi apporter sa contribution à une symphonie mondiale.»