Avec Noël, les marques se sont placées devant la crèche, au pied du sapin de la consommation. Emballées. Ficelées. Ciselées. Papier glacé en guise de papier cadeau. Les paillettes guident désormais les rois consommateurs laissant les rois mages «has been». Ils arrivent en janvier après la fête, ces cons-là, chargés de leurs présents bling-bling alors que l'on est déjà en pleine période de soldes.
Bref, la fête a battu son plein et personne ne s'en est plaint. Après tout, nous sommes dans l'après-crise. En soi, c'était une bonne raison pour faire la java. Une bonne raison pour oublier cette année 2009 de merde. La trêve des confiseurs, mais pas la grève des rêves. C'est la rave party planétaire du consommateur.
Si l'on se réfère à l'affiche de Séphora, c'est même du «conso mateur» qu'il s'agit. «Réveillons le plaisir», nous a proposé l'enseigne en nous offrant, pour seulement 19,90 euros, le petit canard vibreur modèle Crazy Horse coiffé d'un chapeau de «horse-guard».
Au moment où les campagnes de publicité mettent unanimement en scène le besoin de rassemblement, de collectif, d'ensemble, Séphora nous offre le plaisir solitaire. Le Père Noël était touchant. Désormais, il se touche. Et nous avec. Le Père Noël, on peut le comprendre, puisqu'il ne nous a jamais présenté la Mère Noëlle. Mais nous, on fait quoi ?
Pour qu'un objet devienne un cadeau, il faut bien que quelqu'un l'offre. Le petit canard étant ergonomiquement designé pour le futur plaisir de madame, c'est donc à monsieur d'en faire le présent.
«Tiens, chérie, pour ton Noël, voilà un petit canard vibreur. Cette année, comme la crise est finie, je vais vraiment avoir du boulot. Je vais rentrer tard, alors j'ai pensé à ça pour que tu te sentes un peu moins seule. Mais attends quand même que les enfants soient couchés avant d'ouvrir ton cadeau.» C'est ça, il faut coucher les enfants plus tôt. De toutes les façons, c'est bon pour eux et ça va être bon pour nous.
Le plaisir n'est pas juste solitaire. Il devient égoïste. Noël n'est plus seulement la fête des enfants. Pas non plus celle de la famille. Le papier de soie est désormais pour soi. Le soi intime l'ordre à chacun de se faire plaisir en toute intimité.
À l'heure où Copenhague se penche sur la toilette de la planète, la publicité nous ramène à des considérations d'écologie de l'intime. À l'heure où les réseaux sociaux explosent, jetant sur la Toile des millions de journaux intimes à partager, Séphora met en branle une campagne qui suggère l'autonomie du plaisir. Le besoin vital de collectif se heurte à l'individualisme comportemental.
Noël était la tradition. Elle devient la vitrine de nos contradictions. Pourtant, «Réveillons le plaisir» ne veut pas dire «ayons du plaisir à réveillonner». Vibrer n'est pas le synonyme de vibromasser. Il y a peu, la localisation physique du sacré était géographiquement très éloignée du sacrum.
Décidément, le monde est complexe.