En avril 2013, sous le titre Médias sociaux et B2B, une mariage d’amour?, sortait un livre étrange [éditions Kawa, collection Tout savoir sur…], coécrit par une quinzaine d’auteurs sous la coordination de François Laurent et de moi-même. Au travers d’articles de fond et de témoignages, l'oouvrage n’avait qu’un but: convaincre de l’intérêt que les entreprises en B to B avaient à s’intéresser aux médias sociaux.
A l’époque de sa parution, son propos était novateur. Presque trois ans plus tard, les choses sont en train de bouger et l’utilisation des médias sociaux en B to B est de moins en moins considérée comme une stupidité. Il est en effet devenu assez courant de voir des entreprises dont les produits et les services s’adressent à d’autres entreprises adosser un dispositif «social media» à leur plan de communication: un compte Twitter, une ou plusieurs pages Linked In, un ou plusieurs blogs et parfois plus. Comment s’est opérée cette transition? Plusieurs facteurs y ont contribué.
Le premier, c’est l’effort colossal mené par Linked In pour dominer l’univers des réseaux sociaux B to B. Cet effort transparaît dans les chiffres de l’entreprise: alors que le chiffre d’affaires n’a eu de cesse de progresser, le niveau de rentabilité reste très faible. Ceci est en partie dû aux investissements au niveau de la force de vente. Machine commerciale dont les revenus sont dépendants de trois leviers: abonnements premium, solutions RH et marketing. Linked In a alors appliqué avec succès les recettes de Facebook au monde de l’entreprise. Le résultat est là: plus de 350 millions d'euros de profils dans le monde, près de 10 millions en France.
Le second facteur relève de l’éducation: la plupart des formations suivies par les jeunes collaborateurs de ces entreprises incluent une familiarisation avec les outils de la communication digitale. Arrivés dans l’entreprise, ces nouvelles recrues se sentent plus à l’aise avec les médias sociaux que leurs collègues déjà présents depuis plusieurs années. Devenir community manager d’une page Linked In n’est pas moins noble que de l’être d’une page Facebook, et probablement bien plus utile. Ce n’est en revanche pas aussi simple: les interactions sociales en B to B relèvent plus d’un besoin d’expertise que des «chats qui dansent», et le community manager tient plus un rôle d’interface auprès des experts et des responsables produit.
Troisième facteur: l’importance croissante que Google accorde au contenu en matière de référencement. Les entreprises sont condamnées à entrer dans un cycle de production-diffusion, qui s’insère parfaitement dans un schéma alliant community management et Linked In. Aux équipes marketing incombe désormais une tâche de production de contenus digitaux, qui peuvent être repris par les forces de vente et servir à promouvoir de manière intelligente et plus efficace les compétences de l’entreprise auprès de son écosystème. Tout comme sur Facebook, les contenus diffusés sur Linked In créent de l’engagement et renforcent la relation entre les vendeurs et leur réseau.
Ce schéma vertueux, qui voit marketeurs et commerciaux collaborer au service du développement commercial, porte même un nom: «social selling». Certaines entreprises, comme SAP ou Oracle, en ont fait une des compétences clés de leurs vendeurs, et les écoles de vente en interne l’ont intégré à leur programme.
Bien sûr, tout n’est pas forcément rose et le succès de ces initiatives repose à la fois sur l’élaboration d’une stratégie «social media» et un investissement qui peut être non négligeable, en termes de ressources et d’achats médias. Certains arbitrages peuvent cependant être facilement faits: inutile d’ouvrir des comptes sur des plateformes qui ne seront pas fréquentées, tout au plus devrez-vous vous contenter de préempter le nom de l’entreprise ou de ses produits.
Pour quelle efficacité? Alors que la question du retour sur investissement est difficile à aborder en B to C, la question ne se pose pas en B to B. Toute interaction sociale peut en effet y être tracée et associée, via une utilisation adéquate du CRM, à la génération de leads et aux ventes en voie de réalisation. Sans oublier que le montant d’une seule vente en B to B suffit parfois à couvrir les frais engagés en social media pour le restant de l’année.
Médias sociaux et B to B sont loin d’être incompatibles. Tout au contraire, ils constituent un prolongement naturel et idéal des discussions et des échanges qui façonnent la vie d’une entreprise.