Data

Et si le marketing devenait une science exacte? Le machine learning ou apprentissage automatique peut-il venir en aide aux directeurs marketing dans leur sempiternelle quête de connaissance client? «Dis-moi ce que je dois savoir à propos de mes clients ou prospects, leurs centres d’intérêt, leurs profils, leurs passions ou leurs préoccupations pour mieux leur parler», est une problématique récurrente, à laquelle les nouvelles technologies pourraient apporter des éléments de réponses fiables.

Ce rêve est devenu réalité grâce à un alignement inédit des planètes dans la galaxie marketing: l’explosion de la data, la progression de la part de voix des consommateurs et surtout, des avancées technologiques exceptionnelles. Ainsi, il devient possible de mesurer scientifiquement ce que le consommateur pense et perçoit des marques à tout moment. D’ailleurs, au regard des enjeux et opportunités, les directions marketing investissent massivement dans l’intelligence artificielle. Selon un récent rapport de l’IDC (International Data Corporation), les dépenses des directions marketing en logiciels d’intelligence artificielle ont explosé et représentent 360 millions de dollars en 2016. Ce chiffre devrait atteindre plus de 2 milliards en 2020.

Le machine learning, pilier incontournable de l’intelligence artificielle entre ainsi en scène et bouleverse le marketing. Le machine learning change radicalement le big data: il rend possible la découverte de nouveaux schémas de comportement des consommateurs en temps réel grâce à des calculs et des analyses multi-dimensionnelles. Ainsi, il peut automatiser la découverte de nouveaux sujets de préoccupation des consommateurs et comprendre la corrélation entre deux centres d’intérêt à priori très éloignés.

De nouveaux types de segmentation

«Il est aujourd’hui possible pour de grands équipementiers sportifs d’identifier les autres centres d’intérêts des fans de foot sur le web, commente Gildas Launay, Head of Strategic Planning chez Publicis Conseil. Nous avons pu ainsi déceler de nouvelles opportunités, créer de nouveaux types de segmentation de nos cibles qui sortent du cadre.» Cette technologie a permis de faire d’extraordinaires progrès en matière de segmentation dynamique, fine et opérable des cibles. Autre exemple dans le secteur des cosmétiques, où il est possible de détecter de nouvelles tendances et routines make-up dans des pays précurseurs comme la Corée qui séduiront des catégories socio-démo cibles sur d’autres continents.

Et si ces méthodes apprenantes libérait les marketers? Sur certains aspects, oui. Ainsi, la phase fastidieuse de collecte de data pour leur permettre de consacrer plus de temps sur la création de valeur ajoutée est une avancée de taille. Et d’autre part, le machine learning accroît la vitesse de perception des changements et la capacité de réactivité des marques. La révolution est en marche, et ce n’est aujourd’hui que le début!

«Les automates s’inspirent du réel pour définir leurs propres règles»

Interview de Dominique Cardon, sociologue et directeur du Medialab de Sciences Po. Auteur de À quoi rêvent les algorithmes, nos vies à l'heure des big data, coll. La République des Idées aux éditions Seuil.

Les algorithmes sont partout, ceux de machine learning particulièrement. Comment décrivez-vous cette nouvelle famille d'algorithmes? 

Historiquement, les algorithmes ont fonctionné selon un ensemble de règles symboliques de raisonnement naturel permettant de traiter la donnée. Le modèle classique inductif: si A alors B. Aujourd'hui, les algorithmes de machine learning forment eux-mêmes leurs règles en apprenant à réviser leurs propres hypothèses. Donc, plutôt que ce soit l'ingénieur qui code les règles, l'automate définit ses propres règles à partir des transformations du réel. Il y a de multiples familles d'algorithmes de machine learning, deep learning, etc. mais le principe est toujours de partir d'un ensemble de données décrites par un humain, par exemple le fait de savoir s’il y a un chat sur une série d'images, puis de faire apprendre à l'algorithme à partir de ce corpus d'apprentissage. Il sera ensuite capable d'appliquer cet apprentissage sur de nouvelles images pour deviner la présence d'un chat sur celles-ci. 

Comment expliquez-vous l'omniprésence du machine learning aujourd'hui dans l'espace public et dans l'économie?

Les théorèmes et les principes existaient depuis très longtemps mais les capacités de calcul, elles, sont récentes. Ce n'est que depuis peu que l'on peut appliquer ces approches de manière généralisée. Par deux fois dans le passé, on a cru que l'on réaliserait la promesse de l'intelligence artificielle: à la fin des années 60 avec la cybernétique puis à la fin des années 90 avec les systèmes experts de raisonnement naturel, mais cela a échoué. Ce nouveau printemps de l'intelligence artificielle est très différent des précédents car il est bien plus statistique et bien moins «intelligent». C'est la victoire du nombre, des probabilités et des patterns sur les systèmes de règle. Et pour la première fois de l'histoire cela fonctionne vraiment.

 

Récit d’une épopée technologique

-1763 : Bayes et son théorème révolutionne le monde des probabilités.

-Deux siècles plus tard, explosion des puissances de calcul: les microprocesseurs doublent leur capacité de calcul tous les deux ans depuis la naissance de l’informatique.

-Début des années 2000, ouverture du code et des corpus d’apprentissage par certains géants du web à la communauté de l’open source.

-La croissance exponentielle de la data paraît sans fin: 90% des données dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années.

-Aujourd’hui, intelligence artificielle et machine learning sont sortis des laboratoires de recherche pour devenir une réalité opérationnelle.

-Et demain? Aller encore plus loin grâce aux réseaux neuronaux, NLP, à l’analyse prédictive, au real-time optimization et au collaborative learning…

 

A propos d'Hervé Simonin

Ingénieur de formation, hervé Simonin est passé par le secteur des télécoms (Freesbee, Tiscali), puis l’innovation contenus (MKO Games, Canal+, Barrière Interactive Gaming) et le commerce, en qualité de directeur général adjoint du site Showroomprivé. Il est depuis 2012 directeur général de Linkfluence, société de data intelligence qui analyse les conversations sociales pour les marques, à travers notamment son outil Radarly.



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