Télévision

Un mariage qui capote, des conséquences en cascade : l'échec de la fusion entre TF1 et M6 ouvre une période d'incertitude pour les deux chaînes et, plus largement, pour le paysage audiovisuel français.

Après que les groupes TF1 et M6 ont annoncé l'abandon de leur projet de fusion, jugeant qu'il ne présente «plus aucune logique industrielle» compte tenu des concessions qui leurs sont réclamées par l'Autorité de la concurrence, de nombreuses questions se posent.

Quel avenir pour M6 ?

C'est la question la plus brûlante. S'il souhaite toujours vendre M6, l'Allemand Bertelsmann, son actionnaire principal (via sa filiale RTL Group), doit vite trouver un nouvel acquéreur : l'autorisation d'émettre de la chaîne expire en mai prochain et une fois renouvelée, tout changement d'actionnaire sera impossible pendant cinq ans.

Début 2021, avant le lancement du processus de fusion avec TF1, plusieurs acteurs avaient manifesté leur intérêt pour M6, dont les milliardaires Vincent Bolloré (via Vivendi, propriétaire de Canal+), Xavier Niel ou le Tchèque Daniel Kretinsky. Les noms des groupes Mediaset (de l'Italien Silvio Berlusconi) et Altice (de Patrick Drahi) sont également évoqués.

Si M6 devait être rachetée par Daniel Kretinsky, Xavier Niel ou Patrick Drahi, cela reviendrait « à une forme de statu quo », déclare à l'AFP Philippe Bailly, directeur-fondateur du cabinet NPA conseil. Dans cette configuration, l'audiovisuel français resterait « relativement éclaté et donc pas forcément le plus armé pour faire concurrence aux groupes de l'étranger ».

Pour l'analyste, « Mediaset se détache comme un candidat potentiel puisqu'il est déjà leader en Espagne, en Italie et le premier actionnaire de ProSiebenSat.1 en Allemagne ». L'acquisition de M6 lui permettrait de continuer à « tisser une toile européenne ».

Quel avenir pour TF1 ?

« Une nouvelle page est à écrire », a assuré le PDG du groupe TF1 Gilles Pélisson dans un message vidéo aux salariés enregistré le 16 septembre, après l'annonce de l'échec de la fusion. « Cette opération était une réponse à la profonde mutation de notre secteur. Ces défis restent devant nous », souligne le dirigeant dans ce message interne révélé par Les Echos et consulté par l'AFP.

Dès le mois de mai et la présentation des résultats trimestriels de Bouygues (propriétaire de TF1), son directeur financier Pascal Grangé avait indiqué qu'il existait « un plan B » pour la chaîne en cas d'échec de la fusion. S'il est trop tôt pour le connaître, Gilles Pélisson assure dans son message que TF1 est capable de « réinventer (son) futur » grâce à sa « bonne santé » financière et ses « fondamentaux solides ». Parmi ces « fondamentaux », il cite « l'accélération » des « développements dans le digital avec MYTF1 ». Une stratégie numérique que TF1 veut poursuivre : en plus de la plateforme de vidéos en streaming gratuite MYTF1, le groupe a lancé une offre payante sans publicité, MYTF1 MAX.

Pour remplir les tuyaux et produire des contenus, TF1 compte sur sa société de production Newen, qui connaît une « très belle dynamique » selon Gilles Pélisson. Poids lourd de la production en France pour TF1 et d'autres chaînes (Demain nous appartient, Marie-Antoinette bientôt sur Canal+, Le magazine de la santé sur France 5...), cette société s'est beaucoup développée à l'international.

Reste que l'échec de la fusion est « une profonde déception » pour TF1, de l'aveu de Gilles Pélisson. D'autant que le groupe se bat en ce moment sur un deuxième front : le conflit commercial avec Canal+, qui a arrêté de diffuser ses chaînes.

Quelles conséquences pour Altice ?

Par ricochet, l'échec du mariage TF1-M6 empêche logiquement l'acquisition par Altice des chaînes TFX et 6ter, que les deux groupes voulaient céder pour pouvoir fusionner (la règlementation limitant à sept le nombre de chaînes nationales détenues par un même acteur sur la TNT). En vue de ces rachats, Altice (déjà propriétaire de BFMTV et RMC) s'était engagé à proposer sur ses futures chaînes davantage de programmes inédits.

Ce projet tombe à l'eau, tout comme les débouchés qu'en attendaient nombre de sociétés de production. « Vous pouvez compter sur nous pour avoir plein d'autres idées si jamais ça ne se fait pas », avait sobrement commenté Arthur Dreyfuss, PDG d'Altice Médias, début septembre lors de la conférence de rentrée du groupe.

Quelles perspectives pour l'audiovisuel français ?

Bouygues/TF1 et RTL Group/M6 ont annoncé le 16 septembre renoncer à la fusion à cause des concessions réclamées par l'Autorité de la concurrence. Celle-ci subordonnait son feu vert à la cession de TF1 ou M6 à un autre acteur, pour éviter la création d'un mastodonte qui aurait selon elle faussé le marché de la publicité.

Une position que les parties ont déplorée en estimant que la fusion était la réponse idéale à « la concurrence accélérée avec les plateformes internationales » comme Netflix ou Amazon. « Dans leur configuration actuelle, les groupes français sont condamnés à rester des nains face aux plateformes américaines, au niveau de la production des programmes et surtout de la capacité à les exploiter à l'étranger », dit Philippe Bailly à l'AFP.

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