Médias

La bataille judiciaire entre les groupes TF1 et Canal + est révélatrice d’un paysage en recomposition où un éditeur et un distributeur cherchent à peser de tout leur poids.

Pour ceux qui ont déjà vécu 2018, le bras de fer entre TF1 et Canal+ a un air de déjà-vu. Comme il y a quatre ans, un différend commercial intervient dans le cadre d’un renouvellement de contrat de distribution et aboutit, le 31 août, à la suspension du signal de TF1, TMC, TFX, TF1 Séries Films et LCI sur MyCanal. Un parallélisme qui fait dire à Philippe Bailly, président de NPA Conseil, que « les mêmes causes produisent les mêmes effets », la loi Bachelot sur l’audiovisuel de 2021, n’ayant pas résolu ce type de conflits. En dix jours, selon NPA Conseil, la Une aurait perdu 10% de son audience 4 ans et plus et 5% sur la ménagère. À TF1, on parle d’un impact de 10 à 12% sur l’audience globale.

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Le groupe, qui a assigné Canal en référé le 13 septembre, insiste cependant pour faire le distinguo entre la distribution commerciale des chaînes, qui sont libres de monnayer leur présence auprès de distributeurs de même que les opérateurs sont libres de les diffuser, et l’action de transporter gratuitement des chaînes de la TNT pour des gens qui ne peuvent la recevoir que par satellite, comme l’avait souligné le CSA en 2019. C’est donc bien sur le fait d’empêcher la réception des chaînes de TF1 auprès de foyers en zones blanches via l’offre TNTSat que porte l’assignation et non sur le contrat commercial : « On ne facture pas les relais sur la TNT gratuite », insiste-t-on. La ministre de la Culture Rima Abdul Malak est allée dans ce sens en demandant de rétablir la diffusion des chaînes de TF1 sur TNT Sat. Et David Lisnard, président de l’Association des maires de France, a saisi l’Arcom à ce propos.

Du son côté, Canal + attaque TF1 devant le tribunal de commerce de Nanterre pour « abus de position dominante » et « pratiques discriminatoires », contestant les termes du contrat. Le groupe pointe une demande exorbitante de TF1 avec « une augmentation de 50 % », ce qui l’a obligé à couper le signal sous peine d’être accusé de « contrefaçon ». Un chiffre que conteste TF1. La facture pourrait en réalité passer de 10 à 12 millions d’euros, selon des indiscrétions.

Comme le note Pascal Lechevallier, expert médias, les éditeurs de chaînes sont affectés depuis des années de voir les distributeurs s’enrichir en vendant des abonnements. Et ils considèrent que la valeur marchande de leur offre éditoriale s’est renforcée avec la HD, la 4K et le replay ou parfois, comme BFM Régions face à Orange, par le développement de leurs chaînes. « Les telcos ont une valorisation bien plus intéressante en ajoutant des contenus », explique-t-il.

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Pour Philippe Bailly, le bras de fer entre Canal+ et TF1 est donc un jeu « perdant-perdant » car un distributeur « n’a jamais intérêt à apparaître en rupture de stock d’un produit », les abonnés pouvant aller le rechercher ailleurs sur internet, et un éditeur pâtit nécessairement d’être amputé d’une partie de sa distribution. Pour lui, Canal semble avoir voulu peser sur l’instruction du dossier TF1-M6 en montrant qu’un acteur tout-puissant pouvait durcir ses conditions. Quant à l’Arcom, son président Roch-Olivier Maistre se dit soucieux le 12 septembre de trouver une issue rapide au litige. Tout en rappelant que la loi n’offre pas au régulateur de « levier juridique » pour remédier à cette situation. 

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