Télévision

Grands événements sportifs, droits TV, publicité, nouvelles concurrences… François Pellissier, directeur général adjoint business et sports de TF1, se livre sur les enjeux de la rentrée pour le groupe.

La fin d’année s’annonce sport pour le groupe, avec notamment Qatar 2022. Comment vous projetez-vous dans cette Coupe du monde ?

FRANÇOIS PELLISSIER. Nous sommes très excités car ce sera l’événement de la fin de l’année pour les Français, à une période inédite, avec une équipe de France championne du monde, et avec les deux meilleurs joueurs du monde, Benzema et Mbappé. Cela va aussi amener un peu de joie dans un contexte économique pas simple. C’est dans l’ADN de TF1 de proposer de tels moments de communion, avec en l’occurrence les 28 meilleures affiches.

Où en êtes-vous du sponsoring et de la commercialisation des espaces publicitaires ?

Lors de la publication de nos offres de sponsoring il y a quelques semaines, nous avons senti un fort intérêt des marques. Nous avons pour l’heure trois parrains dont je tairai le nom. Par ailleurs, nous avons très bien vendu notre offre digitale, en parrainage et en opérations spéciales. Nous avons réalisé une prévente avec les meilleurs dispositifs et cela a été un succès. La demande est plus forte que pour la Russie il y a quatre ans à la même distance de la compétition. Le calendrier, proche de Noël, est favorable pour le marché publicitaire. Les audiences sont traditionnellement élevées à cette période.

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Quels nouveaux programmes verront le jour à ce moment-là ?

Le dispositif sera assez proche de ce qu’on a l’habitude de faire car c’est une recette qui marche. En même temps, il évolue car nous renforçons nos actifs sur le digital. À la télévision, les matchs en prime time auront lieu à 20 heures, comme en Russie en 2018. Cela bouscule la grille. Les journaux seront proposés vers 19h20, les deuxièmes parties de soirée commenceront plus tôt avec un magazine d’après-match autour de Denis Brogniart et axé sur les Bleus. Nous allons garder nos fondamentaux, sans oublier une forte présence dans nos JT, sur LCI, Téléfoot, le digital.

Après l’Euro féminin en juillet, vous diffuserez d’ici à la fin de l’année la Coupe du monde féminine de rugby et le Championnat d’Europe féminin de handball. Quels sont vos enjeux aujourd’hui sur le sport féminin ? 

Nous le traitons au même niveau que le sport masculin, comme nous l’avions prouvé lors de la Coupe du monde féminine de football en 2019, avec la même équipe principale de commentateurs et Denis Brogniart à la présentation du magazine d’après-match. Cela fait partie de notre rôle d’exposer et de populariser le sport féminin. Lors de cette Coupe du monde, les matchs de l’Équipe de France avaient réuni en moyenne 10 millions de téléspectateurs – c'était un peu moins lors de cet Euro, qui toutefois ne se jouait pas à la même période de l’année, était précisément un Euro et pas une Coupe du monde et ne se jouait pas en France. Nous sommes fiers que 6,2 millions de Français aient soutenu les Bleues lors de la demi-finale.

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Quelles différences observez-vous sur les montants des écrans publicitaires entre les compétitions masculines et féminines et comment les expliquez-vous ? 

C’est lié aux audiences. Le sport féminin a une marge de progression pour gagner en parts d’audience. Le deuxième message est que le sport féminin a besoin des annonceurs : ce sont des droits qui ont un certain prix et si l’on veut pouvoir continuer à les proposer en clair au public, il faut qu’ils nous soutiennent. Entre les compétitions masculines et féminines, on retrouve le même type d’annonceurs mais pas encore les mêmes niveaux d’investissement. Il est difficile d’établir des comparaisons car il ne s’agit pas des mêmes périodes et horaires.

Vous avez annoncé en juillet avoir regagné l’exclusivité des matchs de l’équipe de France de football jusqu’en 2028, alors que les droits étaient jusqu’à présent partagés avec M6. Est-ce que cela ne posera pas des problèmes de rentabilité ?

Nous avons annoncé deux acquisitions. D’une part, les droits des matchs de l’équipe de France pour dix matchs par saison jusqu’en 2028, à partir de 2023 (Ligue des nations, matchs amicaux, matchs qualificatifs à la Coupe du monde 2026…). D’autre part, les 25 plus belles affiches de l’Euro 2028 en exclusivité et en clair. C’est une grande fierté pour nous d’accompagner cette équipe de France. Le fait d’avoir un accord un peu plus long est aussi une façon de sécuriser les droits. Aussi, nous avons noué un partenariat avec la FFF (Fédération française de football) pour accéder à des contenus supplémentaires (séries, documentaires…) et amplifier la nature du partenariat. Le montant des droits n’est pas public et je ne commenterai pas leur rentabilité. Ce qui nous guide, c'est avant tout la qualité du partenariat et des affiches achetées.

Sur le volet publicitaire, vous avez annoncé fin juin céder Unify à Reworld Media. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné pour que vous décidiez de vous séparer de cette entité, alors même que le groupe a par ailleurs des ambitions fortes sur le digital ?

La vente est effective sous conditions examinées par l’Autorité de la concurrence, ce qui devrait amener à un closing à la fin de l’année. En quatre ans, nous avons consolidé les marques Unify (Marmiton, Doctissimo, Aufeminin…) et réalisé un travail sur la monétisation en développant la data et via la mise en place d’une régie unique il y a trois ans. Nous avons réorganisé ce pôle, ce qui est une force. Ce petit groupe média digital est probablement plus synergique et plus proche d’un groupe de presse que d’un groupe audiovisuel. Atteindre une taille critique est nécessaire pour exister sur ce marché – les Gafa pèsent presque 75 % des revenus du digital –, nous nous sommes dit que la meilleure opération pour les 300 collaborateurs d’Unify serait de se rapprocher de ce groupe de presse.

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Quelle(s) marque(s) allez-vous désormais davantage valoriser sur le digital ?

Nous nous concentrons sur la vidéo. La marque qui porte cela est MyTF1. Notre stratégie est de renforcer notre position de leader du streaming gratuit en France. MyTF1 est surtout identifié comme une plateforme de replay, alors qu’aujourd’hui c’est une plateforme de streaming gratuit avec une offre beaucoup plus riche. Nous proposons de plus en plus de contenus déconnectés de l’offre linéaire ou replay, dont des contenus originaux que nous créons et des programmes de flux produits spécifiquement pour la plateforme. Au total, c'est 2,7 milliards de vidéos vues l’année dernière, 10 000 heures de contenus, une nouvelle série par semaine, cent films de cinéma bientôt disponibles gratuitement. Le financement repose principalement sur la publicité.

Netflix et Disney+ envisagent d’ouvrir leurs plateformes à la publicité. Quelles réflexions cela vous inspire-t-il ?

C’est un danger pour notre écosystème car ils viennent sur notre marché avec des règles différentes, que ce soit sur les secteurs interdits ou sur la question de la validation des spots par l’ARPP. Cela renforcerait ainsi les asymétries réglementaires déjà fortes. Par ailleurs, les alliances internationales [Netflix a confié sa régie publicitaire à Microsoft] confirment la nécessité d’avoir des acteurs locaux forts. Il est essentiel de protéger ces acteurs locaux en réduisant ces asymétries.

Cela démontre aussi que la publicité, notamment autour des contenus premium, est efficace sur la mémorisation et la vente. Et que le modèle sans publicité a ses limites, là où certains acteurs revendiquaient leur attachement à ce modèle, qui n’est en fait pas si simple. Autre enseignement, notre marché dépasse le strict cadre des chaînes de télévision aujourd’hui. Enfin, cela va renforcer la valeur perçue de la gratuité de l’offre Avod, ce qui est plutôt positif dans notre stratégie d’être le leader du streaming gratuit en France.

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En tant que président du SNPTV, quels sont vos chantiers prioritaires pour 2022-2023 ?

Jusqu’à présent, nous avions deux chantiers prioritaires, apporter des preuves sur le ROI de la publicité TV et avancer sur la TV segmentée (par exemple, il y aura à la fin de l’année 8 millions de foyers adressables). Cette année s’ouvre le chantier de la mesure d’audience. Le 24 juin, les agences, les annonceurs et les régies ont voté à l’unanimité l’évolution de la mesure d’audience Médiamétrie à partir de 2024, ce qui va ouvrir la voie à la convergence total vidéo. En 2024, il sera possible de mesurer les audiences de quatre écrans à domicile. Nous avons aussi voté un élargissement du panel, jusqu’alors centré sur les équipés TV, aux Français équipés ou non de téléviseur. Cela sera accompagné d’une mesure cross média.

C’est un changement structurant. Cela sera aussi l’occasion de mesurer tous les acteurs de manière transparente et par un tiers. Les 18 mois qui viennent serviront à construire l’outil de mesure. En parallèle, l’Udecam nous a demandé de réfléchir à la monnaie (coût GRP ou CPM) et nous menons aussi une réflexion sur nos indicateurs de mesure et sur la manière de communiquer autour de nos audiences.

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Dans un rapport de ses services d'instruction, l'Autorité de la concurrence s’est dite fin juillet « pas favorable » au projet de fusion avec M6. Pour répondre à cette objection, vous avez proposé de garder des régies publicitaires séparées pendant trois ans. Est-ce que cela suffira pour lever cette réserve et est-ce que cela n’amoindrirait pas l’effet souhaité de la fusion ? 

Comme cela a été indiqué dans un communiqué de presse de notre actionnaire, ce rapport ne présage pas de la décision finale de l’Autorité. Les raisons qui nous ont amenés à initier ce projet sont plus que jamais d’actualité et cette opération permettrait à l’audiovisuel français d’opérer la transition dont il a besoin pour résister au rouleau compresseur des plateformes américaines. Nos réponses au rapport des services de l’Autorité de la concurrence sont confidentielles et je ne les commenterai pas. Nous défendrons nos arguments lors des auditions les 5 et 6 septembre devant le collège de l’Autorité dans un esprit ouvert et avec détermination. 

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