Challengées par les mutations de l'écoute post-pandémie, les radios généralistes cherchent à consolider leur stratégie numérique et à développer les synergies avec la TV. Pour la rentrée, le sport devrait occuper une plus grande place à l'antenne, à l’approche des Coupes du monde de foot puis de rugby.
Touche après touche, les orientations de la rentrée commencent à se dessiner pour les radios généralistes. Alors que les grilles de programmes ne devraient pas être trop bousculées sur les matinales, c’est sur le sport que va sans doute se jouer une partie des audiences de la saison prochaine. Avec l’imminence de la Coupe du monde de foot au Qatar – diffusée pour la première fois de son histoire en hiver – et la Coupe du monde de rugby 2023, puis les Jeux olympiques de Paris en 2024, les radios ne peuvent ignorer les fans de stades.
Europe 1 a ainsi annoncé la programmation d’une émission sportive quotidienne de 20h à 23h30, venant en concurrence frontale avec RTL foot sur le même créneau horaire. France Inter devrait, elle, diffuser une émission sportive hebdomadaire le dimanche soir. Quant à RMC, elle va consacrer un programme 100 % foot de 6h à 15h en créant une radio digitale diffusée via Twitch.
À France Inter, le remplacement de Laurence Bloch par Adèle van Reeth est évidemment suivi de près. Quelle tonalité l’animatrice des Chemins de la philosophie sur France Culture va-t-elle donner à la station publique, qui s’est imposée depuis plusieurs années comme un leader incontournable ? Le Figaro a révélé que la future directrice entendait « changer le ton de l’antenne par petites touches ». Les grands rendez-vous d’info ne devraient pas changer, notamment la matinale, toujours animée par Léa Salamé et Nicolas Demorand.
Le divertissement, lui, devrait connaître des modifications plus significatives : Popopop d’Antoine de Caunes disparaîtrait, tandis que Par Jupiter, animé par Charline Vanhoenacker, serait largement remanié (et la chronique matinale quotidienne de cette dernière est supprimée). De son côté, Thomas Legrand arrête sa chronique matinale pour animer une émission politique le samedi en fin d’après-midi, en plus d'une nouvelle chronique quotidienne dans Libération.
Consolidation. À Europe 1, bousculée ces dernières années, il ne devrait pas y avoir de changement trop important à l’antenne, à l’exception de l’arrivée de la quotidienne sport. « Nous sommes dans une logique de consolidation, il faut stabiliser et renforcer la grille de programmes », reconnaît Marie Renoir, présidente de Lagardère Publicité News, chargée de la stratégie et du marketing éditorial. Quid de l’avenir de la station ? L’OPA menée par Vivendi sur Lagardère terminée, le groupe de Vincent Bolloré détient désormais 57,35 % du capital de Lagardère. Il y a tout juste un an, la crainte de la mainmise de Bolloré sur la radio et la mutualisation des programmes avec CNews avaient conduit à une grève des salariés.
À RMC, « la grille ne sera pas bousculée à la rentrée : nous avons posé les jalons l’année dernière, maintenant, il y a juste un travail d’horloger à faire pour affiner les choses », confie Karim Nedjari, directeur général de RMC. Ce travail d’ajustement portera notamment sur la matinale, portée par Apolline de Malherbe. « Il faut que cette matinale soit plus tonique », souffle le patron de RMC. Altice se séparant de Jean-Jacques Bourdin, accusé d’agression sexuelle, l’animatrice de la matinale devrait garder l'interview politique dont elle assure l’intérim depuis janvier.
Du côté de RTL, rien n’a filtré pour l’instant et la radio, sollicitée par Stratégies, n’a pas souhaité répondre à nos questions. Mais, depuis des décennies, la station du groupe M6 assure la stabilité de son audience par celle de sa grille qui n’évolue généralement que par petites touches.
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Plus largement, la saison prochaine permettra de voir si la radio surmonte – ou non – l’érosion d’audience liée à la pandémie, au télétravail et donc à la moindre utilisation de la voiture, où se fait une partie importante de l’écoute matinale. Entre 2012 et 2022, l’audience cumulée de la radio est passée de 43,2 millions d’auditeurs quotidiens à 40,5 millions, selon Médiamétrie, soit une baisse de 6,3 %.
Sur la même période, l’audience cumulée des généralistes est passée de 20,4 millions à 18,6 millions, soit un recul de près de 8,8 %. Cette baisse est clairement liée aux nouvelles habitudes prises pendant la pandémie : 900 000 auditeurs n’écoutent plus les généralistes depuis juin 2020, un recul équivalent à celui observé sur les huit saisons précédentes. « Cette érosion est liée à un changement profond des habitudes d’écoute : la digitalisation de la consommation de la radio, mais aussi depuis deux ans la baisse des déplacements en voiture liée au télétravail », analyse Frédéric Hergaux, directeur du trading audio-cinéma chez Publicis Media.
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La radio, comme tous les médias, connaît une mutation numérique profonde. « La grille des programmes ne doit plus être seulement analysée sur l’analogique, mais aussi sur le numérique », estime Sébastien Ruiz, directeur du département radio à GroupM. Aujourd’hui, environ 80 % des programmes des généralistes sont accessibles en podcast et 197 millions de podcasts français ont été écoutés ou téléchargés dans le monde en mai 2022, selon Médiamétrie. « Nous avons réussi le mariage de la radio et de la TV, et aussi gagné le pari de faire de RMC une radio très podcastable », s’enorgueuillit Karim Nedjari, résumant ainsi l’enjeu stratégique auquel toutes les radios sont confrontées.
Reste maintenant pour les radios généralistes à pérenniser les synergies avec les chaînes de TV « cousines », comme l'émission Punchline, présentée par Laurence Ferrari sur Europe 1, dont la première heure est diffusée en parallèle sur CNews, ou Estelle Midi et Les Grandes gueules, diffusées en simultané sur RMC et RMC Story. Si la mutualisation des programmes répond à une logique d’économie d’échelle indéniable, « cela n’a pas encore eu d’impact visible en termes d’audience », constate Céline Baumann, directrice du département audiovisuel chez IPG Mediabrands.