Le groupe de centre commerciaux a présenté son plan de développement en média, pour en faire un actif stratégique. Rachat des écrans à Clear Channel, création de business unit, développement d'outils de qualification du trafic : les moyens mis en place sont conséquents. Objectif : 200 millions d'euros de revenus d'ici 2030.
Le groupe de centres commerciaux Unibail Rodamco Westfield (URW) a présenté son plan de développement en média, pour en faire un actif stratégique. «Nous ne voulons plus considérer le média comme un revenu d’opportunité, mais comme un pilier stratégique», assure Caroline Puechoultres, directrice générale de la stratégie client et membre du directoire. Le géant du centre commercial, avec 85 centres de shopping dans 12 pays, veut miser sur son affluence pour donner de l’espace d’expression aux marques, et professionnaliser son approche, en ciblant notamment une audience.
« Nous avons constitué une Business Unit dédiée, pour développer une expertise centralisée », annonce Jean-Marie Tritant, président du directoire d’URW. Elle regroupe au total près de 100 personnes, qui rapporteront à Caroline Puechoultres. L’objectif est clair : atteindre les 200 millions de revenus d’ici 2030. Le groupe a modélisé le revenu moyen média par visites (ce que rapporte un visiteur en termes de revenus média au centre). A ce jour, une visite rapporte environ 10 centimes au groupe (environ 60 millions d’euros de revenus média par an). « Pour comparer, le métro londonien est à 15 centimes d’euros par visite. Les hôtels Marriott aux alentours de 60 centimes de revenus par visite, un aéroport international, à près de 70 centimes et un géant comme Walmart dépasse l’euro à 1,10 euro par visite, détaille Caroline Puechoultres. Nous avons donc une marge de progression gigantesque, et un fort potentiel devant nous. » Pour cela, le groupe entame une grande mue.
Il offrira aux marques différents formats, comme l’événementiel, au sein des centres, déjà très utilisé, mais aussi des campagnes « choc » d’affichage, de type adhésives, sur toute une partie du centre, pour animer les espaces. Le principe est en test en ce moment avec Coca-Cola au Quatre Temps de la Défense. Il mise aussi sur son site web, pour offrir des campagnes, digitale et physique, et une force de frappe pan-européenne, pour des lancements simultanés dans plusieurs pays. « Le fait de pouvoir synchroniser des événements au sein des centres, et de démultiplier la visibilité avec notre plateforme en ligne, séduit de nombreuses marques, avec qui nous discutons », détaille-elle. Comme en cosmétique, en High Tech ou pour l’automobile. Le groupe avait testé et prouvé ce principe pour le lancement du nouvel album de Lady Gaga en exclusivité, avec un concert privé diffusé en simultané dans tous les centres.
Miser sur les écrans
Mais le cœur du potentiel de cette nouvelle stratégie réside aussi et surtout dans les écrans numériques.
Les centres en accueillent 1700 en Europe, et 600 en France. La plupart appartenaient à Clear Channel, mais le groupe les rachète tous. « Dans le sens où cela devient un actif stratégique, nous voulons reprendre la main sur le parc. Le contrat de 10 ans arrivait à son terme, nous l’avons relancé sous de nouvelles modalités pour 8 ans », détaille la directrice générale. Tous les écrans en France seront ainsi disponibles en programmatique, et toujours opéré par Clear Channel, qui fera office de régie. Mais en tant que nouveau propriétaire, Westfield augmente significativement sa commission, et gagne en liberté pour la gestion technologique. Car en creux, c’est tout un écosystème publicitaire tech que veux créer Unibail, au sein de ses centres. « Nous voulons changer de philosophie en termes de média. Nous passons d’une activité qui consistait à vendre des écrans, à permettre aux marques de cibler une audience », insiste-t-elle. Un modèle évidemment permis par la transition numérique.
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Nouvelle mesure
Le groupe a ainsi planché pendant un an et demi sur une nouvelle méthode de qualification du trafic en centres commercial. « Le but est de connaître les centres d’intérêts des visiteurs selon les flux. De retracer leur parcours, sans savoir qui ils sont », détaille Caroline Puechoultres. Des capteurs, de l'analyse d'image et de l'intelligence artificielle. Le système, testé avec la Fnac à Velizy à ce jour, permet de qualifier les flux, dans l’espace et dans le temps – au cours de la journée - davantage que les personnes. Et ce, afin de mieux cartographier la disposition des écrans dans le centre, et mieux pouvoir cibler les visiteurs au bon moment – en programmatique, donc. « Le but n’est pas tant de connaître qui sont les clients, que de savoir ce qui les intéressent lorsqu’ils sont à un endroit du centre », synthèse la directrice. Une philosophie de ciblage qui rappelle le contextuel sur internet, et est en parfait adéquation avec la mouvance actuelle de disparition des données personnelles dans un monde cookieless.
« Le test réalisé avec la Fnac, en partenariat avec Clear Channel, Hivestack, Havas Media et le programmatique Hub d’Havas, a été très concluant, d’une part en ROI, mais aussi car il nous permet de mesurer la performance des campagnes » ajoute Caroline Puechoultres.
Alors que le Retail Media se développe sur le web en grande distribution, pour que les e-commerçants puissent monétiser leurs données first-party, et que les marques puissent cibler les consommateurs au plus proche de l’acte d’achat, Unibail Rodamco Westfield prend exactement la même autoroute, mais sur les flux physiques, avec la philosophie du web.