De Guénaëlle Troly (OFTV) à Christopher Baldelli (Réels TV) en passant par Martin Adjari nommé à l'Arcom... Focus sur six personnalités qui vont particulièrement peser dans le secteur des médias cette année.
Delphine Ernotte et Sibyle Veil, l’impossible mariage ?
Les PDG de France TV, Delphine Ernotte, et de Radio France, Sibyle Veil, auraient des raisons de s’entendre. Ayant déployé d’efficaces moyens pour atteindre la paix sociale et d’ambitieux projets stratégiques tournés vers l’avenir, elles ont l’une et l’autre décroché un second mandat haut la main. Mais le courant ne passe décidément pas entre elles tandis que l’ombre d’une holding de l’audiovisuel public voulue par les gouvernements successifs se fait plus insistante.
Sibyle Veil est défavorable à une fusion, observant qu’avec celles de RMC-BFMTV et de RTL-M6, le son est écrasé par l’image. Rapprocher différents métiers, c’est oublier les divergences dans l’exécution, à commencer par le fait que la radio produit son contenu, contrairement à la télé qui le coproduit. Delphine Ernotte, qui se rêvait à la tête d’un tel paquebot verra son deuxième mandat prendre fin en juillet 2025. Elle devra, d’ici là, déclarer si elle candidate à sa propre succession ou pas, pour cinq ans supplémentaires. Si l’ouverture des candidatures intervient en début d’année, le contexte apparaît plus incertain avec le changement de présidence à l’Arcom et en raison des points d’interrogation sur le futur de l’audiovisuel public. Reste pour ces deux dirigeantes à accentuer les synergies entre des chaînes qui demeurent pour l’essentiel dans leur couloir de nage, abstraction faite de la mise en place de matinales ou des tranches et plateformes communes. Après Franceinfo, le rapprochement France Bleu/France 3 en région est relancé, avec la nouvelle marque ICI depuis le 6 janvier.
Christophe Baldelli, docs et réalité
Ayant quitté fin 2024 la présidence de Public Sénat pour celle de Réels TV (nom provisoire), la nouvelle chaîne du milliardaire Daniel Kretinsky, Christophe Baldelli est de ceux qui incarnent la nouvelle ère de la TNT. Ciblant les 25-49 ans, la chaîne - dont le nom devrait évoluer - s’appuiera sur trois piliers, en particulier le documentaire (société, sciences, histoire…), mais aussi le débat et le divertissement. Elle fera appel, entre autres, aux équipes des médias de CMI France et aux maisons d’édition d’Editis, autre actif du groupe. Elle commencera à émettre le 1er mars.
Guénaëlle Troly, la carte du territoire d’OFTV
Ouest-France aura, le 1er septembre, sa chaîne sur la TNT, « OFTV ». À sa tête, Guénaëlle Troly. Venue de NRJ Group et d’Altice Media, elle devra faire de la chaîne « un acteur indispensable du paysage audiovisuel français », selon un communiqué du 2 octobre. Ce projet sera incarné dans une grille généraliste (info, magazines, documentaires…), cherchant notamment à parler aux Français dans les territoires. En point d’orgue, un talk-show pour lequel un appel d’offres a été clôturé en décembre, et qui a suscité une soixantaine de candidatures.
Martin Ajdari, le très sage de l'Arcom
Sitôt sa nomination, Martin Ajdari a eu droit à un article dans Valeurs actuelles parlant de lui comme d'un « haut fonctionnaire woke » et lâchant un petit soupir venu d'un « cadre » de la Tour Mirabeau : « Encore un homme de gauche à la tête de l'Arcom », pouvait-on lire (le précédent remontant à 1995 et à la nomination d'Hervé Bourges). Fils d'un diplomate iranien et de l'ancienne maire socialiste de Châteaubriant Martine Buron, l'actuel directeur général de l'Opéra de Paris, 56 ans, a laissé un bon souvenir comme directeur de cabinet d'Aurélie Filippetti puis de Fleur Pellerin, deux ministres de la Culture successifs d'un gouvernement Valls. Tempéré, diplomate, humble, l'homme semble taillé pour le costume de président de l'Arcom. Après Sciences Po et l'ESCP, il est entré à l'Ena pour rejoindre ensuite Bercy, puis prendre la direction financière de RFI, où il a rencontré Jean-Paul Cluzel, qui le fera venir ensuite à Radio France. Si l'on excepte un passage à Bercy au début de sa carrière et entre 2000 et 2004, notamment auprès de Laurent Fabius, l'homme a passé toute sa carrière dans les médias ou la culture. Il a été notamment directeur général délégué aux ressources pendant la présidence de Rémy Pflimlin, à France Télévisions, puis un apprécié directeur général des médias et des industries culturelles. Si sa nomination est validée par le parlement, il aura à poursuivre les travaux de son prédécesseur en matière de régulation audiovisuelle et numérique. Il ne coupera sans doute pas aux affres de la TNT même si Roch-Olivier Maistre veut achever avant son départ la pré-sélection de l'Arcom et la numérotation des chaînes.
Jean-Christophe Thiery, le bras droit de Bolloré
C’est avec Maxime Saada (Canal+) et Yannick Bolloré (Havas) l’un des piliers du groupe Bolloré dans les médias après la scission de Vivendi. Désormais PDG de Louis Hachette Group, qui regroupe Hachette, Lagardère (à 66,5 %) et Prisma (à 100 %), Jean-Christophe Thiery est chargé de veiller au développement d’un groupe coté à Euronext Growth, à Paris. Via Lagardère, qui va approcher les 9 milliards d’euros de CA en 2024, le nouvel empire pourra chercher à conforter son troisième rang mondial de l’édition, avec ses maisons réputées (Fayard, Armand Colin, Calmann-Lévy, Dunod, Hatier, Grasset, Larousse, JC Lattès, Stock…). Il hérite aussi d’une branche « travel retail » (Relay, duty free, restauration), qu’il sera aisé de céder - si l’actionnaire le souhaite -, tant elle est bien valorisée depuis la reprise du trafic aérien (+12,8 % en CA à la fin septembre). Il dispose de plus d’une activité dans la radio (Europe 1, Europe 2, RFM), la presse (JDD, JDNews, Elle International) et le divertissement (Folies Bergère, Casino de Paris, Arkéa Arena…). Enfin, via Prisma (Capital, Femme actuelle, Geo, Harper’s Bazaar, Télé Loisirs…), il pourra exporter ses licences de marque à l’international ou faire des acquisitions. Jean-Christophe Thiery, énarque, ancien de la préfectorale et de Bercy, est depuis le début de l’aventure Bolloré dans les médias, en 2001. Marié à Anne-Laure de Baulny, directrice juridique chez L’Oréal, il a lancé Direct Soir et la future C8. Ayant aussi présidé Canal+ au directoire en 2015 puis à son conseil de surveillance à partir de 2018, il est considéré comme le bras droit du capitaine. Une belle lame.
Pierre Louette, l’année des austérités
L’année 2025 s’annonce sous le signe de la rigueur pour le pôle médias du groupe LVMH avec une perte opérationnelle annoncée de près de 45 millions d’euros en 2024, dont 34 millions pour Le Parisien-Aujourd’hui en France. Même le bon élève du groupe, Les Échos, qui avait atteint l’équilibre depuis 2021, affiche 3 millions d’euros de perte, tandis que Radio Classique tutoie les 5 millions d’euros de déficit. Le chiffre d’affaires publicitaire, globalement stable, n’a pas pu enrayer ces résultats. Le PDG, Pierre Louette, étudierait toutes les pistes dont un gel des salaires et un éventuel plan de départs volontaires alors que l’intégration de Paris Match est en cours. Devant la captation des revenus publicitaires par les géants du web, celui qui est aussi président de l’Alliance de la presse d’information générale appelle à l’action. Le 4 décembre, à Presse & Médias au Futur, il a demandé la création d’un mécanisme incitatif visant corriger le déséquilibre de ces investissements en faveur de Google et Meta aux dépens de la presse d’information.