Après l’échec des discussions avec Pierre-Édouard Sterin cet été, CMI France, propriétaire du magazine Marianne, avalise l'arrêt des négociations avec l'entrepreneur Jean-Martial Lefranc.

Nouvel accroc dans la revente de l'hebdomadaire Marianne : son propriétaire CMI France a « pris acte » samedi 16 novembre de l'arrêt des négociations avec l'entrepreneur Jean-Martial Lefranc, récusé par une partie de la rédaction faute de garanties sur l'indépendance éditoriale. « CMI France prend acte de ce que les discussions avec M. Lefranc sont terminées » et déplore « une situation inédite (qui) place le magazine dans une conjoncture incertaine », écrit le groupe du magnat tchèque Daniel Kretinsky (Elle, Télé 7 jours...) dans un communiqué transmis à l'AFP, se disant toutefois « déterminé à trouver un avenir pour le titre », mis en vente depuis fin avril.

L’indépendance éditoriale, objet de discorde

« On se félicite de l'arrêt des discussions parce qu'on était très inquiets des perspectives sur l'indépendance éditoriale. Notre objectif est atteint », a commenté auprès de l'AFP Hadrien Mathoux, président de la société des rédacteurs de Marianne (SRM), qui croit toujours aux possibilités de trouver un repreneur. « On a bien évidemment conscience de la situation qui est difficile mais on pense qu'on peut trouver des investisseurs qui seront à la fois respectueux de l'identité de Marianne et en capacité d'apporter les fonds nécessaires », a-t-il ajouté. Malgré l'arrêt des discussions, Jean-Martial Lefranc, entrepreneur de 62 ans ayant fait carrière dans les jeux vidéo, affirme qu'il « ne renonce pas à la reprise du titre, dont le retour à l'indépendance est un élément fondamental de la préservation du débat démocratique », selon une déclaration transmise à l'AFP.

C'est la deuxième fois cette année que le rachat de l'hebdomadaire cofondé en 1997 par Jean-François Kahn capote. En juillet, CMI France avait déjà été contraint de cesser les discussions avec le milliardaire conservateur Pierre-Edouard Stérin, rejeté par la rédaction après la révélation par Le Monde d'accointances avec l'extrême droite. Les salariés de l'hebdomadaire s'étaient mis en grève pour obtenir gain de cause et les discussions avaient cessé d'un commun accord entre les deux parties. Des « négociations exclusives » s'étaient alors ouvertes avec Jean-Martial Lefranc qui proposait 8,5 millions d'euros, CMI France se disant disposé à prendre en charge une partie des coûts de reprise, pour 3 millions d'euros.

La rencontre lundi 11 novembre entre l’acquéreur potentiel et la SRM a toutefois mis le feu aux poudres, notamment au sujet des garanties d'indépendance éditoriale. Au lendemain de cette entrevue, la société des rédacteurs a demandé « l'arrêt immédiat » des discussions, estimant que Jean-Martial Lefranc avait « la ferme intention » d'intervenir dans la ligne éditoriale du journal et de « remédier personnellement » aux articles ne répondant pas, selon lui, aux « exigences de la déontologie journalistique ». Selon la SRM, la viabilité financière de l'offre de reprise avait par ailleurs été « gravement » compromise par la défection de son principal contributeur, Antoun Sehnaoui. La rédaction s'était alors dite « prête à user de tous les moyens pour obtenir satisfaction dont la grève ». Samedi, l'entrepreneur a dénoncé les propos « diffamatoires » de la SRM en affirmant avoir, devant la rédaction, « défendu la mise en place de mécanismes d'indépendance opérationnels et efficaces, allant bien au-delà des déclarations d'intention incantatoires ».

CMI France examinera « toutes les solutions »

Dans son communiqué, le groupe CMI France affirme qu'il examinera désormais « toutes les solutions envisageables ». Le groupe, propriétaire de Marianne depuis 2018, « indiquera prochainement les grandes orientations qui pourraient alors être retenues. » En 2023, avec 129 000 exemplaire vendus, Marianne avait vu sa diffusion baisser de 1,3 % par rapport à 2022, derrière ses concurrents Le Point (291 000, -1,5 %), L'Obs (190 000, -7 %) et L'Express (144 000, -5 %), selon l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias. Marianne a perdu 3 millions d'euros en 2023, pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 12 millions d'euros. L'hebdomadaire, dont Natacha Polony dirige la rédaction, défend une ligne éditoriale souverainiste, pro-laïcité, antilibérale en économie et critique des élites. C'est ce ton qui a incité Daniel Kretinsky, libéral en économie et favorable à la construction européenne, à se séparer du magazine.

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