Les milieux du cinéma et de l’audiovisuel craignent une révision de la directive SMA qui fixerait pour tous les pays européens la part d’obligation de financement des plateformes.

L’arrivée de Donald Trump au pouvoir, et son soutien aux plateformes américaines, peut-elle avoir un impact sur le financement de la création audiovisuelle ? C’est la question qui a traversé les Rencontres de l’ARP (auteurs, réalisateurs, producteurs), au Touquet (Pas-de-Calais), du 6 au 8 novembre. « Devant la parole désinhibée d’un président, on doit désinhiber notre parole », a souligné Pierre Jolivet, président de l’ARP. En clair, mobiliser des personnalités de la culture et du cinéma pour défendre notre exception à Bruxelles. Car la nouvelle Commission, qui vient de retirer l’audiovisuel du portefeuille de la culture pour le placer sous celui de la « souveraineté technologique », assurée par Henna Virkkunen, est le fruit de nouveaux équilibres politiques en Europe. Or la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA), qui assure le financement de la création par les plateformes, sera rediscutée au niveau européen en 2026. Les professionnels craignent qu’elle soit révisée dans un sens réglementaire qui empêcherait la France d’exiger une contribution de 20 % sur le chiffre d’affaires (contre 6 % en Espagne ou 3 % au Portugal) des géants du numérique.

Rachida Dati, ministre de la Culture, entend bien défendre les intérêts du cinéma français dès le prochain Conseil européen des ministres de la Culture, le 26 novembre. De même, elle conçoit l’IA comme une source d’opportunités à condition d’être « très respectueux du droit d’auteur ». Faut-il aller plus loin ? En écho au rapport du conseiller d’État Fabien Raynaud, le directeur général du CNC Olivier Henrard estime qu’il faut rehausser les quotas de diffusion d’œuvres européennes (de 30 % à 50 % par exemple) face à des contenus américains qui sont les plus regardés en Europe. Pour lui, le système US de la production exécutive, qui laisse le contrôle éditorial aux plateformes, est « un prix trop élevé à payer » pouvant mener à une uniformisation de la création, et empêchant des producteurs de se constituer un catalogue, bref, les privant de leurs droits. Il appelle donc à sortir les productions exécutives des quotas européens.

Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom, insiste de son côté sur la nécessité de conforter le modèle économique d’acteurs qui dépendent d’obligations reposant sur des diffuseurs dont les budgets ne sont pas assurés et les recettes publicitaires, promises à la décroissance « dès 2026 ou 2027 ». D’autres menaces sont évoquées, comme l’arrivée de capitaux américains dans Mediawan. La filiale d’un tel groupe peut-elle être considérée comme européenne et bénéficier des aides du CNC ? Un recours a été engagé au Conseil d’État par des organisations du cinéma depuis de longues années.

Quant à la part de production indépendante, doit-elle faire une place à des filiales de diffuseur comme Newen (TF1) ? Nathalie Sonnac, professeure à Paris 2, propose d’affiner en créant une catégorie de part « autonome » : elle serait de 50 % pour les chaînes privées, outre 25 % d’indépendant, quand elle serait de 25 % pour les chaînes publiques. Quoi qu’il en soit, l’heure est à l’union. Carole Scotta, présidente de Haut et Court, est venue défendre son modèle de « concentration horizontale » à travers The Creatives, regroupement de neuf sociétés de production : « La coopération nous permet de prendre des risques là où, dans les grands groupes, cette prise de risques est très faible. »

Lire aussi :