Alors que la nouvelle Commission européenne engagera à partir de 2026 la révision de la directive SMA, Rachida Dati, la ministre de la culture, annonce son intention de protéger les créateurs et de défendre le droit d’auteur. Le CNC fait de son côté des propositions précises.
Rachida Dati s’est engagée par un message vidéo le 8 novembre, aux Rencontres de l’ARP, l’événement annuel des auteurs réalisateurs producteurs, à défendre l’exception culturelle dès le prochain conseil des ministres de la culture européens le 26 novembre prochain. Alors que la vice-présidente finlandaise de la Commission européenne Henna Virkunnen, récupère le cinéma et l’audiovisuel dans son portefeuille consacré à la « souveraineté technologique, la sécurité et la démocratie », la Commission suscite beaucoup d’inquiétudes de la part des acteurs de la culture et des images. « Le combat pour le cinéma, il se mène aussi à Bruxelles, je défendrai nos intérêts dès le prochain conseil des ministres de la culture » a déclaré la ministre. La directive sur les services de médias audiovisuels (SMA), qui assure le financement de la création audiovisuelle et cinématographique par les plateformes numériques, sera rediscutée au niveau européen en 2026. Les professionnels du cinéma craignent qu’elle soit révisée dans un sens réglementaire qui empêcherait la France d’exiger une contribution de 20% sur le chiffre d’affaires des plateformes en faveur de la création, comme c’est actuellement le cas.
Rachida Dati, qui a lancé deux missions du Conseil national de la propriété littéraire et artistique sur l’intelligence artificielle, estime par ailleurs que l’IA « peut être une opportunité » mais que « ses avancées ne sont possibles que dans un cadre très respectueux du droit d’auteur et des intérêts des créateurs ». « Vous pouvez compter sur moi pour tenir cet équilibre » a-t-elle déclaré. Elle a également assuré qu’elle entendait se battre : « pour que la loi de finances en cours d’examen ne touche pas aux fondamentaux du CNC ». Elle souhaite par ailleurs que la proposition de loi cinéma, adoptée à l’unanimité au Sénat en février, passe au plus vite à l’Assemblée nationale. Ce texte permet selon elle de grandes avancées sur le régime des cartes illimitées, sur les engagements de diffusion, en faveur de la lutte contre le piratage ou contre les violences sexuelles et sexistes.
Objectifs de diversité culturelle
Elle a été rejointe dans son soutien au cinéma et à l’audiovisuel par Olivier Henrard, directeur général du CNC, qui a fixé comme priorité pour 2026 d’assujettir à des obligations de financement de la création les acteurs qui ciblent le territoire français. Depuis le vote de ce dispositif en 2018, celles-ci ont représenté en France près d’un milliard d’euros investis par les services étrangers de video à la demande en large en majorité au profit de la production déléguée indépendante. Il propose aussi de réajuster le cadre existant en répondant aux objectifs de diversité culturelle.
En écho au rapport du conseiller d’Etat Fabien Raynaud, qui vient d’être publié, il a insisté sur le fait qu’il fallait, face à des contenus américains qui sont les plus regardés en Europe, rehausser les quotas de diffusion d’œuvres européennes (de 30%, cela pourrait passer à 50%) et laisser les pays ciblés déterminer par eux-mêmes les modalités de ces quotas notamment quand ils sont « moins disants » en matière de diffusion européenne. Il a de surcroît estimé que la production exécutive, qui laisse le contrôle éditorial aux plateformes, était « un prix trop élevé à payer et un péril trop grand » pouvant mener à une uniformisation de la création par des acteurs qui recherchent une audience mondiale, et empêchant des producteurs de se constituer des revenus pérennes à travers un catalogue de programmes. Il appelle donc à sortir les productions exécutives de la définition des œuvres européennes et du bénéfice des quotas pensés pour renforcer la diversité culturelle. En outre, il demande une transparence gratuite des données d’audience des œuvres qui permettrait de renforcer les créateurs dans leurs négociations avec les plateformes dans leurs projets ultérieurs.
Concernant l’IA générative, au cœur des priorités de la nouvelle Commission, la protection du droit d’auteur, l’évolution de l’emploi et la répartition de la valeur restent des questions ouvertes pour lesquelles le CNC fera des propositions concrètes. Enfin, « l’Union européenne doit préserver l’exclusivité territoriale qui est au cœur de notre modèle », a-t-il affirmé, regrettant que la problématique du blocage géographique des droits soit souvent abordée sous l’angle de l’approfondissement du marché unique. « La fin du géoblocage entraînerait un déséquilibre sans précédent dans la chaîne de valeur pour satisfaire une demande en réalité très marginale de la part des citoyens », a martelé Olivier Henrard.