La chaîne francophone TV5Monde, désormais dirigée par Kim Younes, va engager le processus d’intégration de sept pays d’Afrique subsaharienne à son actionnariat.

Kim Younes, la nouvelle directrice générale de TV5Monde depuis le 2 octobre, accompagnait Emmanuel Macron la semaine dernière au Maroc. Vis-à-vis du continent africain, la dirigeante arrive avec une feuille de route inédite : elle a reçu mandat des gouvernements représentés à son conseil d’administration - par des diffuseurs publics - d’ouvrir l’actionnariat de la chaîne à des pays d’Afrique : le Bénin, le Cameroun, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Sénégal et la RDC. En échange d’une participation de 600 000 euros par État, il s’agirait de permettre à ces pays d’intégrer le conseil d’administration de TV5Monde, avec un siège tournant.

La question, qui arrive après un conseil d’administration du 16 octobre, risque de réveiller des craintes dans la rédaction, notamment s’agissant du Gabon, dirigé par le général Brice Oligui Nguema, président de transition arrivé au pouvoir après un coup d’État. Yves Bigot, le prédécesseur de Kim Younes à la tête de TV5, l’avait rencontré en avril pour lui présenter le projet. La présidence gabonaise y a alors vu l’opportunité d’intégrer sa télévision d’État à TV5Monde « afin de voir ses programmes diffusés sur les différentes chaînes partenaires et de rendre plus visible à l’échelle internationale l’action de l’exécutif ». Le SNJ rappelle que dans plusieurs des pays cités, la liberté de la presse n’est pas assurée dans les faits et que, faute de garanties fermes, il ne pourra approuver le projet. « Qui peut croire qu’une simple charte éditoriale, aussi solide soit-elle, peut protéger des journalistes sur des terrains où règne l’arbitraire ? », écrit-il.

C’est pourquoi la rencontre de la nouvelle patronne avec la rédaction, demandée par la Société des journalistes, sera déterminante. « Nous ne sommes pas contre un élargissement de la gouvernance aux pays du Sud, mais à condition que notre indépendance soit respectée, nous serons intransigeants là-dessus », explique Dominique Tchimbakala, présidente de la SDJ de TV5. Kim Younes a prévu un « parcours d’adhésion » aux nouveaux membres du conseil d’administration incluant la signature d’une charte déontologique entre les différentes parties prenantes. Nul ne sait combien de temps il durera, mais il permet d’éviter les jugements de valeur sur les pays tout en faisant une condition sine qua non de l’autonomie de la rédaction et de ses correspondants locaux, assure-t-elle.

Ancienne dirigeante à la régie et au digital à M6, Kim Younes a été directrice générale de BFM Business avant de se consacrer à la production en 2020, via sa société Elvie Productions. On lui doit The Truth, en coproduction avec Endemol Shine Israël, Hooligans, une série de Lee Gilat et Izhar Harlev, et On sourit pour la photo, un film de François Uzan. Elle a aussi assuré des documentaires sur l’Ukraine (avec Au Tableau Prod) et la forêt au Congo (avec Spica). Cette expérience dans les contenus lui sera utile pour comprendre une rédaction qui a reconstitué sa société des journalistes depuis un communiqué de la direction de l’info, en novembre 2023, désavouant le journaliste Mohammed Kaci pour son interview d’un porte-parole de Tsahal. La personnalité choisie pour succéder à Françoise Joly, licenciée de cette direction en juin, sera un signal.

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