Le Sénat a approuvé, le 23 octobre, la pérennisation du mécanisme de financement de l’audiovisuel public par l’affectation annuelle d’un montant de TVA, une option soutenue par la ministre Rachida Dati, dans l’attente d’une réforme de la gouvernance du secteur, beaucoup plus sensible.
« Pour avoir un audiovisuel public fort, il faut que son financement soit tout aussi fort, sanctuarisé », a lancé devant les sénateurs, mercredi 23 octobre, la ministre de la Culture, Rachida Dati, favorable à la proposition de loi organique adoptée à l’unanimité moins une voix. Le texte du sénateur Les Républicains Cédric Vial, qui sera examiné le 19 novembre par l’Assemblée nationale, entend répondre à une urgence législative : en effet, le système provisoire de financement mis en place depuis la disparition de la redevance en 2022 expire à la fin de l’année 2024.
Et si rien n’est fait d’ici là, l’audiovisuel public serait alors financé sur le budget de l’État, une « budgétisation » redoutée par le secteur, qui craint des atteintes à son indépendance. « En cas de budgétisation, le gouvernement prend le pouvoir, comme sur n’importe quelle autre politique publique, d’intervenir sur les montants affectés en cours d’année », a ainsi alerté Cédric Vial.
Dans l’urgence, le gouvernement s’est donc rangé à l’option sélectionnée par les sénateurs : l’affectation annuelle à l’audiovisuel public d’un « montant d’impôt d’État » comme la TVA. Le montant serait alors défini lors des débats budgétaires de l’automne. Alors qu’une spécificité financière avait initialement été évoquée pour Arte, les sénateurs ont opté pour un alignement de la chaîne franco-allemande sur le même modèle de financement.
Ce mécanisme, préféré à celui d’une « fraction » en pourcentage de TVA, ou d’un prélèvement sur recettes, permettra « d’assurer à court terme un financement pérenne et lisible », a assuré le rapporteur LR Jean-Raymond Hugonet. « Les entreprises connaîtront dès le vote de la loi de finances le montant en euros qui leur sera reversé pour l’année. Elles seront ainsi protégées des aléas de la conjoncture économique », a insisté Rachida Dati.
Une question d’indépendance
« Le fait d’avoir une recette affectée qui ne soit pas le budget de l’État, c’est un signe objectif d’indépendance indiscutable. C’est important d’avoir le soutien des élus », a réagi Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, auprès de l’AFP. Tout en soutenant le texte, la gauche a émis de nombreuses réserves, considérant cette solution comme une « méthode de repli », « injuste sur le plan fiscal », selon l’écologiste Thomas Dossus.
Derrière ce texte consensuel, les débats ont vite débordé sur la question de la gouvernance de l’audiovisuel public, alors que le projet d’une fusion de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI, France 24) et l’Institut national de l’audiovisuel (Ina), défendu jusqu’ici par Rachida Dati, a été mis sur pause par la dissolution de l’Assemblée nationale. La ministre a promis « d’avancer sur ces discussions », sans donner de calendrier plus précis. « Il faut bien sûr se battre sur le financement, mais face à la concurrence croissante, notre audiovisuel public doit aussi se réorganiser s’il ne veut pas s’affaiblir et demain disparaître », a repris Rachida Dati.
« Reculer encore et encore sur la réforme sur la gouvernance ferait prendre un risque à notre audiovisuel public » face aux plateformes qui « menacent son modèle », a prévenu le président centriste de la commission Culture du Sénat, Laurent Lafon, qui milite comme ses alliés au Sénat pour la création d’une holding regroupant l’audiovisuel public.