Poursuivi en diffamation par RT France, aujourd'hui interdite dans l'Union Européenne, Jean-Baptiste Jeangène, chercheur et directeur de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire, a dénoncé au procès une « intimidation judiciaire ». Retour sur les faits.
Poursuivi en diffamation par RT France, un chercheur a dénoncé jeudi 17 mars au procès l'« intimidation judiciaire » pratiquée selon lui par cette chaîne et qualifié de « consensuels » ses propos de 2018 sur la « manipulation de l'information ».
Directeur de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM), qui appartient au ministère de Armées, Jean-Baptiste Jeangène est poursuivi devant le tribunal judiciaire de Paris pour cinq tweets de septembre 2018 visant les « falsifications » des médias russes RT et Sputnik.
Il s'agissait d'une « démonstration froide, sourcée, factuelle », en réaction au « feu roulant de critiques » des médias et des autorités russes après la publication du rapport « Les manipulations de l'information. Un défi pour nos démocraties », s'est-il défendu.
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Dans son « fil » Twitter, le chercheur assimilait ces critiques à de « nouvelles démonstrations des activités de manipulation de l'information dénoncées dans le rapport », évoquant des « procédés d'amplification » (14 articles en cinq jours) « et de déformation » (le rapport étant qualifié de commande pour légitimer le projet de loi contre la désinformation du gouvernement français, qui sera adopté en décembre 2018).
« RT et Sputnik (...) inventent fréquemment des faits, falsifient des documents, des traductions ou des interviews », ajoutait-il, citant la « falsification » de la traduction d'un reportage sur la Syrie, objet d'une mise en demeure du CSA en juin 2018.
Une « erreur technique », pour l'avocat de RT France, citant d'autres médias épinglés pour des problèmes de traduction et assurant qu'aucun des 70 exemples fournis par la défense ne démontre une « volonté de tromper le téléspectateur ». RT France, branche de la chaîne d'information RT (ex-Russia Today) financée par l'État russe, se présente comme indépendante éditorialement.
« Désinformation »
Mais c'est « en réalité un agent de l'État russe », a persisté Jean-Baptiste Jeangène. « Ce procès n'est pas ce qu'il paraît: ce n'est pas une société privée qui attaque un particulier, c'est un État utilisant l'arme du droit pour en attaquer un autre », a estimé le chercheur de 43 ans, demandant que RT France soit condamnée pour « procédure abusive ».
Accusés d'être des instruments de « désinformation » de Moscou dans sa guerre contre l'Ukraine, RT et Sputnik ont interdiction d'être diffusés dans l'Union européenne depuis le 2 mars.
Pour la procureure, deux tweets sur les cinq, faisant référence au reportage en Syrie, présentent un caractère « diffamatoire ». Mais il « ne me semble pas » qu'ils soient « attentatoires à la liberté d'expression » car ils « s'inscrivent dans le cadre d'un débat d'intérêt général », a-t-elle ajouté.
Le chercheur disposait d'une « base factuelle suffisante » pour faire ses affirmations, a plaidé sa défense. La décision sera rendue le 27 mai.