Six médias satiriques de pays européens et de Jordanie se sont réunis début octobre à Paris pour échanger sur leurs bonnes pratiques.
Le 4 octobre au matin, la nouvelle est tombée : Jean-Claude Dusse (Michel Blanc) a raccroché définitivement ses bâtons de ski. Une vraie information, malheureusement. À ce moment même, le PDG du Gorafi Sébastien Liebus - tout en se demandant comment il allait évoquer cette disparition -, recevait à Paris ses homologues de cinq autres médias satiriques internationaux, pour un séminaire de travail. Incluant l’allemand Der Postillon (plus de 5,5 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux) ou encore l’italien Lercio (plus de 3 millions, dans la lignée du Gorafi qui en compte 3,4 millions), ces médias d’un genre un peu particulier se réunissent depuis 2018, et pour la première fois cette année en France. Le but ? Échanger sur leurs bonnes pratiques, discuter de leurs modèles économiques, dresser le bilan des mois passés. « À observer les similarités entre nous, nos différences aussi, j’ai eu envie d’initier un sommet », explique Jochem van den Berg, fondateur de De Speld (Pays-Bas), à l’origine du projet, baptisé « Big Satire ».
« On fait des blagues mais on le fait sérieusement », avance Sébastien Liebus. Et chacun le fait à sa manière. De Speld, par exemple, a imaginé un faux parti politique, « Party against the people ». « Son leader n’est pas un type sympathique mais il est devenu populaire », glisse le fondateur. « Nous avons créé la première IA qui ne fait pas ce que tu veux », illustre Stefan Sichermann pour Der Postillon. Même chose pour les modèles économiques : chacun a le sien propre, basé par exemple sur un abonnement payant, proposé après lecture gratuite d’un nombre limité d’articles (c’est le cas de l’autrichien Die Tagespresse, qui avait aussi expérimenté la publicité), du brand content (à des degrés divers) ou de l’événementiel. « Nous avons performé à travers l’Italie, au Brésil, à Londres, à Sziget (Budapest) », dépeint Andrea Sesta, auteur pour Lercio.
Au-delà, ces médias discutent régulièrement via un groupe Facebook, où ils s’échangent les articles les plus appréciés dans leurs pays, pour qu’ils soient traduits et adaptés chez leurs voisins. « Ces articles ne portent généralement pas sur les hard news mais sur des sujets liés aux modes de vie », explique Sébastien Liebus. Comme sur ces jeunes Berlinois qui portent des foulards aux chevilles pour se protéger du froid ou bien ces gens qui oublient les prénoms de leurs enfants faute de se les être tatoués… Au-delà des différences culturelles, « tout le monde rit de la même chose », estime celui qui se penche chaque jour sur ces sujets avec une douzaine d’auteurs.
Des projets communs pourraient voir le jour. Ces médias rêvent d’une vraie-fausse enquête à la Panama Papers. L’Eurovision, les élections européennes ou américaines apparaissent comme autant de potentielles occasions de collaborer. Leurs éditeurs ont pensé monter une association européenne des journalistes spécialisés sur la satire, pour se soutenir en cas de besoin. Die Tagespresse avait dû faire face à une action en justice pour diffamation du parti d’extrême droite FPÖ, qui avait peu goûté l’envoi à des restaurants de lettres satiriques arborant son logo. Le jordanien Al-Hudood a vu son site bloqué par l’héritier de la couronne. Pas de quoi signer son arrêt puisqu’il reste lisible sur les réseaux sociaux ou via un VPN.