Sans attendre le 5 novembre, jour d'élection aux États-Unis, les médias français multiplient les formats autour de la présidentielle américaine : retransmission des débats, envoyés spéciaux, émissions quotidiennes et podcasts de décryptage, tout est mis en œuvre pour intéresser et informer les Français.
C'est sur un hymne américain façon rap que s'ouvre « L'Heure américaine », émission de franceinfo télé consacrée quotidiennement aux enjeux du duel Kamala Harris-Donald Trump. L'appétence des chaînes d'info (avec la diffusion du débat des candidats en direct dans la nuit de mardi à mercredi sur LCI ou BFMTV) se retrouve aussi dans une case entre info et divertissement comme Quotidien (TMC). Leur envoyé spécial est ainsi à l'arrière d'une voiture de patrouille traquant les immigrés clandestins à la frontière avec le Mexique, avant de suivre le débat dans une université.
La présidentielle américaine a tout « d'un teaser Netflix: "L'élection la plus importante de l'Histoire !". Ça, je l'ai entendu mille fois. Ronald Reagan disait qu'il était le dernier espoir de la démocratie américaine », décortique pour l'AFP Thomas Snégaroff. Mais « à partir d'Obama, c'est assez marquant, la fascination est là: fascination pour un candidat, fascination pour une machine très spectaculaire », poursuit ce spécialiste des USA, qui pilote avec l'historien Romain Huret la série de podcasts « États-Unis : anatomie d'une démocratie » (disponible sur l'application Radio France et franceinter.fr).
Dramaturgie
La tentative d'assassinat sur Trump a encore poussé le curseur de la dramaturgie. Mais c'est « le retrait de Joe Biden puis l'entrée en campagne de Kamala Harris qui ont suscité une vague d'intérêt importante, on l'a vu dans nos audiences fin juillet », analyse pour l'AFP Philippe Corbé, directeur de la rédaction de BFMTV. Cette chaîne a lancé fin 2023 un podcast hebdomadaire, « Washington briefing », destiné à perdurer après l'investiture.
Philippe Corbé prévoit un renforcement des effectifs aux États-Unis à partir d'octobre, avec « au moins 25 journalistes, une dizaine de techniciens et gens de la production ». À l'approche du Jour J, BFMTV y enverra des figures (Maxime Switek, Apolline de Malherbe, Benjamin Duhamel) et s'offrira « un studio en extérieur sur un toit à New York, en plein cœur de Manhattan ».
Louis Sarkozy
Autour de la date clé, le groupe TF1 a « bloqué depuis un an une terrasse à Washington » avec vue sur le Capitole, explique à l'AFP Thierry Thuillier, directeur général adjoint information. Des pointures comme Darius Rochebin (LCI, en plateau là-bas) ou Anne-Claire Coudray (TF1, sur le terrain) prendront l'avion.
LCI compte parmi ses chroniqueurs Louis Sarkozy, fils de l'ancien Président, « qui vit à Washington et qui écrit beaucoup sur les États-Unis », brosse le dirigeant. Douglas Kennedy, écrivain américain qui tient une chronique sur la campagne dans La Tribune Dimanche, est aussi dans les radars du groupe TF1 pour une grande interview.
L'Ina (Institut national de l'audiovisuel), média patrimonial décliné sur plusieurs supports, jusqu'à TikTok pour les plus jeunes, va, entre autres, « produire des contenus autour de toutes les révolutions de la communication amenées par les élections américaines », présente enfin à l'AFP Emmanuel Goubert, responsable de la création éditoriale. « De l'utilisation de la télé et du débat au moment de l'élection de Kennedy à l'utilisation aujourd'hui de l'intelligence artificielle, en passant par l'exploitation de la data par Obama pour ses campagnes », détaille-t-il.
L'avenir économique de l'Europe
« Vous voyez à l'œuvre aux États-Unis des tendances qu'on peut deviner chez nous, comme une forme de parallélisme », déroule Thierry Thuillier. « Une coupure avec les grandes villes périphériques, par exemple, le monde rural versus le monde citadin, la fermeture de services publics ou d'usines, notamment dans le cœur des États-Unis ». « Depuis Obama (premier Président noir) et maintenant avec Harris (qui peut devenir la première Présidente, noire et sud-asiatique), il y a l'idée "est-ce que, nous, on est capables de faire la même chose qu'eux ? Est-ce que notre démocratie est plus verrouillée que la leur ?" », rebondit Thomas Snégaroff.
« Pour nos lecteurs et pour les entreprises, les patrons, les cadres qui nous lisent, ça touche à l'avenir économique de l'Europe », pointe pour l'AFP Christophe Jakubyszyn, directeur des rédactions des Échos. « Trump calcule tout : "Si je défends l'Europe, qu'est-ce que vous me donnez en contrepartie ?". Harris, c'est la tradition démocrate d'être un peu le gendarme du monde, c'est déterminant pour l'Ukraine », élargit-il.