Alors que Netflix fête en septembre ses dix ans en France, Florence Trouche, directrice des ventes publicitaires pour le marché tricolore, revient sur le lancement de l’offre avec publicité, en novembre 2022. Elle entend répondre aux acteurs du marché par la mesure d’audience et l’adtech ainsi qu’en termes de ciblage et de transparence.

Quel état des lieux dressez-vous depuis le lancement de votre offre avec publicité en novembre 2022 ?

FLORENCE TROUCHE. Cette offre est très récente et il y a une progression constante du nombre d’abonnés. En août 2023, on comptait 5 millions d’utilisateurs mensuels actifs de l’offre avec publicité dans le monde ; en janvier 2024, 23 millions ; aujourd’hui, 40 millions. À cela s’ajoute que 45 % des nouvelles inscriptions concernent cette offre. On a besoin d’avoir un scale [passer à l’échelle], c’est une stratégie prioritaire pour l’entreprise.

Au-delà de la progression du nombre de vos abonnés, qu’en est-il de la mesure de votre audience et des outils de vente de vos inventaires ?

C’est notre deuxième priorité pour 2024-2025. Nous travaillons déjà avec Kantar Lab et Lucid pour que nos annonceurs puissent mesurer l’impact sur leurs items de notoriété de marque. Et nous avons entamé la collaboration avec Médiamétrie sur la mesure d’audience. Nous n’avons pas de calendrier précis. Le troisième chantier prioritaire, c’est la plateforme technologique. Nous avons annoncé en mai que nous nous dotions de notre propre adtech, dans le cadre d’une stratégie d’entreprise de moyen et long terme, pour pouvoir piloter le déploiement de l’offre, des insights, des formats. Ce sera en test au mois d’octobre au Canada et lancé aux États-Unis au deuxième trimestre 2025. Nous espérons être prêts en Europe fin 2025. Cela va nous occuper tout au long de l’année, comme le fait que nous ayons ouvert notre offre à d’autres DSP que Xandr. Les annonceurs vont avoir accès à l’inventaire Netflix via The Trade Desk et Google 360 DV. Nous allons commencer dans les semaines à venir à faire des tests d’intégration avant un déploiement dans les mois qui viennent.

Avez-vous quelques exemples de campagnes innovantes menées sur Netflix ?

La proximité des Français, on la doit à une qualité et à une diversité incroyable de séries, de films, de documentaires, et à cette capacité qu'on a développée de produire des contenus qui créent la pop culture et sont de nature à générer des conversations, à faire sortir nos séries de l’écran. C’est ce que les annonceurs viennent chercher.

Stellantis, avec sa marque Fiat, a été le premier annonceur à nous accompagner pour le lancement en février de notre premier format sponsorship. Celui-ci consiste en un placement exclusif et premium pour une marque à côté de l’un de nos titres phares, via un bumper en pre-roll où l’annonceur présente le contenu. Stellantis a ainsi accompagné le lancement de trois titres entre février et mars en proposant à chaque fois un produit en affinité avec l’audience de la série (Topolino, petite Fiat sans permis, ciblant les jeunes adultes et les familles, a présenté la série Avatar, le dernier Maître de l’air, qui s’adresse aux familles ; la Fiat Abarth, la série The Gentlemen de Guy Ritchie ; la Fiat 600, Le Problème à trois corps, basé sur un livre de science-fiction chinoise). La marque auto a encadré, encapsulé ses propres modèles en fonction de nos audiences : c’était très pertinent. Notre format le plus récent est « pause ads » [une publicité sur les deux tiers de l’écran quand un contenu est mis en pause]. C’est comme un affichage dans le salon, en plus interactif puisque l’on peut alors scanner un QR code ou cliquer sur un lien. Coca-Cola a été le premier à tester ce format en bêta à partir du 15 juin.

Faites-vous évoluer vos formats ou restez-vous sur les standards annoncés à votre lancement ?

Nous avons commencé à lancer l’offre avec du 10 et du 30 secondes, aujourd’hui, un annonceur peut faire aussi du 15, du 20 et du 60 secondes. Mais nous restons dans une logique de préservation de l’expérience auprès des abonnés et au profit des marques, c’est-à-dire qu’il n’y a pas plus de 4 minutes de publicité par heure sur la plateforme. De même, il n’y a pas plus de deux annonceurs en pre-roll et pas plus de 60 secondes en mid-roll. Nous sommes la plateforme la moins encombrée d’un point de vue publicitaire. On ne veut pas créer des tunnels qui interrompraient l’engagement. On l’a d’ailleurs mesuré avec Kantar Lab, nous sommes au-dessus des normes de l’intégralité du monde vidéo sur le digital (streaming, catch-up, réseaux sociaux, YouTube…) sur des critères d’impact sur la marque : en moyenne huit points au-dessus en notoriété spontanée et sept points au-dessus en intention d’achat.

Au lancement de l’offre, les annonceurs regrettaient un manque de ciblage des campagnes. Comment avez-vous évolué sur ce point ?

Nous avons continué à construire notre offre. Le ciblage est possible en fonction du genre du film, de l’âge de l’abonné, de son genre quand il l’a déclaré. Nous avons aussi intégré des ciblages qui correspondent au mode de consommation de nos abonnés sur la plateforme, c’est-à-dire la capacité à cibler le Top 10, remis à jour quotidiennement. Donc un annonceur peut toucher en quelques jours la majorité des abonnés Netflix avec publicité. Un annonceur peut aussi choisir l’option « first impression », c’est-à-dire le premier moment où un abonné se connecte, ce qui va avec un niveau d’attention très fort. On va aussi cibler le device et l’horaire. Tous ces chantiers sont lancés.

Voilà un an tout juste que vous avez rejoint ce poste… Qu’est-ce qui a évolué ?

Au-delà des trois priorités déjà évoquées, cette année a aussi été consacrée à bâtir une équipe commerciale car depuis le 1er juillet, nous opérons nous-mêmes la commercialisation de Netflix pour les annonceurs [Xandr conserve l’exécution]. Mes équipes et moi-même sommes désormais en contact avec les agences et les annonceurs. Les agences, dans notre écosystème, c’est fondamental puisqu’elles sont le plus à même d’avoir une recommandation de médiaplanning dans laquelle Netflix est intégrée. Les gros annonceurs sont accompagnés en tripartite - avec les agences - pour qu’ils prennent la pleine puissance de notre offre. Le nombre de commerciaux évolue en fonction de la montée en puissance de l’offre et tout le monde dans l’entreprise travaille pour elle (marketing, mesure, communication, RH…).

Comment travaillez-vous avec Mayssa Chehab, nommée en mai responsable de la mesure ?

Nous nous connaissions chez Meta, nous avons déjà travaillé ensemble. C’est elle qui pilote les discussions avec Lucid, Kantar Lab, Médiamétrie. C’est son rôle en tant qu’experte ; et le sujet est dans ma stratégie. Nous travaillons main dans la main. Nous avons entamé les discussions avec des gens qui mesurent l’attention. Nous n’avons pas encore sélectionné le partenaire prioritaire de Netflix - c’est un autre gros chantier, pour lequel nous n’avons pas de calendrier précis.

Chiffres clés

5,99 euros Prix de l’offre avec publicité sur Netflix (dans les standards du marché).

10 millions Nombre d’abonnés à Netflix en France en juillet 2022 (les chiffres ne sont plus communiqués depuis).