L’écoute de la radio se digitalise à grande vitesse. Portée par le succès des podcasts et des webradios, la consommation audio se déplace progressivement vers les smartphones et les enceintes connectées, obligeant les groupes radiophoniques à s’adapter pour séduire de nouveaux publics et rester compétitifs. Un article également disponible en version audio.

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Le numérique domine désormais l’écoute audio. 56 % du volume d’écoute quotidien se fait par les canaux de diffusion digitaux (vs 54 % en 2023), selon les résultats de l’étude Global Audio de Médiamétrie, publiée en mai 2024. 81 % des adultes (41 millions de Français) écoutent au moins un contenu audio digital chaque mois (+4 % en un an), et ils sont près de 28 millions à en écouter tous les jours. Une croissance qui est largement portée par l’écoute sur smartphone : 29 % du temps passé à écouter des contenus audio se fait via un mobile.

Mais si la consommation audio au global passe principalement par le digital, ce n’est pas encore le cas pour la radio. Moins du quart du volume d’écoute de la radio passe par les canaux numériques (22,7 %, selon l’étude EAR Global Radio de Médiamétrie de janvier-mars 2024). Toutefois, cette part progresse à un rythme soutenu (+63 % en cinq ans).

Menacés par une écoute qui passe de moins en moins par le poste de radio, notamment pour les plus jeunes – un enjeu vital pour les radios musicales –, et concurrencés par les plateformes de streaming, les groupes radiophoniques ont dû adapter leur offre numérique (webradios et podcasts) et diversifier leurs canaux de diffusion (applications, enceintes digitales…).

  • Les radios numériques, des déclinaisons à l’envi

Trente ans après la première diffusion de Franceinfo par internet, les webradios – que les diffuseurs préfèrent appeler radios digitales – occupent une place significative dans l’offre numérique des radios. Avec des coûts de diffusion réduits et des technologies de programmation automatisées, ces radios digitales peuvent être multipliées à l’envi avec un budget réduit. La plateforme de diffusion MyTuner recense ainsi près de 2 350 radios digitales françaises.

Sur ce terrain, le groupe NRJ entend clairement asseoir son leadership : il se revendique comme « le premier groupe privé de radios digitales » avec 230 radios par internet, cumulant 50,2 millions d’écoutes actives par mois et permettant « d’accompagner les Français dans toutes leurs activités (sport, détente, travail…), [et] couvrant tous les goûts musicaux ». Dans ce domaine, NRJ innove tous azimuts, par exemple en s’associant début 2024 avec TikTok ou en lançant avant l’été la première radio digitale en son immersif, NRJ Hits en son XXL.

Si les autres groupes radio ne sont pas allés aussi loin, ils entendent toutefois profiter des atouts des radios digitales. Le groupe M6 a ainsi accéléré depuis 2023 la déclinaison de ses contenus radio sur le web : en un an, il a doublé son offre pour proposer 34 radios accessibles par internet.

À Radio France, on assume avoir une démarche de création de radios digitales plus modérée. « Nous ne sommes pas dans une logique industrielle. À chaque fois, nous faisons du cousu-main », défend Laurent Frisch, son directeur du numérique. Aujourd’hui, Radio France compte une trentaine de webradios, dont les plus récentes sont « 100 % chanson française » ou « La musique d’Inter ».

RMC, de son côté, a opté pour une stratégie radicalement différente : elle privilégie le développement de radios digitales événementielles à l’occasion de grands événements sportifs. Pour les Jeux olympiques, la radio a déployé trois radios digitales événementielles (dont une 100 % Bleus) et une pour les Jeux paralympiques, dont elle est partenaire.

  • Le boom des podcasts

Outre les radios digitales, les podcasts ont révolutionné l’écoute des programmes audio : l’auditeur s’affranchit désormais d’une grille de programmes et d’horaires de diffusion. Il peut écouter son émission radio préférée quand et où il le veut. Le succès est tel que sont rapidement apparus des podcasts dits « natifs », conçus spécifiquement pour cet usage. Les podcasts représentent 7 % du volume total de la consommation audio chaque jour (6 % en 2022) et 10 % du temps dédié à l’écoute audio gratuite, selon l’étude Global Audio 2023.

Le podcast est le levier de développement principal de l’offre radio numérique chez M6. « Cela nous permet de conquérir de nouveaux auditeurs » et de rajeunir l’audience, comme c’est le cas pour Les Grosses Têtes, se félicite Ghislain Thomas, directeur de la stratégie digitale des radios du groupe. Même enjeu à RMC, qui mise toutefois sur une stratégie de complémentarité entre audio et vidéo. « Tous nos contenus sont pensés pour être diffusés en audio mais aussi en vidéo », souligne Mickaël Gaspar, directeur commercial adjoint de la régie.

Si la plupart des radios différencient encore leurs podcasts en replay des natifs, Radio France estime avoir dépassé ce distinguo. « La distinction entre podcast replay ou natif est totalement obsolète », avance Laurent Frisch. « Nous sommes arrivés à un niveau de maturité où nous ne nous demandons plus si ce contenu est de la radio ou un podcast, mais qu’est-ce que nous voulons raconter », pour ensuite choisir les canaux de diffusion adéquats.

  • Les applis, un passage obligé

La progression de l’écoute de la radio sur les supports numériques est portée par le téléphone mobile, qui rassemble 5,9 millions d’adeptes quotidiens, selon Médiamétrie, loin devant les enceintes connectées et l’ordinateur (près de 1,5 million d’auditeurs chaque jour chacun). Compte tenu de cette prééminence de l’écoute sur smartphone, les applications numériques occupent une place centrale dans la stratégie numérique des groupes de radio.

Très tôt, Radio France a misé sur le développement d’une application réunissant l’ensemble de ses contenus audio numériques : radios « historiques », radios digitales et podcasts. Pour se différencier des plateformes de streaming, le groupe public a choisi de développer fin 2022 ce qu’il a qualifié d’« algorithme de service public ». « La recommandation hybride permet de stimuler la curiosité de nos usagers, en laissant le dernier mot à l’éditorial et non à la quête de performance », explique Laurent Frisch. Un choix qui se révèle manifestement payant puisque 10 millions d’internautes consultent l’offre numérique de Radio France sur sa plateforme digitale.

Comme tous les acteurs historiques de la radio, M6 a développé une stratégie de « multidistribution » de ses contenus numériques. « Notre enjeu prioritaire est d’être présents partout », explique Ghislain Thomas. En juillet 2022, le groupe, qui diffuse RTL, RTL2 et Fun Radio, a regroupé ses contenus numériques au sein d’une seule application, l’objectif étant d’accroître et fidéliser son audience numérique. Cette application, téléchargée par 3 millions de personnes et dont une nouvelle version doit être proposée lors de cette rentrée de septembre, sert notamment à « mettre en scène et à valoriser les podcasts ». En mai 2023, le groupe NRJ a choisi, lui aussi, de regrouper l’ensemble du contenu numérique de ses 250 radios au sein d’une seule et même application.

Six groupes de radio français proposent également, depuis avril 2021, l’application Radioplayer, qui donne accès – via une plateforme unique, gratuite, avec une grande qualité d’écoute – à 240 radios, 900 webradios et 1 million de podcasts. Elle permet notamment une écoute facilitée en voiture (en basculant automatiquement sur la FM, le DAB+ ou internet, selon la qualité de réception) via les applications Apple Carplay et Android Auto, mais aussi via les systèmes propriétaires des constructeurs. Radioplayer a ainsi signé des accords avec Volkswagen, BMW, Volvo, Renault et, début 2024, avec le chinois Nio. En mars 2024, Radioplayer a aussi annoncé un deal avec Google lui permettant de sécuriser sa distribution avec Google Assistant. Présent dans la plupart des pays européens, Radioplayer est aussi accessible au Canada et, depuis mars, aux États-Unis.

  • Les enceintes connectées, un enjeu clé

Enfin, avec 15 % à 20 % des foyers français équipés, les enceintes connectées constituent un enjeu d’importance pour les groupes radio, qui négocient des accords avec les fabricants afin d’être présents en natif sur les principaux assistants vocaux (Amazon Alexa, Google Assistant, Apple Siri…) ou pour produire des contenus adaptés. Preuve de l’enjeu que constituent ces nouveaux supports d’écoute en numérique, NRJ revendiquait en début d’année le titre de « premier groupe privé sur les enceintes vocales ».

Le DAB+ se développe… mais reste largement méconnu

Lancée en juin 2014, la Radio numérique terrestre (RNT), rebaptisée depuis DAB+, permet de proposer plus de dix services de radio sur une seule fréquence, avec une qualité d’écoute améliorée, notamment en déplacement. « Dans les quelque 17 000 communes actuellement couvertes par le DAB+, le gain moyen en nombre de services de radio reçus par rapport à la FM s’établit à 22, et il est appelé à croître encore », note l’Arcom dans son « Livre blanc de la radio », publié en mai dernier. Mais la technologie du DAB+ souffre d’une faible notoriété : seuls un peu plus d’un quart des Français (28 %) ont déjà entendu parler du DAB+, dont seulement 11 % savent précisément de quoi il s’agit, pointe le Baromètre du numérique. Quant à la notoriété spontanée du DAB+, elle n’atteint que 4 %, selon l’association WorldDAB.

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