BFMTV et RMC changent de propriétaire : le dirigeant de CMA CGM, Rodolphe Saadé, a finalisé leur acquisition pour 1,55 milliard d’euros, marquant un tournant dans le paysage médiatique français. Arthur Dreyfus, lié à Patrick Drahi, passe le flambeau.
BFMTV et RMC changent officiellement de pavillon... et de patron. Le rachat de leur maison-mère, Altice Media, par l’armateur CMA CGM du milliardaire Rodolphe Saadé a été finalisé mardi 2 juillet, marquant un bouleversement majeur du paysage médiatique français. Il se traduit d’ores et déjà par le départ de son dirigeant Arthur Dreyfuss, annoncé mardi soir. « Ne pas poursuivre à la tête du groupe média est plus utile pour le nouvel actionnaire, plus pertinent pour le groupe et plus cohérent pour moi », a-t-il écrit dans un message aux salariés. L’ancien patron de M6, Nicolas de Tavernost, va assurer l’intérim. Il avait été nommé en mai vice-président de CMA Médias, la nouvelle filiale spécialisée de CMA CGM.
Annoncé mi-mars à la surprise générale, le rachat d’Altice Media avait reçu vendredi 28 juin le feu vert du régulateur de l’audiovisuel, l’Arcom, et de l’Autorité de la concurrence. « Après avoir reçu l’approbation des autorités réglementaires compétentes, et faisant suite à l’annonce du 15 mars dernier, le groupe CMA CGM et Merit France (holding familiale du groupe) ont finalisé ce jour l’acquisition de 100 % du capital d’Altice Media », a indiqué CMA CGM. Dirigé par le milliardaire franco-libanais Rodolphe Saadé, l’armateur marseillais avait évoqué une transaction pour un montant de 1,55 milliard d’euros. Avec ce rachat, Rodolphe Saadé et CMA CGM ajoutent une grosse pierre à l’empire médiatique qu’ils construisent, deux ans seulement après avoir mis le pied dans le secteur.
Durant cette période, Rodolphe Saadé a mis la main sur le journal La Tribune et le groupe La Provence (quotidiens régionaux La Provence et Corse Matin), en plus de participations dans M6 et le média vidéo en ligne Brut. Non sans provoquer des craintes sur le plan de l’indépendance. En mars, les journalistes de La Provence ont fait grève pendant 72 heures. Ils protestaient contre la mise à pied du directeur de la rédaction, après une Une sur la visite d’Emmanuel Macron à Marseille jugée « ambiguë » par la direction.
Engagements auprès de l’Arcom
Récemment, les syndicats et la direction de La Provence ont signé une « charte d’indépendance éditoriale et de déontologie », qui garantit la protection des journalistes à l’égard de « toute forme de pression ». Toujours en mars, Rodolphe Saadé avait tenté de rassurer le personnel d’Altice Media au sujet des emplois et sa volonté de ne pas interférer directement dans le travail des rédactions. Altice Media, qui s’appelait NextRadioTV jusqu’en 2021, a été progressivement cédé à Patrick Drahi par Alain Weill à partir de 2015. Le groupe comprend la chaîne info BFMTV, la radio RMC et les chaînes de la TNT RMC Découverte et RMC Story.
Dirigée par Marc-Olivier Fogiel, BFMTV a longtemps été numéro un de l’information continue en France. Mais en mai puis en juin, elle a été doublée par CNews, filiale de Vivendi, groupe du milliardaire conservateur Vincent Bolloré. Tout en autorisant le rachat par CMA CGM vendredi 28 juin, l’autorité de la concurrence l’a subordonné au respect d’engagements, concernant le marché publicitaire dans le sud de la France, où CMA CGM possède désormais La Provence et les chaînes locales BFM Paca. CMA CGM a également pris des engagements auprès de l’Arcom. Ils sont notamment relatifs « au pluralisme, à l’honnêteté et l’indépendance de l’information et des programmes », avait indiqué le régulateur dans un communiqué, alors que BFMTV postule au renouvellement de sa fréquence TNT (télévision numérique terrestre).
Dans le cadre du feu vert de l’Arcom, deux chaînes locales de BFM, BFM Lyon et BFM Alsace, doivent cesser d’émettre sur la TNT pour migrer en ligne. En effet, leurs autorisations dataient respectivement de 2021 et 2023. Or, la loi interdit de céder une chaîne dans les cinq ans qui suivent l’attribution de leur fréquence TNT. La cession d’Altice Media s’inscrit dans une stratégie de désendettement d’Altice. Outre une dette importante, le groupe est secoué depuis plus d’un an par un scandale de corruption qui implique Armando Pereira, son cofondateur et dirigeant de la filiale portugaise.