Face à la complexification du paysage médiatique et à l’exigence croissante de ROI chez les annonceurs, les régies médias glissent progressivement vers le conseil média. Un virage qui pose la question de leur positionnement face aux agences médias. Un article également disponible en version audio.
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Faudra-t-il bientôt abandonner le terme de régie publicitaire de la même façon que l’appellation agence médias a remplacé celle de centrale d’achat d’espaces il y a plus de 20 ans ? Cécile Chambaudrie, présidente de NRJ Global, n’a aucun doute sur le sujet. « Le terme régie ne dit plus ce que nous sommes, nous sommes devenus un hub de conseil média et communication », indique-t-elle pour expliquer le développement récent d’une activité de conseil. « Il nous a paru assez naturel de marketer et de commercialiser une offre de services désormais mature que nous proposions depuis des années gratuitement », complète-t-elle.
Avec l’explosion des supports et des technologies, il est devenu difficile pour les annonceurs et même pour les agences de maîtriser l’ensemble de l’écosystème média. Les régies, qui ont une connaissance approfondie de leurs propres médias, apportent une expertise précieuse aux annonceurs dans la sélection des supports les plus pertinents et les leviers marketing les plus adaptés au déploiement de campagnes efficaces. Si la plupart des régies n’ont pas communiqué comme NRJ Global sur le sujet, nombreuses sont celles qui ont développé depuis des années une expertise dans les études et le conseil média.
Des solutions plus élaborées
Pourquoi cette évolution ? « Avec la digitalisation des usages, les médias se sont beaucoup complexifiés au cours des dernières décennies. Or plus il y a de leviers activés dans une campagne, plus il est complexe de déterminer ce qui a un impact au final », rappelle Laurent Bliaut, directeur général adjoint marketing et R&D de TF1 Pub, pour expliquer le développement des activités d’études et de conseil de la régie. « Les modèles traditionnels des médias volent en éclat. Pour les marques, l’environnement publicitaire se complexifie énormément. Les annonceurs ont donc de plus en plus besoin de conseils pour les aider à naviguer dans cet environnement plus complexe et en évolution constante », note Emmanuelle Godard, directrice du digital, data et innovation de Canal+ Brand Solutions.
Pour faire face à la concurrence des grandes plateformes numériques telles que Facebook ou YouTube, « les régies médias se sont progressivement dotées de solutions plus élaborées, notamment avec la data, ce qui rend leur pilotage plus complexe », complète Virginie Sappey, directrice marketing et études de France Télévisions Publicité. Une analyse que partage Sonia Ferreira, directrice des projets pub et data à TF1 Pub : « Nous ne sommes plus uniquement des publicitaires, nous vendons aussi des technologies et le savoir-faire pour les maîtriser. »
« Il y a eu une atomisation du marché des régies. Il devenait de plus en plus difficile de parler en direct avec nos clients », explique Charles Jouvin, directeur délégué marketing, études et communication de Prisma Media Solutions (PMS). « Il a donc fallu se différencier, en développant notre expertise, en accompagnant le parcours stratégique des annonceurs et en tenant un discours plus inspirant », complète-t-il.
Du côté des annonceurs, l’exigence de retour sur investissement participe aussi à cette nécessité de valider les choix publicitaires par des études d’efficacité, mais aussi en amont, par plus de conseil. Les régies, en s’appuyant sur des outils de mesure et d’analyse de données, aident ainsi les annonceurs à mesurer l’impact de leurs campagnes et à optimiser leur budget. « Les annonceurs et les agences sont de plus en plus challengés sur la partie ROI, ils nous challengent donc à notre tour sur notre contribution à leur performance », constate Virginie Sappey, à France Télévisions Publicité. « Les directions financières prennent toujours plus de poids dans les décisions d’investissements publicitaires, observe Laurent Bliaut de TF1 Pub. Or les indicateurs médias ne leur parlent pas du tout. C’est donc à nous de démontrer à notre client qu’il s’y retrouve en termes de ROI. »
Concrètement, la plupart des grandes régies médias proposent désormais une offre de services à destination des annonceurs, qui va du conseil média aux post-tests des campagnes. À NRJ, par exemple, l’accompagnement des marques couvre toutes les étapes du « funnel » marketing, depuis l’identification d’un signal faible, les attentes du marché, le positionnement créatif, le pré-test d’un dispositif, puis, à l’issue de la campagne lancée, le post-test, à la quantification du drive-to-web, ou à l’impact sur les ventes.
« Logique de complémentarité »
L’évolution des activités des agences médias participe aussi à cette recomposition du paysage du conseil médias. Les agences sont de plus en plus sollicitées pour des missions de conseil stratégique, ce qui les éloigne parfois de leur cœur de métier, la vente d’espaces publicitaires. Les régies, en se positionnant comme des experts en conseil média, peuvent ainsi capter une partie de la clientèle des agences médias. Mais n’y a-t-il pas un risque de concurrence entre agences médias et régies ? Pour Cécile Chambaudrie, la question ne se pose clairement pas puisque l’offre de conseil de NRJ Global s’adresse en priorité à des annonceurs de taille petite ou moyenne, qui n’ont généralement pas les moyens de passer par les services d’une agence.
Laurent Bliaut rejette aussi l’idée d’une quelconque confusion des rôles : « Nous n’intervenons pas du tout sur la stratégie médias et sur l’allocation des budgets. Nous intervenons bien plus bas dans le funnel. Il n’y a donc clairement pas de concurrence. » Prisma Media Solutions se veut « très vigilant à ne pas venir en concurrence avec les agences médias ; l’idée, c’est d’être complémentaires », souligne Charles Jouvin. Un positionnement que confirme Virginie Sappey : « Nous sommes dans une logique de complémentarité avec les agences. À la différence d’elles, nous ne nous contentons pas d’apporter du conseil, nous offrons aussi des solutions opérationnelles à nos clients. » Et de conclure : « Nous offrons plus que du conseil, nous sommes de véritables business partners. »