Le village des médias des JO 2024, qui sera inauguré fin mars, est un équipement olympique contesté qui réjouit les collectivités, satisfaites de voir sortir de terre un quartier de logements espéré de longue date.
Construit dans un parc de Seine-Saint-Denis pour les JO 2024, le village des médias, inauguré fin mars, est un équipement olympique contesté qui réjouit les collectivités, satisfaites de voir sortir de terre un quartier de logements espéré de longue date. Contrairement à ce que laisse penser son nom, le « cluster des médias » - son appellation officielle, délaissée depuis la pandémie de Covid - est loin d'héberger tous les journalistes couvrant les JO 2024.
L'équipement n'accueillera en réalité que 1 500 personnes sur les 26 000 journalistes accrédités, principalement des techniciens travaillant en face sur un centre de presse du Bourget, où seront basés de nombreux plateaux télé. Sur le territoire de la ville de Dugny, dans le parc défraîchi où se tenait historiquement la fête de L'Humanité, 900 logements sont sortis de terre dans de bas immeubles aérés et faisant la part belle à la brique. Quelque 500 appartements supplémentaires doivent encore être construits après les JO pour parachever cette « cité-jardin du XXIe siècle », dixit les brochures publicitaires.
« Il y aurait pu avoir des équipements provisoires installés (...) ils ont décidé de faire de la spéculation immobilière », regrette auprès de l'AFP Jean-Marie Baty, président du MNLE 93, mouvement écologiste local qui a ferraillé en justice contre le projet. Pour ses opposants, les JO ont servi de « prétexte » pour satisfaire une volonté de longue date de la Seine-Saint-Denis d'urbaniser cette parcelle verte afin de développer cette zone enclavée du territoire, en contrepartie politique de l'accueil des Jeux par le département le plus pauvre de France métropolitaine.
Avec le village des médias, « on est dans l'aménagement du territoire plus que dans les Jeux », reconnaissait en 2021 auprès de l'AFP l'un des acteurs du dossier au moment où le chantier était en difficulté, quand une autre source liée aux JO estimait à l'époque que « politiquement ce serait compliqué d'y renoncer ».
Projet menacé
Car le village des médias a bien failli ne jamais voir le jour. Son sort n'a tenu qu'à un fil en 2020 lorsque les organisateurs des JO ont dû raboter le budget pour faire des économies. Au nom de l'« héritage » pour le territoire, le projet a été défendu pied à pied par le président du département, Stéphane Troussel, à l'occasion d'un déplacement en Seine-Saint-Denis de Jean Castex, alors Premier ministre.
« J'obtiens de pouvoir faire un bout de chemin avec lui dans sa voiture et je lui dis : "mais Jean, il y en a beaucoup des projets en Île-de-France, dans la zone dense, de potentiellement 1.200 logements dans quelques années qui peuvent sortir de terre ? Il y a une crise du logement en Île-de-France (...) et là on va se priver de cette opportunité ?"», raconte-t-il à l'AFP. « Quelques jours après il annonce que non seulement le village des médias va se faire mais que l'État s'engage à réaliser la deuxième phase », se félicite l'élu socialiste.
Attaqué en justice au nom de la défense de l'environnement, le chantier s'est aussi retrouvé suspendu par la justice en avril 2021, avant d'être définitivement validé trois mois plus tard. Pour la petite ville de Dugny, 11 300 âmes, le village des médias devrait à terme faire bondir d'un tiers la population et diversifier le parc d'habitations. Dans cette commune populaire aux 77% de logements sociaux, plus fort taux de France, le nouveau quartier est supposé favoriser la mixité sociale, avec un tiers des logements réservés à l'accession à la propriété.
« Des amis qui ont grandi comme moi à Dugny n'ont pas pu devenir propriétaires ou locataires car le logement social ne correspondait pas à leurs critères de revenus et ont été obligés de quitter Dugny alors qu'ils auraient préféré rester à côté de leur famille sur la ville », témoigne le maire (DVD) Quentin Gesell. Sur un coût total de 60 millions d'euros, la municipalité n'en a déboursé que trois, se réjouit l'édile: « cela laisse un héritage sur le territoire pour répondre à des enjeux de crise du logement en Île-de-France et de mobilité résidentielle, et finance grâce aux JO des équipements qui n'auraient pas pu voir le jour ».