Suite aux violences urbaines, le gouvernement, sans bloquer totalement les plateformes, concède réfléchir à limiter certaines fonctionnalités, et travailler sur des mesures à plus long terme pour un plus grand contrôle des réseaux sociaux.

Le gouvernement pourrait envisager de « suspendre des fonctionnalités » sur les réseaux sociaux en cas de nouvelles « émeutes » mais n’a pas l’intention de procéder à un « black-out généralisé » des plateformes, a assuré mercredi l’exécutif après des propos présidentiels qui font polémique. « Ça peut être des suspensions de fonctionnalités », a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, en évoquant les outils à disposition lors de situations telles que les émeutes déclenchées par la mort du jeune Nahel le 27 juin.

« Vous avez par exemple des fonctions de géolocalisation, sur certaines plateformes, qui permettent à des jeunes de se retrouver à tel endroit, en montrant des scènes, comment mettre le feu etc. Ce sont des appels à l’organisation de la haine dans l’espace public et là vous avez autorité pour pouvoir suspendre », a-t-il dit en rendant compte du Conseil des ministres. Olivier Véran était invité à clarifier des propos tenus la veille par Emmanuel Macron devant quelque 300 maires de communes victimes de violences durant les émeutes.

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Interrogée par le sénateur Claude Malhuret, (Groupe Les Indépendants - République et Territoires), par ailleurs président de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence TikTok, qu’il présentera ce jeudi 6 juillet, la première Ministre Élisabeth Borne a estimé que les réseaux sociaux « facilitent parfois l’organisation des violences et ont souvent une responsabilité dans la désinhibition des jeunes. »

En rappelant que le gouvernement avait demandé aux plateformes de « respecter leurs obligations de retrait des contenus illicites et d’être vigilants sur certaines de leurs fonctionnalités, comme la géolocalisation », elle a ajouté : « Nous veillons à ce que les titulaires des comptes ayant participé à des violences soient identifiés et poursuivis. »

Mais le rôle des réseaux sociaux doit aussi, ne pas être l’arbre qui cache la forêt. Pascal Froissart, professeur au Celsa, appelle à se méfier de tout « techno-déterminisme » qui verrait « des liens de causes à effets directs avec la crise sociale » ou des populations fragiles plus perméables aux dérives de la technologie. « Le cadrage ne se situe pas que sur la circulation des images, il ne faut pas oublier que les motifs de révolte peuvent être associés au sentiment d’injustice », ajoute Arnaud Mercier, professeur à l’Institut français de presse (Assas).

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Selon l’entourage du chef de l’État, le président Emmanuel Macron « n’a à aucun moment dit qu’il envisageait de couper les réseaux dans le sens d’un black-out généralisé ». « Il s’agit de pouvoir ponctuellement et temporairement suspendre des réseaux sociaux », a ajouté cette source.

« Nous avons besoin d’avoir une réflexion sur l’usage de ces réseaux chez les plus jeunes, dans les familles, à l’école, les interdictions qu’on doit mettre », a souligné le chef de l’État, selon des propos rapportés par la presse et confirmés par l’Élysée. Des questions et des réponses de long terme qui « devront être apportées », selon Élisabeth Borne, dans le cadre de l’application du Digital Services Act, et dans le projet de loi SREN en débat actuellement au Sénat. Ainsi, le ministre chargé de la Transition numérique Jean-Noël Barrot a proposé mardi soir au Sénat la mise en place d’un groupe de travail sur les mesures à prendre en cas d’émeutes, qui pourraient être intégrées au projet de loi pour « sécuriser » internet.

Dictature

Les réactions n’ont pas tardé. « Couper les réseaux sociaux ? Comme la Chine, l’Iran, la Corée du Nord ? », a ironisé le président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, sur Twitter en déplorant une « provocation de très mauvais goût ». « OK Kim Jong Un », s’est exclamée dans le même registre l’insoumise Mathilde Panot, en référence au leader nord-coréen.

« Ce serait renoncer à l’idée que la démocratie soit plus forte que les outils qu’on détourne contre elle. Ce serait une erreur », a aussi estimé le député du parti présidentiel Renaissance Éric Bothorel.