Le groupe CMI France, éditeur de Elle, Télé 7 jours ou Marianne, créé en 2018 par Daniel Kretinsky rachète 45 % du média spécialisé dans les vidéos sur les réseaux sociaux Loopsider. Rencontre avec Valérie Salomon, présidente du groupe de presse, et Giuseppe de Martino, cofondateur de la start-up.
CMI France entre à hauteur de 45 % au capital de Loopsider. Qu’est-ce qui est à l’origine de cette acquisition ?
VALÉRIE SALOMON. J’ai eu un premier rendez-vous organisé par Denis Olivennes [président du conseil de surveillance de CMI France] avec Bernard Mourad [cofondateur et chairman de Loopsider] et Johan Hufnagel [cofondateur de Loopsider] que je connais depuis Libération où nous avons tous les deux travaillé. Et nous avons rapidement évoqué l’outil créé par Loopsider.
Quel est cet outil ?
GIUSEPPE DE MARTINO. Loopsider est une entreprise qui a fondé son développement sur la technologie. Nous avons créé un outil qui permet à une seule personne de faire du montage, du sous-titrage, du motion design, du graphisme. Mais nous en gardons l’exclusivité. En revanche, nous allons commercialiser Sherpaï, qui peut intéresser médias et régies. C’est un outil d’analyse de succès des contenus sur les réseaux sociaux (complétion, analyse sémantique, rétention etc.). Ce SaaS mesure l’impact de la vidéo sur toutes les plateformes sur une seule page.
Pourquoi une participation minoritaire de 45 % ?
G.D.M. Nous avons toujours travaillé par étapes. Cela nous permet aussi de rester à la tête de l’entreprise, au moins pendant trois ans.
V.S. Nous avons fait de même avec Louie Media et Usbek & Rica (rachetés en 2022). C’est important pour nous de garder les fondateurs de l’entreprise le plus longtemps possible.
Recherchiez-vous une entreprise légitime sur les réseaux sociaux ?
V.S. D’abord, nous ne ciblons que des sociétés rentables, qui peuvent se développer sur leurs marques, et nous apporter de la valeur ajoutée sur nos propres marques. Ensuite, nous avons des valeurs communes en termes éditoriaux et en matière d’exigences journalistiques. Enfin, il était important que les relations soient fluides entre nous, ce qui est le cas.
Du côté de Loopsider, recherchiez-vous à vous développer au côté d’une plus grande structure, ou un apport financier ?
G.D.M. Ce mariage nous permet d’avoir des perspectives de développement de nos propres marques. CMI France prend la place de nos actionnaires minoritaires, dont faisait partie Franck Papazian [propriétaire de Stratégies], qui totalisaient déjà 45 % de notre capital. Nous n’avons fait que deux petites levées de fonds depuis notre lancement en 2018, contrairement à d’autres acteurs déficitaires du marché. Avec les deux autres cofondateurs, Johan Hufnagel et Arnaud Maillard, nous gardons le reste du capital.
Quelle est la valorisation de votre entreprise. On parle de 30 millions d’euros…
G.D.M. Environ. Nous avons été rentables en 2021 et 2022 avec une croissance de 35 %. Notre objectif est entre 35 et 50 % cette année, avec une équipe de 38 à 42 salariés. Nous vivons du brand content avec des clients comme Netflix, Amazon Prime ou Canal+. Nous avons lancé des médias pour Veolia et Carrefour.
En tant que média indépendant, avez-vous eu des hésitations à rejoindre le groupe d’un milliardaire, Daniel Kretinsky qui, comme Vincent Bolloré, Bernard Arnault ou Xavier Niel, rachète nombre de médias français ?
G.D.M. Nous n’avons jamais fait autant d’audience sur Loopsider et sur Period. Notre modèle est validé. Nous voulions grandir sans faire de levers de fonds au côté d’un acteur dit industriel, expert du secteur qui puisse nous offrir une caisse de résonance et des partenariats. Et les réalisations et les investissements de Daniel Kretinsky dans les médias français montrent qu’il laisse les fondateurs et les équipes en totale indépendance. Encore une fois, c’est un mariage d’amour entre nous.
Après Loopsider en 2018 puis Period, en 2020, pourquoi lancer Hupster ?
G.D.M. Nous avons produit près de 20 000 vidéos en cinq ans qui, chacune, viennent nourrir une thématique. Period est le média féminin vidéo le plus regardé sur les réseaux sociaux. Pour Hupster, nous avons senti croître les conversations sociales sur les questions du numérique, d’IA, de NFT et leurs incidences sur la vie quotidienne et le rapport au travail. Hupster aborde ces sujets avec pédagogie via vidéos et newsletters. Le projet était prévu avant ce mariage.
Comment va se matérialiser votre union ?
V.S. Il y aura un échange de faire savoir et de savoir faire entre nous. Côté CMI et régie, nous allons créer des offres communes, mettre en place des compétences et le faire savoir avec tous nos commerciaux. Côté éditorial, nous commençons par travailler pour Télé 7 jours. Les premières vidéos seront disponibles avant septembre. Nous regarderons les premiers projets de formats cette semaine. L’objectif est de mettre en ligne une courte vidéo par jour et une plus longue, de 3-4 minutes, par semaine sur YouTube par exemple.
Seront-elles produites par les équipes de Loopsider ou de CMI ?
V.S. Jérémie Parayre, le directeur des rédactions de Télé 7 Jours, s’associe à nos réflexions. Elles seront dans un premier temps réalisées par les équipes de Loopsider mais l’idée est de faire monter en compétence les équipes de Télé 7 jours pour que nous puissions être de plus en plus autonomes.
Après Télé 7 Jours, quel titre bénéficiera de l’expertise de Loopsider ?
V.S. Nous avons commencé des réunions avec Véronique Philipponnat qui dirige le magazine Elle.
Depuis la création de CMI France, vous avez lancé six titres et racheté trois marques. Avec quels résultats ?
V.S. Nous fonctionnons sur le papier en test and learn. Si l’on pense qu’il y a des univers, des verticales ou des thématiques à explorer, on y va. Si ça ne marche pas, nous sommes capables d’arrêter. Parmi nos bonnes surprises, il y a S par Sophie Davant lancé il y a deux ans. Ce bimestriel fonctionne bien comme le trimestriel Le Routard Magazine.
Des déceptions ?
V.S. Nous avons arrêté Jeux vous aime, le magazine de Patrick Sébastien car il n’a pas rencontré son public.
Avez-vous d’autres projets d’acquisitions ?
V.S. Nous nous concentrons sur l’intégration de ces entreprises, à moins d’une opportunité autour du développement de services et de l’e-commerce autour de nos marques. Nous avons des projets de développement avec Usbek & Rica, dont un podcast et un cahier de tendances à la rentrée. Après le premier podcast de Elle avec Louie Media Il était une (première) fois, et le second à la rentrée, nous travaillons sur un podcast pour Elle décoration.