Lahcen Kabiri, universitaire marocain et fondateur de l'association Oasis Ferkla, dédie sa vie à préserver les ressources en eau de cet écosystème fragile. Un portrait réalisé par la journaliste Chloé Nabédian.
Palmiers, bougainvilliers, grenadiers, oliviers… dans le sud du Maroc, les oasis offrent un spectacle époustouflant, avec une biodiversité éclatante et des villages pittoresques. Cependant, ces écosystèmes sont en danger en raison du changement climatique et d’une gestion inadaptée des ressources en eau. Mais un ange gardien veille sur elles, Lahcen Kabiri, fervent défenseur des oasis et de leur culture.
Ses yeux sont rieurs, son énergie débordante, et sa générosité semble sans limite. Voici la première impression que j’ai eue lorsque j’ai rencontré Lahcen Kabiri lors du tournage de l’émission À la vie, à la terre pour TV5 Monde afin d’évoquer la disparition des oasis. Il incarne à lui seul l’esprit des oasis du Maroc, un lieu où la beauté et la bonté des hommes s’unissent pour créer un écosystème indispensable.
Natif de l’oasis de Tinjdad, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, Lahcen a grandi en admirant la nature environnante et en prenant conscience de l’importance vitale de l’oasis pour sa communauté. « L’oasis est notre mère nourricière. Elle assure notre existence, notre vie, elle nous donne tout : de l’eau, des dattes, des céréales, des fruits pour chaque saison, une incroyable biodiversité, et joue un rôle central dans les activités religieuses et sociales. Tout vient de l’oasis. » Cependant, dans les années 1980, l’eau de l’oued (rivière) commence à disparaître, causant une migration massive des habitants vers les villes et la France, laissant derrière eux un écosystème en détresse. La sécheresse a tout bouleversé. « C’est un rêve qui finit en cauchemar. Ces jeunes n’ont qu’une envie, partir pour se sauver ! »
Marqué par cette terrible période alors qu’il était lycéen, Lahcen poursuit ses études dans le domaine de la géologie au Maroc et en France, avec une seule idée en tête, chercher des solutions pour aider sa communauté et préserver les oasis. Il fonde alors en 2001 l’association Oasis Ferkla pour l’environnement et le patrimoine afin de promouvoir la gestion durable de l’eau et la préservation de la biodiversité. Il collabore avec des scientifiques et des agriculteurs locaux pour mettre en place des pratiques plus durables.
Des incendies de plus en plus fréquents
Un de ses plus importants projets est la réhabilitation des Khattaras, une méthode ancestrale d’irrigation qui permet de drainer l’eau des nappes phréatiques grâce à la gravité. Cette eau provenant des montagnes traverse alors les déserts arides pour arriver jusqu’aux villages, sans aucun effort mécanique et aucune source d’énergie. Il mène également des essais grandeur nature dans les bassins de rétention d’eau et dans les palmeraies en installant le système du goutte à goutte. « L’idée à chaque fois est de pouvoir au maximum économiser de l’eau. » Et ça marche ! Le rendement est réduit de moitié. Il lutte également contre un autre fléau, les incendies, qui deviennent de plus en plus fréquents et ravagent des centaines d’hectares, provoquant des catastrophes sociales, économiques et environnementales.
Peu à peu, grâce à ses efforts et de nouvelles méthodes mises en place, le miracle se produit, les oasis reprennent vie ! « C’est comme si un membre de ta famille ressuscitait ! Il faut toujours y croire, être patient et avoir beaucoup de volonté. Quand tu prouves que l’impossible est possible, tout le monde se rallie ensuite à toi et avance dans la bonne direction. Quelle fierté ! »
Au fil des années, Lahcen Kabiri réussit à sensibiliser les acteurs locaux, mais aussi les jeunes et les femmes de son pays de l’importance de préserver ce patrimoine unique et de s’engager ensemble dans ce combat. « Pour moi, tout est réversible. Les États font des choses à leur manière. Mais je pense que les étincelles surviennent par des femmes et des hommes qui croient en la nature, et en ce qu’ils font. » Lahcen est un véritable modèle de détermination et d’engagement, consacrant sa vie à préserver l’héritage naturel et culturel des oasis. Sa bienveillance et sa générosité sont une source d’inspiration pour tous ceux qui cherchent à protéger notre planète et à promouvoir la durabilité. Son message est clair, nous pouvons tous contribuer à protéger l’environnement, en agissant ensemble pour préserver les écosystèmes et les cultures qui sont au cœur de notre vie.
Parcours
1963. Naissance dans le quartier d'Aït Assem à Tinjdad (province marocaine d'Errachidia).
1989. Vacataire de recherche au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris.
1997. Professeur à la Faculté des sciences et techniques d’Errachidia au Maroc.
2001. Création de l’association « Oasis Ferkla pour l’environnement et le patrimoine ».
2003. Prix Unesco pour son programme Man and Biosphère.