Cinq grands éditeurs juridiques qui avaient attaqué le moteur de recherche Doctrine.fr pour «concurrence déloyale» ont été déboutés le 23 février par le tribunal de commerce de Paris et condamnés pour procédure abusive.
Pourquoi cinq éditeurs juridiques ont été déboutés ? Le tribunal reproche aux sociétés Dalloz, Lexbase, Lexisnexis, Lextenso et Wolters Kluwers France d'avoir fait peser sur Forseti (la société éditrice du site Doctrine.fr) « une pression judiciaire hors de proportion avec les reproches formulés ». « Leur comportement ne peut s'expliquer que par la volonté d'intimider ce nouvel entrant pour tenter de l'éliminer du marché en obérant sa capacité de développement », poursuivre-il, les condamnant solidairement à 50 000 euros pour procédure abusive et 125 000 euros au titre des frais de justice.
Les cinq éditeurs, qui avaient connu une baisse de leur chiffre d'affaires après l'arrivée de Doctrine sur le marché, avaient attaqué Forseti en 2020 pour « concurrence déloyale », « publicité trompeuse » et « parasitisme », et réclamaient collectivement près de 2,5 millions d'euros à la société. « L'avantage concurrentiel dont a disposé Forseti a abouti […] de son avancée technologique et ne saurait être qualifié de déloyal », a pourtant établi le tribunal.
« Après plus de 6 ans d'accusations, le tribunal de commerce de Paris reconnaît que la collecte de décisions de justice de Doctrine a toujours été licite. C'est une immense victoire pour Doctrine mais aussi pour l'ouverture et la transparence du droit pour lesquelles nous nous engageons depuis 2016 », s'est félicité dans un communiqué Guillaume Carrère, le dirigeant de la plateforme qui revendique quelque 11 000 clients et référence plus de 10 millions de documents.
Créé en 2016, Doctrine.fr a connu une croissance très forte ces dernières années et a levé 10 millions d'euros en juin 2018 auprès du fonds Otium Venture et de Xavier Niel, le fondateur de Free. Sur son site internet, la société précise qu'elle a « trois sources de collecte des décisions de justice ». Elle explique « suivre le web en permanence à la recherche de nouvelles décisions disponibles en libre accès », avoir « des partenariats avec les différentes juridictions » et « recevoir beaucoup de décisions transmises directement par les avocats ».
Contactés par l'AFP, les éditeurs de justice n'avaient pas répondu dans l'immédiat. La décision ne clôt pas toute la controverse juridique. L'un des éditeurs, Lexbase, a déposé une plainte au pénal en janvier 2023 contre Doctrine pour « recel » de décisions juridiques qu'il considère frauduleusement perçues, et Doctrine prépare actuellement une plainte en retour.