Le marché du podcast explose, attisant les convoitises des géants du numérique mais aussi d’éditeurs de presse. Si Spotify fait son marché au niveau mondial, les rapprochements en France doivent permettre aux pure players d’assurer leur développement après les années noires du covid. Un article également disponible en version audio.
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Le podcast est en plein essor. Alors que le nombre d’auditeurs ne cesse de progresser, les acteurs se spécialisent et se multiplient. Mais la dynamique du marché aiguise surtout l’appétit des géants du numérique. Dès 2019, Spotify donne le « la » de cette vague de consolidation avec l’ambition de devenir le leader mondial du secteur. La plateforme suédoise de streaming musical rachète alors successivement les studios Gimlet Media, Parcast et The Ringer, puis Anchor (monétisation), Megaphone en 2020 (hébergement et distribution) et, en février 2022, Chartable et Podsights (analyse et mesure de l’impact publicitaire). Des investissements estimés entre 1 et 1,5 milliard de dollars.
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En France, le marché était plutôt calme, jusqu’à il y a quelques mois. Au cours de l’été 2022, l’agence de presse ETX Studio rachète la plateforme de podcasts Majelan. En septembre, Nouvelles Écoutes cède la majorité de son capital au suédois PodX et rachète, simultanément, Studio Minuit. En décembre, c’est CMI France qui est entré à hauteur de 47 % dans le capital du studio Louie Media.
Pourquoi une telle accélération ? Après deux années de covid et la « fermeture de la vanne publicitaire », « l’écosystème des podcasts était sous tension », constate Julien Neuville, CEO de Nouvelles Écoutes. Dans un marché dynamique, les pure players du podcast sont confrontés à l’arrivée de nouveaux acteurs qui disposent soit d’une puissance financière qui leur fait défaut (radios, éditeurs de presse), soit d’une capacité à capter rapidement une audience jeune (les influenceurs). Deux options s’offrent à eux : continuer l’aventure entrepreneuriale en mode agile, au risque de ne pas pouvoir suivre le rythme de développement attendu par le marché, ou s’adosser à un acteur qui dispose de la puissance financière et de moyens nécessaires.
« Il est compliqué pour une PME de développer des programmes de qualité pour des nouveaux publics à un rythme soutenu », reconnaît Julien Neuville. Même constat chez Louie Media. « Après les années difficiles liées au covid, nous voulions nous concentrer sur notre cœur de métier pour développer nos productions originales ; le soutien d’un acteur tel que CMI était indispensable pour poursuivre notre développement », résume Katia Sanerot, la directrice générale du studio. « Deux stratégies s’offraient à nous : des levées de fonds, qui ne nous ont pas convaincus, ou le rapprochement avec un industriel », expliquait Mathieu Gallet, fondateur de Majelan, à Stratégies lors du rapprochement de Majelan avec ETX. « Le marché du podcast va continuer à se consolider et nous voulons en être acteur », ajoute Julien Neuville.
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Premier à prendre pied dans le secteur en 2018 (avec l’acquisition de 36 % de Binge Audio), le groupe Les Echos-Le Parisien cherchait à diversifier son activité dans l’audio en développant ses compétences en interne. Avec plus de 1,1 million de téléchargements pour seulement cinq podcasts (selon l’ACPM), le groupe s’impose désormais comme le troisième acteur français du secteur, derrière Slate et Studio Minuit. « Nous avons vu, compris et appris », résume Pierre Louette, PDG du groupe Les Echos-Le Parisien, qui semble ouvrir la porte à un désengagement de Binge.