Sandrine Treiner, directrice de France Culture, a annoncé ce 24 janvier sa démission, au terme d'un règne de huit ans qui a contribué à hisser la station à des niveaux d'audience record, fragilisée par des accusations de management «brutal».
« Verticalité dictatoriale », « politique de dénigrement généralisé », « mise en insécurité »... La dirigeante était dans la tourmente depuis la parution cet automne d'une enquête de Libération sur ses méthodes de management, appuyée sur de nombreux témoignages essentiellement anonymes. « Pour notre collectif et pour France Culture que j'aime tant, je veux clore ce moment difficile », écrit la dirigeante, dans un courrier à ses collaborateurs, consulté par l'AFP.
« C'est pourquoi, en accord avec la direction générale, j'ai décidé de quitter la direction de France Culture », a ajouté Sandrine Treiner, sans attendre les résultats d'une expertise commandée à un cabinet indépendant par la direction de Radio France, prévus fin janvier ou début février. Contactée par l'AFP, la direction de la Maison ronde a refusé de commenter ce départ en l'absence des conclusions de l'enquête et précisé que la présidente du groupe Radio France, Sibyle Veil, s'exprimerait prochainement auprès des salariés de France Culture.
Passée par Le Monde, France 3 ou encore France 24, Sandrine Treiner avait rejoint France Culture comme chroniqueuse pour la littérature et le cinéma en 2010, avant d'en prendre la tête en 2015. Depuis, la station n'a cessé « de conquérir des auditeurs, jusqu'à en doubler le nombre », fait-elle valoir dans son courrier.
Selon Médiamétrie, France Culture a ainsi séduit 1,7 million d'auditeurs quotidiens en novembre-décembre 2022 (+25.000 sur un an), pour une audience cumulée de 3,1%, contre 2% sur la même période en 2015, au début du mandat de Sandrine Treiner. Preuve de la réussite de son tournant numérique, sur la saison 2021-2022, la station est la deuxième radio la plus podcastée derrière France Inter.
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Mais en interne, l'ambiance n'est pas à la fête. Dans son enquête, Libération avait pointé « le despotisme de Sandrine Treiner » et le « climat permanent d'insécurité et d'arbitraire » décrit par « la plupart des témoignages recueillis ». Le journal évoquait alors quatre signalements « pour harcèlement moral » depuis le début de l'année 2022.
Deux jours après la publication de l'article, Sibyle Veil avait apporté son soutien à Sandrine Treiner dans un mail interne aux salariés, cité par le quotidien. Elle rappelait qu'« aucun fait de harcèlement moral » n'avait alors « été établi ». Elle avait toutefois reconnu l'existence d'un « malaise » et annoncé la mise en place d'un « dispositif de diagnostic et d'écoute ».
Une source travaillant chez France Culture confirme à l'AFP « des méthodes un peu brusques », « une grande concentration des pouvoirs » et l'existence d'un climat dégradé. Elle dénonce plus généralement la « précarité » de ses collègues, qui favorise « l'autocensure » et empêche de travailler « sereinement ». « On en a vu se faire virer du jour au lendemain pour avoir été un peu plus critiques, plus volubiles, plus bruyants que d'autres », assure cette source qui a souhaité rester anonyme.
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Dans son courrier à ses troupes mardi, Sandrine Treiner admet des « désaccords ». « J'en prends ici en responsabilité toute ma part », assure-t-elle. « Tout est plus périlleux pour les femmes. J'en ai moi-même fait les frais par le passé. Pour les femmes en responsabilité, d'une manière particulière », estime-t-elle, évoquant des « représentations sociales bien établies (...) que parfois malheureusement nous contribuons à entretenir ».
Il faut « une nouvelle impulsion », ajoute la démissionnaire. « L'équipe en place est solide », juge-t-elle, en citant Florian Delorme, nommé délégué aux programmes de France Culture en octobre. Il avait succédé à Jean Beghin, dirigeant également critiqué et parti à la retraite. « Nous avons travaillé ensemble depuis l'automne, avec tout le comité de direction, pour améliorer bien des points sur des sujets au diagnostic partagé et retrouver de la sérénité », écrit Sandrine Treiner.