Le désintérêt des Français pour l'actualité progresse, particulièrement chez les plus jeunes tournés vers les réseaux sociaux, néanmoins les attentes envers les médias sont fortes à l'approche de l'élection présidentielle, selon le baromètre annuel réalisé pour La Croix.
Comme tous les ans depuis 1987, l'institut Kantar Public a interrogé un échantillon de plus de 1.000 personnes, représentatif de la population française adulte, sur leur rapport aux médias.
Ces entretiens, réalisés du 5 au 11 janvier, montrent que l'intérêt des Français pour l'actualité a plongé de cinq points à 62%, après avoir fortement oscillé entre un plus bas en 2020 et une forte remontée l'an dernier.
Cette chute confirme une tendance à l'oeuvre depuis quelques années: l'intérêt des Français pour l'information a dégringolé après un pic de 76% atteint en 2015 (en pleine vague d'attentats), qui était proche de son record (77% en 1993).
Chez les plus jeunes, le désintérêt est criant: seulement 38% des 18-24 ans affirment suivre avec intérêt les infos.
Le fossé générationnel est également marqué s'agissant du recours aux réseaux sociaux pour s'informer.
La majorité (54%) des moins de 35 ans juge positif le fait que des nouvelles soient diffusées par des non-professionnels de l'information sur les réseaux sociaux, alors que 52% des Français, dont 62% des 65 ans et plus, estiment le contraire.
La toile s'affiche comme le deuxième moyen d'information des Français, pour près d'un tiers d'entre eux (32%), derrière la télévision qui conserve son statut de média d'information numéro un (48%). Suivent la radio (13%) et la presse écrite (6%).
Parmi ceux qui s'informent sur internet, un quart (26%) se tournent prioritairement vers les réseaux sociaux, tels que Twitter ou Facebook/Meta, pour s'informer. Ceux-ci devancent pour la première fois les sites et applications des médias traditionnels.
«Cela ne veut pas dire qu'ils ne lisent pas», a commenté Jérôme Chapuis, directeur de la rédaction de La Croix lors d'une conférence de presse.
«Mais le menu leur est apporté par des algorithmes qui fonctionnent de manière automatique et dont on sait aujourd'hui qu'ils surexposent les articles à très forte charge émotionnelle», a déploré le journaliste, appelant à «réguler cet environnement».
- Attentes fortes -
La crédibilité des médias, bien que faible, demeure assez stable. La radio, qui perd toutefois trois points par rapport à l'an passé, et la presse écrite (+1 point) sont considérées par 49% des Français comme les médias rapportant le plus fidèlement la réalité, devant la télévision (44%, +2 points).
Internet en revanche chute de quatre points, seuls 24% des Français l'estimant donner une actualité crédible.
Concernant l'an dernier, les Français estiment que les médias ont trop parlé du Covid-19 (à 79%) et de la candidature d'Éric Zemmour à la présidentielle (73%).
Ils auraient souhaité qu'ils parlent davantage du climat et de la Cop 26 (41%) ainsi que du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l'Église (39%) et de l'augmentation des prix de l'énergie (38%).
Interrogés sur le rôle des médias dans la démocratie, plus de 90% des Français attendent qu'ils soient indépendants des pouvoirs politique et économique.
Mais ils sont peu nombreux y croire: pour 62% des Français interrogés, les journalistes ne sont pas indépendants du pouvoir politique (62%), ni des milieux économiques (59%) et privilégient l'audience à la qualité de l'info (63%).
En pleine année électorale, les Français sont «encore partagés sur le traitement par les médias de la campagne présidentielle», relève Guillaume Caline de Kantar Public, un tiers d'entre eux (33%) estimant le sujet bien traité, 35% étant de l'avis contraire et un quart restant neutres.
Les attentes du public sont néanmoins fortes envers les médias sur lesquels ils comptent pour recevoir les bonnes informations pour faire leur choix (à 79%), pour pointer les fausses informations diffusées par les candidats (83%) et pour animer des débats apaisés entre les prétendants à l'Élysée (78%).