Les plateformes sont habituées à se mesurer elles-mêmes et à fournir leurs propres données. L’arrivée de Netflix ou Disney+ dans la publicité va-t-elle changer la donne ?
Le rapport intitulé « Publicité en ligne : un marché à armes égales » date de novembre 2020. Il est signé de deux inspecteurs des finances, Anne Perrot et Quentin Jagorel, et d’un conseiller à la Cour des comptes Mathias Emmerich. On peut y lire qu’ « en matière de mesure d’audience et de performance, les échanges entre les annonceurs et les plateformes s’articulent uniquement sur des données de suivi et d’impact produites par les plateformes elles-mêmes, et non vérifiables par les acheteurs d’espace ». Ou encore que « les plateformes, en “s’auto-mesurant”, sont à la fois juge et partie ».
Si étaient alors visés Google, qui place ses tags sur son « Play Store » et offre de suivre les performances via Google Analytics, ou encore Facebook Ads, qui propose un tableau de bord sur l’impact des campagnes, l’arrivée prochaine des géants de la SVOD – Netflix et Disney+ - dans la publicité rend encore plus cruciale la question de la mesure d’audience des Gafan. Comment mesurer de façon impartiale les plateformes ? Comment comparer des audiences TV, établies par le Médiamat, et des visionnages concurrents sur des services de streaming ?
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« Cette situation d’automesure n’est pas saine, reconnaît Julien Rosanvallon, directeur général adjoint de Médiamétrie. La réalité de la SVOD, ce sont des données d’automesure diffusées assez largement avec un vrai problème d’intelligibilité de ces résultats qui sont calculées avec des métriques qui ne sont pas forcément bien comprises et où la question de la neutralité se pose puisque ce sont les acteurs qui diffusent des chiffres issus de leur propre système technique. Le marché a besoin d’une monnaie commune. ».
Les grandes plateformes sont déjà suivies avec la mesure Global vidéo ou le baromètre de la SVOD, avec Harris Interactive, sur les tops des programmes. Mais l’idée est de proposer une mesure plus fréquente et précise, avec la même finesse que le Médiamat sur le téléviseur. Jusqu’à présent, les plateformes n’ont pas souhaité utiliser le « watermarking » propre au Médiamat. Alors comment faire ? Depuis cet été, Kantar et Nielsen ont été consultés pour être des partenaires technologiques et déployer d’ici à deux ans les premières mesures.
Cette évolution s’inscrit dans une transformation plus globale puisque Médiamétrie prévoit d’arriver début 2024 à une mesure de l’audience TV sur tous les lieux et tous les écrans. Pour cela, il table sur sa mesure hybride intégrant les voies de retour des quatre opérateurs télécoms en plus du panel Médiamat. « L’objectif est d’en faire un élément de socle du Médiamat », précise Julien Rosanvallon. Les temporalités seront aussi repensées pour s’adapter aux stratégies éditoriales via le replay au-delà du J+7 ou le preview.
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Les annonceurs sont aussi en attente d’une mesure cross media intégrant l’univers vidéo sur tous les écrans. Le but est d’y répondre quotidiennement d’ici à mi-2024. Au moins via le panel. « On s’est donné les outils pour avoir la plus grande autonomie et un système qui fonctionne même sans la participation des plateformes », ajoute-t-il. Car une collecte de données via un tag est encore loin d’être acquise chez Facebook ou Netflix. Mais les choses changent. Le digital ad ratings de Nielsen est déjà accepté sur les écrans numériques.