La télévision locale est en pleine effervescence. Pour Bruno Ricard, directeur général adjoint marketing, études et communication de 366, « la télévision segmentée bouleverse la donne. La télévision était le seul média qui ne se déclinait pas encore en local. Avec l’important inventaire vidéo de la PQR, un nouveau marché est en train de se constituer. » Le groupe Altice, propriétaire de BFM TV, a ainsi acquis début 2021 Azur TV, qui a donné naissance à BFM Marseille, Toulon et Nice. En mars, deux autres chaînes étaient lancées : BFM DICI Haute-Provence et Alpes-du-Sud. Déjà présent avec quatre chaînes locales, dont deux lancées en 2020 (BFM Paris, BFM Lyon, BFM Grand Lille, BFM Grand Littoral), le groupe renforce ainsi son implantation dans les régions. Sa régie a en outre annoncé un accord pour exploiter à partir du printemps 2022 les données Orange et Bouygues Telecom en TV segmentée. Parallèlement, la PQR s’est regroupée pour créer Territoires TV. Vouée à la production de programmes, cette structure est née du rapprochement de groupes de presse locale (Sud-Ouest, La Voix du Nord, Le Télégramme, La Nouvelle République du Centre-Ouest, puis Ebra). Avec cet engagement, la PQR mise sur la complémentarité du digital et du broadcast avec, en ligne de mire, le contrôle stratégique des vidéos… et des données associées. Le groupe La Dépêche du Midi a de son côté repris le réseau de chaînes locales Vià Occitanie. Contre 1 million d’euros et la garantie de maintenir 45 emplois, il peut exploiter les fréquences de Toulouse, Montpellier et Perpignan. L’un de ses objectifs : rapprocher activités télévisuelles et digitales.
Restructuration de la PHR
Mais la presse régionale n’est pas que quotidienne, elle est aussi hebdomadaire. Avec plus de 90 éditeurs et 240 titres, la PHR fait partie du paysage médiatique des régions. De La Manche libre (55 000 exemplaires) à L’Abeille, en passant par L’Aisne nouvelle, Le Poher, Le Châtillonnais ou encore Le Pays briard, la presse hebdo en région affiche son ancrage local, voire, avec Le Résistant, L’Éclaireur ou Le Démocrate de l’Aisne, ses racines historiques. « La PHR, c’est 100 % d’info locale, nous avons vraiment l’accent local », revendique Antoine Rivalain, directeur de la régie Espace PHR. Si la moitié des titres appartiennent à des éditeurs indépendants, l’autre moitié gravite dans la galaxie des groupes de PQR. Le principal éditeur du secteur étant Publihebdos, la filiale d’Ouest-France, avec 80 titres. Toutefois, la PQR est en train de se désinvestir doucement mais sûrement de la PHR, considérée comme moins stratégique. Le groupe Sud-Ouest a divisé par deux le nombre de ses hebdos ; Ebra en a cédé plusieurs ; La Provence s’est débarrassée de Marseille l’hebdo… « Notre famille de presse est une force par sa diversité et sa richesse, mais elle n’est pas reconnue en tant que telle par le marché parisien », se désole Antoine Rivalain. Pour corriger cela, Espace PHR a développé une offre digitale et une offre écoresponsable.
La Presse hebdomadaire passe à l’offensive
Alors que la PHR est globalement encore plus en retard que la PQR dans la numérisation de ses contenus et services (voir notre article sur la PQR p. 18), Publihebdos est passé à l’offensive sur le web depuis 2017. Avec Actu. fr, l’éditeur regroupe désormais les informations issues de 101 titres de la presse locale et régionale. Une initiative payante, puisque le site a remporté en 2019 le trophée de l’Innovation régionale ou locale à l’occasion de l’événement La Presse au futur. Actu.fr figure également à la huitième place des sites d’information généralistes en France avec plus de 72 millions de visites par mois (source : ACPM, octobre 2021). Fort de cette reconnaissance et de ce succès, le média poursuit son développement local (avec une dernière déclinaison à Perpignan en août). L’éditeur vient aussi de lancer « Enquêtes d’actu », une série d’enquêtes s’appuyant sur le réseau local des 400 journalistes du groupe Publihebdos. La première d’entre elles, publiée le 3 septembre dernier – « Le géant Amazon détruit-il vraiment de l’emploi en France ? » –, a été menée conjointement par des journalistes d’Actu Oise et de Lorraine Actu. Un terrain largement déserté jusque-là par la presse quotidienne régionale, dont ont profité les pure players locaux d’investigation.
La part belle à l’enquête
Depuis cinq ans, l’investigation se décline dans les régions. Mediacités, Marsactu, Le Poulpe, Splann ! et quelques autres conjuguent enquête et numérique, à l’instar de leurs modèles nationaux Mediapart ou Disclose. « Le constat de départ de Marsactu, c’est l’absence d’investigation dans la presse régionale », rappelle Julien Vinzent, président du média qui s’intéresse à Marseille et sa région. Constat partagé par Jacques Trentesaux, cofondateur et directeur de la publication de Mediacités. Ce journal en ligne, lancé il y a cinq ans à Lille, a essaimé à Lyon, Toulouse et Nantes. Il a déjà séduit 4 500 abonnés payants, mais il lui en faut 3 500 de plus pour atteindre son point d’équilibre. Du coup, le « média multimétropolitain d’investigation » est en danger. « Nous rencontrons des difficultés financières importantes. […] Si nous ne parvenons pas à réunir 2 000 nouveaux abonnés avant la fin de l’année, Mediacités cessera de publier en 2022 », a alerté l’équipe de fondateurs dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux. Marsactu, de son côté, a connu une forte croissance en 2020 (1 200 abonnés supplémentaires pour atteindre un total de 5 000), portée par l’intérêt très fort pour l’information de proximité lié à la fois à la crise du covid et aux élections municipales. Il peut ainsi envisager de lancer prochainement un site mobile (75 % des visites sont réalisées sur ce support), de prolonger ses enquêtes en podcasts et, pourquoi pas, de couvrir aussi Aix-en-Provence…