Portrait
Cette ex-prof de lettres est devenue la débatteuse-éditorialiste que les médias s'arrachent. Singulière, altière, percutante, elle porte une parole souverainiste peu entendue mais facilement clivante.

Alors que le photographe installe ses lumières, telle une pro, Natacha Polony sort une trousse de maquillage de son grand sac pour poudrer son visage diaphane. Les gestes sont précis, elle accentue les ombres et intensifie les axes de lumière. La directrice de la rédaction de Marianne, nommée par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky qui, dit-elle, « ne se mêle pas du journal et c'est très bien » a franchi un cap en cette rentrée. La voilà éditorialiste dans la matinale de France Inter le lundi et à la tête de sa propre quotidienne d’une heure Polonews sur BFMTV. Son défi ? « Introduire dans une chaîne info du recul, du temps long et des débats de fond », affirme-t-elle. L’agrégée de lettres modernes au physique de mannequin et aux convictions souverainistes chevillées au corps en appelle au plus exigeant philosophe pour expliquer son appétit de lumières : « Le devoir est le mot clé pour me comprendre. Je fonctionne à la culpabilité. J’ai eu une éducation kantienne : tu dois donc tu peux ». À l’une des trois questions existentielles du philosophe « que m’est-il donné d’espérer ? », elle répond : « De ne pas avoir été totalement inutile. Je dis oui à ces propositions parce qu’il faut bien y aller. Il y a des débats essentiels à mener en cette année présidentielle. Mon angoisse, c’est que ces débats ne soient pas posés. Lors de la dernière élection, on a passé des mois sur des histoires de costard, c’était une blague. »

Paradoxes

Ses partisans applaudiront la femme de conviction, qui monte au front quand ses détracteurs railleront son opportunisme, mâtiné d’une soif inextinguible de visibilité, voire de célébrité. Car Natacha Polony a le talent de polariser les avis, quand elle ne clive pas les observateurs en deux camps : fans et détracteurs. Au point de créer des méprises troublantes. Nombreux sont ceux qui prennent cette souverainiste qui se réclame « de la gauche républicaine » pour une femme de droite. Elle met cela sur le compte de ses convictions protectionnistes et « sceptico-européennes ». « Je suis la mauvaise conscience d’une certaine gauche dogmatique, européenne et dérégulatrice ».

La singularité de son positionnement idéologique expliquerait l’appétence des médias pour sa présence, selon elle : « Je pense avoir réussi à rester sur une ligne de crête qui est la critique radicale d’un système injuste qui créé des inégalités sans tomber dans la déraison d’une révolution déraisonnable ». La voilà donc cheminant sous les lumières depuis deux décennies, passant du Figaro à On n’est pas couché de Laurent Ruquier, de la revue de presse d'Europe 1 au Grand Journal encore flamboyant de Canal+. En dépit de tous ses paradoxes, elle ne s'épargne pas : « Je suis un ours, qui n’a pas de vie sociale. Je suis timide, incapable d’engager une conversation avec quelqu’un que je ne connais pas et toujours aussi nulle dans les situations sociales, soutient-elle. Je n'ai aucune aspiration à me montrer. Je ne suis pas bien sur un plateau télé. Je lutte contre ma tendance à me retirer du monde ». Après Kant, Pascal ! Ses détracteurs, qui ont souhaité rester anonymes, s’étranglent, tant ils décrivent cette fille de médecins, qui lui ont transmis l’amour des livres et des lettres, comme une femme avide de reconnaissance.

Poules et rosiers

Elle tamise les lumières de la ville dans sa campagne tourangelle où elle passe week-ends et congés avec son mari, le critique gastronomique Périco Légasse et leurs trois enfants de 13, 10 et 8 ans. « Si je lui dois quelque chose, et c’est ce qui fait mon originalité, c’est de côtoyer artisans, commerçants, paysans et cultivateurs. Et pas des journalistes ». Elle se dit manuelle, heureuse entourée de sa famille, de ses poules, de ses rosiers, oubliant les vicissitudes « en regardant le vent souffler dans les arbres et en cousant ses propres tenues ». Elle pourrait y broder deux blasons symbolisant ses qualités sur lesquelles tous nos interlocuteurs s'accordent à commencer par Jean-François Khan qui, le premier, lui a mis le pied à l’étrier à Marianne. « Je l'ai rencontrée à une réunion publique. Elle avait été prof de lettres et s'était présentée sous l'étiquette de Jean-Pierre Chevènement aux législatives. Son énergie, son courage et sa capacité de travail m'ont incité à la recruter pour couvrir l’éducation. » Qualités soulignées par Denis Olivennes, DG de Libération qui l’a embauchée à Europe 1 puis propulsée à la tête de Marianne. « C’est une grande bosseuse et une femme courageuse que j’estime d’autant plus que je suis en désaccord avec 100% de ses idées », sourit-il. Clivante, forcément clivante !

Parcours

1975. Naissance à Paris.

1999-2010. Après un DEA de poésie et une agrégation de lettres modernes, elle enseigne en lycée puis à la fac Léonard de Vinci

2002. Se présente aux législatives sous la bannière chevènementiste à Paris

2002-2009. Journaliste éducation à Marianne

2009-2012. Journaliste éducation au Figaro

2011-2014. Chroniqueuse à On n'est pas couché

2012-2017. Présente la revue de presse sur Europe 1

2014-2015. Chroniqueuse au Grand Journal

Depuis 2017. participe à l'émission politique du dimanche de France Inter

Depuis 2018. directrice de la rédacion de Marianne

Rentrée 2021. Anime Polonews sur BFMTV et éditorialiste dans la matinale de France Inter.

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