Trois victimes du terrorisme, cibles de harcèlement en ligne, attaquent en justice Twitter, tenu responsable du classement sans suite de leurs plaintes car le réseau social n'a pas répondu aux requêtes judiciaires visant à identifier leurs harceleurs, a appris l'AFP mercredi 3 février, confirmant une information du Monde.
Cette assignation, pour «refus de déférer à une demande d'une autorité judiciaire» et «complicité des délits d'injure publique», a été adressée à Twitter par Aurelia Gilbert, une rescapée de l'attaque du Bataclan, Georges Salines le père d'une victime de l'attentat, Georges Salines, et par l'ancien journaliste Nicolas Hénin, otage en 2013 du groupe État islamique.
En août 2020 pour les deux premiers et durant l'été 2019 pour Nicolas Hénin, ils ont été ciblés par une vague de harcèlement après avoir pris position en faveur du rapatriement des enfants de jihadistes français retenus en Syrie. « Je pense qu'il faut passer tous les abrutis de collabos par les armes », avait répondu un compte sous pseudonyme à Georges Salines.
Le compte d'Aurélia Gilbert avait été piraté après une première série de tweets insultants - «Dommage qu'ils l'aient loupée»-. Le pirate publiait en son nom des messages tels que: « Mon numéro est le 06.XX.XX.X.XX.XX et je suis un traître à mon peuple ».
Nicolas Hénin s'était lui retrouvé « au centre d'un véritable déferlement de violence et de haine sur le net, mêlant insultes, menaces sur sa personne et sur ses proches, théories complotistes allant jusqu'à mettre en doute son passé d'otage », résume la citation, rédigée par Me Eric Morain et Antoine Vey, qui défendent les trois demandeurs.
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La plupart des messages signalés ont été rapidement supprimés par le réseau social. Mais faute de réponse de Twitter à ses requêtes, le parquet de Paris a successivement classé leurs plaintes au cours de l'année 2020, pour cause d' « auteurs inconnus ».
Dans le cas de M. Salines, le service Support de Twitter a déclaré aux enquêteurs qu' « il ne répondait aux réquisitions que dans le cadre d'une demande de commission rogatoire ou d'entraide pénale internationale », rapporte l'assignation. « Twitter a précisé qu'à supposer même qu'une réquisition soit faite dans ces formes, il appliquerait alors ses propres règles de procédure, en informant préalablement l'utilisateur concerné pour lui donner l'opportunité de la contester en justice. Ce n'est qu'en l'absence de recours de l'utilisateur ou d'échec de celui-ci que Twitter pourra "raisonnablement" répondre. »
Joint par l'AFP, l'avocat de Twitter n'a pas souhaité réagir. Dans une autre procédure, lancée à Paris en 2020, quatre associations - L'Union des étudiants juifs de France (UEJF), SOS racisme, SOS Homophobie et J'accuse - reprochent à Twitter de manquer à ses obligations de modération. Une médiation, ordonnée par la tribunal de Paris, est toujours en cours.