La femme du Monde a des allures de Madame Tout-le-Monde. Cheveux en bataille, doudoune, jean et baskets, Caroline Monnot vient elle-même vous chercher à l’accueil du majestueux bâtiment du groupe Le Monde, quai d’Austerlitz. Cette dégaine passe-partout est aussi la meilleure couverture des investigateurs dont elle a longtemps été. Outre ses enquêtes dans le quotidien du soir, elle a publié deux livres qui ont fait date, l’un sur François Pinault avant qu’il ne crée l’empire Kering, l’autre sur le Front national et les ramifications de l’extrême droite.
« Bébé du Monde »
Enfant de la méritocratie, elle grandit à Champigny-sur-Marne auprès de parents qui « attachent beaucoup de valeurs à l’écrit » dit-elle. Brillante, elle intègre HEC, Sciences Po puis le CFJ avant de devenir « un bébé du Monde » selon son expression. Elle y entre en stage en 1989 au service économie. Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, ne renierait pas cette descendance, lui qui se tenait à distance, par principe, des hommes de pouvoir et se ressourçait dans sa modeste maison secondaire du Beaufortain, dénuée de tout confort moderne. Elle aime la randonnée et couper des oignons, ce qui lui « vide la tête ». Elle assume les vertus du fondateur : révérence pour la simplicité, indifférence envers les apparences, exigence sur les contenus et intransigeance sur l’indépendance.
Cash et franche
Ces qualités, doublée d’une implication sans faille et d’une appétence pour le collectif n’ont pas échappé à Luc Bronner, directeur de la rédaction depuis 2015, dont elle était l’adjointe. « Lors d’un déjeuner début 2020, il m’a dit son envie de revenir au reportage. J’ai pensé à un coup de mou », dit-elle. Lors d’un autre déjeuner auquel Jérôme Fénoglio, directeur du Monde, se joint, les deux hommes lui proposent le poste. « J’étais terrifiée. Je leur ai dit "vous êtes dingues". Luc Bronner excellait à ce poste. Ils ont dû me rassurer, sur la charge y compris mentale du poste. On commence à 5 h 30 et on finit vers 23 h 30. C’est une énorme responsabilité » confie la nouvelle femme du Monde, habitée par un doute salvateur et incorrigiblement cash et franche. « Plus jeune, j’avais la réputation de grogner et de pouvoir m’énerver, surtout vis-à-vis de ma hiérarchie. » Elle s’avoue « un peu bordélique et pas forcément diplomate ». Les années l’ont polie sans éteindre la flamme. Étudiant au CFJ avec elle, Frédéric Carbonne, de Franceinfo, souligne ses paradoxes « Caroline, c’est quelqu’un de très vertébré. Sérieuse et fantaisiste, habitée par un formidable bouillonnement et une fièvre ». De quoi embarquer les 500 journalistes pour couvrir l’actualité du Monde.
Parcours
1991. Diplomée de HEC, Sciences Po puis du Centre de Formation des Journalistes, elle est embauchée au Monde.
1999. Elle publie avec Pierre-Angel Gay, François Pinault milliardaire (Balland).
2009. Elle cofonde avec Abel Mestre le blog «Droite(s) extrême(s)».
2011. Elle publie avec Abel Mestre Le Système Le Pen (Denoël).
2016. Cheffe du service politique.
2021. L'ex-directrice adjointe est nommée directrice de la rédaction du Monde.