Tribune
Que ce soit dans la production des jeux ou dans la pratique des consommateurs, le secteur du jeu vidéo n'est pas sans conséquence sur l'environnement. Aux joueurs et joueuses d'encourager, par leurs choix, les éditeurs plus respectueux de l'environnement et des humains.

Le 23 octobre 2020 devait marquer le début de la dixième édition de la Paris Games Week, salon français organisé par le SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs) et dédié aux jeux vidéo et à ses produits dérivés. Ce rendez-vous, très attendu des joueurs et des joueuses, permet chaque année de découvrir les nouveautés du dixième art. Les annonces et nouveautés de la Paris Games Week sont d’autant plus attendues que la proportion de joueurs français est grande. En effet, en France, selon une étude du SELL, un enfant sur deux et deux adultes sur trois jouent aux jeux vidéo, soit plus de 37 millions de joueurs.

Plus le nombre de joueurs et joueuses est important, plus leur consommation, et donc l’effet sur l’environnement l’est également. Selon une étude menée par The Shift Project, les émissions de gaz à effet de serre liées au numérique représentaient 4% des émissions mondiales en 2018, supérieures à celles du transport aérien civil (2% à 3% des émissions mondiales). La consommation d'énergie liée aux jeux vidéo représente à elle seule l’équivalent de celle de 10 réacteurs nucléaires.

La fabrication de terminaux, un processus énergivore

La fabrication de jeux et consoles nécessite l’utilisation de ressources minières et pétrolières, dites non renouvelables. L’extraction et le raffinage de ces ressources ont des conséquences dévastatrices pour l’environnement et la biodiversité. Cela est lié au rejet de gaz dangereux pour la préservation de l’environnement et pour la santé des populations vivant aux alentours des lieux de raffinage. L’utilisation de pétrole lié à la fabrication de plastique représente à elle seule un impact considérable, et l’industrie du jeu vidéo en aurait généré huit millions de kilos en 2013.

L’extraction des métaux représente quant à elle une menace encore plus importante : selon une étude du Blacksmith Institute, l’industrie minière serait l’une des plus polluantes au monde, loin devant l’industrie pétrochimique. Cette industrie implique de très forts enjeux sociétaux pour les villes proches des lieux d’extraction et de raffinage, comme Baotou, ville chinoise surnommée ville du cancer, dont les habitants mangent, boivent et respirent des déchets toxiques liés à l’extraction de métaux.

Au-delà des conditions de travail désastreuses observables dans les chaînes de production de nos appareils numériques, dont font parties les consoles de jeu, de nouvelles questions se posent concernant les conditions de travail des créateurs et créatrices de jeux vidéo. Les récentes enquêtes publiées dans le journal Libération et sur le site de Numérama, qui répertoriaient des dizaines d’accusations de harcèlement moral, sexiste et sexuel vécu par les travailleuses et travailleurs de grandes entreprises du secteur, témoignent d’un cadre de travail productiviste et néfaste pour le bien être des salariés de l’industrie. Ces accusations encouragent les studios à se remettre en question sur leur culture d’entreprise et à adopter une posture plus inclusive, non seulement dans leur management en interne, mais aussi dans la représentation des héros et héroïnes que les joueurs peuvent incarner dans les jeux.

Encourager le secteur à réinventer son modèle

Dans ce contexte, comment les consommateurs peuvent-ils encourager une transition vers plus de respect de l’environnement et des personnes. La production de jeux vidéo est avant tout destinée à la satisfaction des joueurs et joueuses. En choisissant d’adapter leur manière de consommer les jeux vidéo aux modèles de production qu’ils souhaitent privilégier, les joueurs peuvent encourager le secteur à réinventer son modèle.

Cela peut être fait en préférant l’achat de consoles moins énergivores, si possible reconditionnées ou d’occasion, et en faisant réparer ces consoles si nécessaire afin d’en augmenter la durée de vie, en se renseignant sur les méthodes de production afin de privilégier l’achat de jeux produits de manière respectueuse de l’environnement et des travailleurs du secteur (souvent créés par des studios indépendants). Autre possibilité, soutenir la création de studios aux modèles novateurs, comme les studios travaillant sous forme de SCOP, ainsi que les associations œuvrant à plus de respect des travailleurs du secteur et de l’environnement (comme Women In Games, Afrogameuses, Capgame ou Game Impact).

L’évolution du secteur et de ses méthodes de production viendra des consommateurs, qui encouragent déjà les studios à devenir plus responsables. Certains studios indépendants, bons élèves du secteur, ont d’ores et déjà mis à profit leur créativité dans la réinvention du business model, produisant des jeux plus respectueux de l’environnement et des humains, et transmettant des représentations positives et saines pour tous les joueurs. Les leaders du secteur auront eux aussi à engager leur transformation pour offrir un avenir qui se promet durable pour l’ensemble du secteur.

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