Haine en ligne
Quelques jours après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty, dans lequel les réseaux ont eu un rôle indirect, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a annoncé des mesures fortes. Interview.

Vous avez rencontré les représentants des principaux réseaux sociaux mardi 20 octobre, quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, quel était le but de cette réunion ?

Marlène Schiappa. Il s’agissait de les réunir après cet événement tragique, pour réfléchir à leur mode de fonctionnement. La veille, lundi matin [19 octobre], je m’étais rendue au siège de la plateforme de signalement Pharos, à la demande du président de la République, pour que les fonctionnaires me fassent un retour d’expérience. Le constat a été sans appel : les réseaux sociaux sont trop longs dans leurs réactions et ne répondent pas toujours aux demandes de Pharos.



Comment les plateformes sociales collaborent avec les services de l’État ?

Chez Facebook, ils sont très coopératifs, ils répondent toujours à Pharos et suppriment les contacts demandés. En revanche, je me suis rendue compte en allant chez Pharos que Twitter n’avait jamais répondu à des demandes de la plateforme de signalement de la police. Au sein des réseaux sociaux, il y a des modérateurs qui sont tous les jours confrontés à cette violence-là mais les plateformes elles-mêmes, en tant qu’entité, n’ont pas pris la mesure de toute la responsabilité qui leur incombe face à des gens qui représentent une menace.



Quelle est la prochaine étape ?

Nous voulons une meilleure réactivité des plateformes et une meilleure coordination avec les services de l’État. Aujourd’hui, c’est Pharos qui signale les contenus à caractère radicaux qui existent en ligne, on voudrait que les plateformes fassent leur travail de modération, tout simplement, et qu’elles avertissent Pharos. Pour faciliter cette coordination, nous allons réactiver le groupe permanent de contact créé en 2015 par Bernard Cazeneuve [alors ministre de l’Intérieur], afin de favoriser des échanges très rapides entre les différents réseaux et les services de l’État. Et nous allons l’élargir à de nouveaux réseaux comme Snapchat, TikTok et aussi à des sites de cagnotte en ligne [comme Leetchi ou Le pot commun].



Comment allez-vous agir sur les réseaux sociaux ?

Nous sommes en train de créer une unité pour porter un contre-discours républicain sur les réseaux sociaux face à la radicalisation. Il s’agira de porter les valeurs de la République y compris dans ces espaces-là. Cette unité sera placée sous l'autorité du comité interministériel à la prévention de la délinquance et de la radicalisation et de la lutte contre les dérives sectaires.



Envisagez-vous de légiférer de nouveau sur le sujet ou de retravailler la loi Avia, censurée en grande partie par le Conseil constitutionnel ?

Nous sommes en train de travailler avec le Garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti et le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, pour porter des mesures de ce type. La loi Avia a été largement censurée par le Conseil constitutionnel, nous allons retravailler à sa rédaction et faire en sorte de trouver quelque chose de plus efficace. Nous allons aussi créer un délit de mise en danger de la vie d’autrui par divulgation d’informations personnelles. Il s’agit d’agir contre les personnes qui partagent les noms et adresses d’autres sur les réseaux sociaux. Cela se fera dans le cadre du projet de loi sur les séparatismes qui devrait être présenté le 9 décembre prochain au Conseil des ministres [comme l’a annoncé le Premier ministre, Jean Castex, le 23 octobre].

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.