Après le basculement en télétravail, la tentation de retrait de certains annonceurs. D’autres ont compris que la communication avait toujours du sens en période de crise, à condition que les «messages de marque» soient «adaptés au contexte», martèle Eric Delannoy, vice président et managing partner de What’s Next Partners (WNP). Mais le jour d’après est déjà bien en tête. Révolution ou business as usual ? Une chose est sûre. Le retour à l’agence se fera masqué et festif.
Alternatives aux tournages
Branle-bas de combat pour les agences et boîtes de production qui ont dû décaler leurs tournages sine die. Mais les agences sont toujours dans l’incertitude. «Très franchement ça crée une inquiétude. On a notamment quelques campagnes qui doivent sortir cet été et il faudra les produire et les sortir rapidement», se soucie Éric Delannoy. Une campagne pour Marie, la marque de plats cuisinés, a par exemple été décalée.
En attendant, les agences maintiennent leur production en s'appuyant sur des solutions plus viables. Grâce à ses entités de production, WNP peut continuer de «gérer à distance la partie post-production et son pour les campagnes à venir, mais aussi, faire des maquettes et développer des messages adaptés au contexte du Covid-19.»
L’agence indépendante La Chose a quant à elle produit pour la première fois une campagne 360 en télétravail (#OnResteEnsemble pour Orange). Les autres tournages en France et à l’étranger étant toujours en stand-by. Toujours dans le secteur du digital, FF Paris a lancé la marque alimentaire, Provamel. Le réseau FF travaille d'ailleurs à distance avec des maisons de production. «Le réalisateur et sa maison de production s’associent à une production exécutive qui travaille dans un pays déjà déconfiné, pour que le tournage ait lieu là-bas. Le réalisateur n'est pas sur place, il dirige son tournage à distance», précise Séverine Autret, directrice générale et partner chez FF Paris.
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Selon les secteurs, WNP évalue la baisse des investissements publicitaires entre -15% et -30% (depuis mi-mars). «Vous imaginez bien que pour notre client Air France, investir en communication, n’est franchement pas le sujet.» Mais Gilles Fichteberg, cofondateur et directeur de la création de Rosapark, met en garde. «À la reprise, les annonceurs ne seront pas tous dans une situation économique catastrophique. Il faudra un accompagnement hyper précis en granularité sur chaque problématique. Quels sont les secteurs qui auront besoin de communiquer ? Quelles sont les opportunités ? Le bon timing ? On est déjà dans cette anticipation-là et c’est hyper intéressant. » Celui qui est également le président de la délégation publicité de l'AACC prend en exemple le secteur de l’hôtellerie.
Comment prendre la parole ?
«Le sujet de ce qui va changer et ce qui ne va pas changer, c’est déjà une réflexion essentielle et la capacité à faire le tri entre les deux est actuellemnt majeure dans notre travail. Peut-être que des Français seront plus préoccupés par ce qu’on mettra dans leur assiette», s’interroge encore Éric Delannoy, avant d’ajouter : «J’ai l’impression que les clients ont compris qu’il fallait des marques engagées solidaires, soignantes, localisées, très e-commerçantes et digitalisées, car pour moi, le digital s’est révélé comme un circuit de livraison encore plus indispensable pendant cette crise.»
Éric Tong Cuong président de l’agence La Chose, le rejoint: «Le rôle sociétal des marques va se poser de façon encore plus cruciale, les sujets RSE vont passer de la périphérie au cœur du discours publicitaire. L'avenir est incertain mais passionnant.»
Pour l’agence Curius, le design de marque jouera un rôle central dans cette sortie de crise. «Il faudra changer la perception du logo Covid-19 pour en faire un signe de combat positif et engagé contre la maladie, plutôt qu’un symbole anxiogène que l’on subit», est persuadé Pascal Viguier, CEO de Curius, qui prend en exemple l’image positive développée sur le Sida.
Pour Séverine Autret, «cette période marque définitivement le passage du storytelling au storydoing.» Leur campagne Amazing you pour Club Med de 2017, dans laquelle l'annonceur donne la parole à ses clients en est un parfait exemple.
Gilles Fichterberg, co-fondateur et directeur de la création de Rosapark, temporise. Le changement ne se fera pas à partir du 12 mai. «Il y aura deux vitesses. Ce qui va être mis en place pour la reprise de l’activité et ce qui va être mis en place comme engagements pour la suite. Ça ne doit pas être qu’un discours car ça va demander une profonde transformation industrielle.»